Pays arabes : affectés par les défis en matière de sécurité humaine ( rapport du PNUD, juillet 2009)

Redaction

La sécurité humaine est bien plus qu’une question de survie. Il s’agit d’aider des populations à risque à retrouver le cap d’une existence plus stable, au moyen des structures politiques, économiques, sociales et culturelles garantes d’un avenir meilleur.

Dans les pays arabes, un manque généralisé de sécurité humaine s’oppose au développement humain. Tel est l’un des constats du Rapport arabe sur le développement humain 2009, Défis en matière de sécurité humaine dans les pays arabes, rapport élaboré par des chercheurs indépendants de la région.

Le rapport note que la sécurité humaine est un préalable du développement humain et que son absence générale dans les États arabes limite les options dont disposent les populations. La sécurité humaine, n’est pas uniquement une question de survie immédiate mais dépend aussi de la satisfaction de besoins fondamentaux, tels que l’accès à l’eau et de facteurs déterminant la qualité de la vie. Elle est souvent menacée dans cette région par la présence de structures politiques, sociales et économiques injustes, par la concurrence entre divers groupes sociaux fragmentés pour accéder au pouvoir et aux ressources et, dans certains cas, par les impacts d’interventions militaires de l’extérieur.

Selon les auteurs du Rapport arabe sur le développement humain 2009, le concept de sécurité humaine offre une perspective utile pour examiner les défis auxquels fait face la région en matière de développement humain et pour envisager les solutions à appliquer.

« On tend à concevoir la sécurité en termes militaires ou comme concernant la sécurité de l’État, dit Amat Al Alim Alsoswa, Directrice du Bureau régional du PNUD pour les États arabes et Secrétaire générale adjointe des Nations Unies. Mais la sécurité des personnes est menacée non seulement par les conflits et les troubles civils, mais également par la dégradation de l’environnement, la discrimination, le chômage, la pauvreté et la faim. La seule façon de permettre aux populations des États arabes de réaliser des progrès en matière de développement humain consiste à attaquer ces facteurs d’insécurité à leur source. »

Le concept de sécurité humaine offre une perspective de réorientation des politiques de développement dans la région des États arabes, pour les axer sur les domaines qui auront un impact maximal sur l’amélioration du bien-être humain.

En fait, une focalisation sur la sécurité humaine est aussi une focalisation sur un programme de développement qui offre aux gens de meilleures chances de vivre à l’abri du danger et de réaliser leur potentiel. Le rapport note clairement que des politiques ponctuelles et fragmentées ne suffiront pas. Les programmes de création d’emplois, par exemple, sont d’une efficacité réduite si les gens ne disposent pas de la nutrition et des soins de santé dont ils ont besoin.

Le cadre conceptuel du rapport est celui qui est décrit dans le Rapport mondial sur le développement humain 1994du PNUD ayant pour thème, Nouvelles dimensions de la sécurité humaine. Ce rapport identifie sept menaces interreliées et note que la sécurité humaine ne peut devenir une réalité qu’à condition que toutes ces menaces soient prises au sérieux et que des mesures soient prises pour y parer de manière égale.

Le rapport signale plusieurs manières selon lesquelles les États arabes peuvent accroître la sécurité humaine :

* En renforçant l’état de droit pour garantir le respect des libertés et des droits essentiels, offrir des possibilités à tous et résoudre les conflits particulièrement déstabilisants liés au pouvoir et aux ressources. Six pays arabes interdisent tout simplement la formation de partis politiques, alors que dans d’autres, les limites imposées aux activités politiques et aux organisations civiques constituent souvent une interdiction de fait. Les mesures de sécurité nationale telles que la déclaration de situation d’urgence servent souvent de prétexte à la suspension des droits fondamentaux, exemptent les dirigeants de respecter les limites constitutionnelles et accordent aux organismes de sécurité de vastes pouvoirs.

