Non, l’Egypte ce n’est pas l’Algérie des années 90, c’est encore pire

Redaction

L’Egypte glisse petit à petit vers la guerre civile. Des attentats meurtriers, des manifestations réprimées dans le sang, une société divisée, une armée qui monopolise le pouvoir, des islamistes qui recourent à la stratégie du pire, l’Egypte est bel et bien sur le point d’exploser. Ou plutôt d’imploser.

C’est donc l’engrenage et tous les ingrédients de la guerre civile sont là. Un remake algérien, comme aiment à prédire certains observateurs. Or, c’est là une erreur impardonnable car l’Egypte d’aujourd’hui n’a absolument rien à voir avec l’Algérie des années 90. L’Egypte, c’est encore pire.

Pire parce qu’en 2013, la médiatisation outrancière des événements donne naissance à une guerre d’information où la manipulation peut faire des dégâts considérables. Depuis le début de la tragédie égyptienne, les chaînes de télévision, les réseaux sociaux et le web sont pris d’assaut par les lobbys en tous genres qui cherchent à privilégier un camp au détriment d’un autre. Dans ce contexte, la guerre des images et de l’information empêche le simple observateur d’accéder à la vérité pour se faire une opinion objective. La situation serait donc digne d’un tableau sombre comme c’est le cas en Syrie où la communauté internationale est paralysée et ne peut comme agir faute de données quantifiables recueillies objectivement sans brouillage médiatique. Dans l’Algérie des années 90, il n’y avait ni Facebook, ni Twitter, ni Al-Jazeera ou Al-Arabiya. Les clivages régionaux étaient beaucoup moins forts, et le vainqueur – ou l’oppresseur – pouvait facilement faire passer sa version. Ce ne sera guère le cas en Egypte.

L’Egypte, c’est encore pire que l’Algérie parce que ce grand pays arabe dispose d’une situation géographique qui jouera toujours en sa défaveur. Israël n’hésitera à aucun moment à intervenir pour favoriser celui qui fera le plus grand nombre de compromis avec sa politique d’occupation criminelle. A l’image du Liban des années 70 et 80, les réseaux israéliens s’échineront à pousser la situation jusqu’au pourrissement pour déstabiliser le seul pays arabe qui peut offrir une issue de secours à la population de Gaza martyrisée par un blocus inhumain. Cette proximité géographique avec Israël rendra toute guerre civile encore plus meurtrière. La circulation des armes se fera de manière plus accrue. D’ores et déjà, des groupes armés commencent à opérer à partir du Sinaï. Cette zone qui fait l’objet d’un accord avec Israël pourrait bel et bien devenir une zone d’opération des services spéciaux israéliens qui ne resteront pas les bras croisés face à un conflit interne armé.

L’Egypte, c’est encore pire que l’Algérie parce que la minorité copte, à peu près 10 millions d’égyptiens, risque de faire l’objet d’un traitement particulièrement meurtrier de la part des belligérants. Chaque camp pourrait penser à s’attaquer à cette communauté minoritaire pour imputer, par la suite, le crime à son adversaire. L’Occident sera particulièrement regardant sur ce qui va se passer avec les coptes d’Egypte. D’ores et déjà, des attentats ont visé cette communauté chrétienne. Cela annonce malheureusement un triste épisode de terreur. On a bien vu comment les chrétiens d’Irak ont servi de terrain de chasse aux différentes factions armées qui ont instrumentalisé cette minorité pour s’attirer les faveurs de l’Occident.

Enfin, en Egypte, la lutte d’influence qui oppose le Qatar à l’Arabie Saoudite sera déterminante et lourde de conséquences. L’Arabie Saoudite soutient clairement l’establishment militaire. Les qataris affichent leur soutien aux Frères Musulmans. A coup de pétrodollars, les deux monarchies richissimes vont régler leurs comptes sur le dos du peuple égyptien. On sait maintenant que la guerre civile en Egypte a trouvé ses bailleurs de fonds. Et quand il y a de l’argent, il y a des armes et de la propagande. Le cruel match peut commencer. L’Algérie des années 90, c’était certainement tragique. Mais l’Egypte des années 2000 sera pire…

 

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