« L’État civil régi par des lois qui respectent les droits de l’homme est le meilleur garant de la sécurité humaine », déclare Madawi Al-Rasheed, professeur d’anthropologie religieuse au King’s College de Londres et membre de l’équipe principale de rédaction du Rapport arabe sur le développement humain 2009. « Dans la région arabe, ajoute-t-il, les États sont loin de cet idéal. »

Par ailleurs, alors que certains analystes concentrant leur attention sur les États arabes considèrent les différences en matière d’identité comme une source d’insécurité dans ces États, les auteurs du rapport considèrent que la diversité des populations des pays de la région exige une gestion judicieuse de la part de l’État dans le cadre général de la pleine citoyenneté.

* En protégeant l’environnement au moyen d’un renforcement des institutions, de l’adoption et de l’application de lois, de la prise en compte de l’environnement dans la planification du développement et de la sensibilisation à l’écologie par l’éducation des jeunes. La désertification menace quelque 2,9 millions de kilomètres carrés, soit environ un cinquième de la superficie totale des pays arabes. Par ailleurs, les ressources naturelles s’épuisent à un rythme alarmant du fait de l’accroissement de la pression démographique. Le nombre moyen de naissances vivantes par femme dans la région arabe s’élève à 3,6 alors que la moyenne mondiale n’est que de 2,6. À ce taux de croissance, en 2015, la région comptera, estime-t-on, près de 385 millions d’habitants, le total actuel étant d’environ 330 millions.

« La sécurité humaine de la population de la région arabe dépend avant tout de la santé de l’environnement dont nous dépendons tous pour vivre », note Amat Al Alim Alsoswa, Directrice du Bureau régional du PNUD pour les États arabes et Secrétaire générale adjointe des Nations Unies. « Il faut agir d’urgence, dit-elle, pour orienter la région sur un modèle de développement qui soit plus durable. »

* En protégeant les droits des femmes, par la modification des lois et des attitudes qui renforcent la discrimination envers celles-ci. Le rapport signale que les femmes des pays arabes ont un accès limité à la justice et n’ont guère de possibilités de recours en droit lorsqu’elles sont victimes de violences. Dans les zones de conflits, l’insécurité des femmes s’accroît considérablement.

« Bien que la violence envers les femmes existe dans tous les pays, les femmes des sociétés à dominance masculine établie, à modèles de parenté patriarcaux et où la discrimination est légalisée, situation de nombreux pays arabes, sont particulièrement vulnérables », déclare Munira Fakhro, ancien professeur associé à l’université de Bahreïn et membre du Conseil consultatif du Rapport arabe sur le développement humain 2009. « Les actes de violence envers les femmes arabes, note-t-elle, sont en grande partie invisibles, infligés à celles-ci au sein du foyer familial, aux épouses, aux sœurs, aux filles et aux mères. »

* En remédiant aux faiblesses structurelles des fondements de l’économie pétrolière des pays arabes et en favorisant l’instauration d’une économie plus diversifiée, axée sur les connaissances, qui assure un niveau d’emploi suffisant. Les pays arabes sont gravement exposés aux fluctuations des prix des hydrocarbures, car ceux-ci représentent plus de 70 % des exportations de la région. Cette région a également le taux de chômage le plus élevé au monde, se situant à 14,4 % alors que la moyenne mondiale est de 6,3 %. Compte tenu de la croissance démographique actuelle, les pays arabes devront créer 50 millions d’emplois d’ici 2020 pour absorber l’augmentation prévue de la population active.

« La richesse tant vantée des pays arabes provenant des hydrocarbures présente une image trompeuse de leur situation économique, qui masque les faiblesses structurelles de nombreuses économies arabes et l’insécurité des pays et des populations qui en résulte », dit Walid Khadduri, consultant pour le Middle East Economic Survey et membre de l’équipe principale de rédaction du Rapport arabe sur le développement humain 2009.

* En luttant contre la pauvreté
et en éliminant la faim qui persiste malgré la richesse relative de la région. Il est estimé que 20 % de la population de la région arabe vivent en-deçà du seuil de pauvreté reconnu sur le plan international de 2 dollars par jour. Toutefois, une proportion bien plus élevée de la population des pays étudiés dans le rapport, vit en deçà du seuil de pauvreté national et ne peut pas subvenir à ses besoins essentiels. Il est donc plus exact, dans ces conditions, de dire que 2 Arabes sur 5 vivent dans la pauvreté. De vastes segments de la population des pays à faible revenu souffrent de manques fondamentaux, comme le reflètent notamment l’accès insuffisant à l’eau potable et la forte incidence de l’insuffisance pondérale chez les enfants. Le nombre de personnes souffrant de malnutrition dans la région est passé de 19,8 millions en 1990-1992 à 25,5 millions en 2002-2004.

« La sécurité économique et la sécurité alimentaire sont des composantes fondamentales de la sécurité humaine », souligne Walid Khadduri, consultant pour le Middle East Economic Survey et membre de l’équipe principale de rédaction du Rapport arabe sur le développement humain 2009. « Bien que la région arabe dans son ensemble ait un taux de pauvreté relativement bas, ajoute-t-il, les habitants des pays arabes les moins avancés ainsi que les membres des groupes marginalisés dans les pays riches souffrent de graves manques. »

* En améliorant la santé publique, en élargissant l’aspect à des soins de santé de qualité et d’un coût abordable, l’accent étant mis sur la médecine préventive, la lutte contre les pratiques culturelles néfastes pour la santé des femmes et la promotion de campagnes d’information du public compassionnelles sur le VIH/sida alliée à un accroissement du dépistage et du traitement.

« L’approche de la sécurité humaine appliquée à la santé exige que l’on considère celle-ci comme autre chose que l’absence de maladie mais comme un état global de bien-être physique, mental et social », dit Rafia Ghubash, Présidente de l’université du Golfe à Bahreïn et membre du Conseil consultatif du Rapport arabe sur le développement humain 2009. « L’instauration de la sécurité humaine dans la région arabe, note-t-elle, exige que l’on fasse de la santé un droit de la personne. »

* En mettant fin à l’occupation, aux conflits armés et aux interventions militaires qui infligent d’immenses souffrances humaines, anéantissent des décennies de développement économique et minent les fragiles progrès de la réforme politique en renforçant les forces extrémistes et en réduisant l’influence des modérés. Dans la région arabe, plus de 17 millions d’habitants ont été forcés de fuir de chez eux devant les conflits armés, ce qui en fait la région du monde qui possède le plus grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées.

« L’occupation et les interventions militaires dans la région ont des effets gravissimes sur les populations palestiniennes, iraquiennes et somaliennes », déclare Clovis Maksoud, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Washington et membre du Conseil consultatif du Rapport arabe sur le développement humain 2009. « Les interventions constantes dans le Territoire palestinien occupé, en Iraq et en Somalie nuisent aussi à la sécurité humaine dans les autres pays arabes », dit-il.

Le Rapport arabe sur le développement humain 2009 a été élaboré selon un processus fortement consultatif. Il a puisé dans les contributions de plus de 100 chercheurs et érudits. Il a aussi été informé par une série de forums de jeunesse sur la sécurité humaine, un sondage d’opinion sur divers aspects de la sécurité humaine et une série d’essais rédigés par un échantillon représentatif de dirigeants et d’intellectuels sur les politiques arabes. Le PNUD a agi en tant qu’initiateur et gestionnaire du processus ; il a veillé à ce que tous les points de vue soient pris en considérable, à ce que le produit final reflète un large consensus des experts impliqués et à ce que ses messages et ses constats soient diffusés auprès d’une vaste audience de manière à favoriser un riche débat sur les priorités en matière de développement humain pour les quelque 330 millions d’habitants des pays arabes. Le rapport ne représente pas la position du PNUD.

Ce rapport est le cinquième de la série des Rapports arabes sur le développement humain. Les rapports précédents signalaient que les graves carences en matière de liberté, d’autonomisation des femmes et de connaissances constituent des obstacles redoutables s’opposant au progrès et au développement dans la région.

(Programme des Nations Unis pour le Développement, PNUD)