Un rassemblement en soutien à la population palestinienne de Gaza, sous le feu d’une opération militaire terrestre de l’armée israélienne depuis jeudi soir, s’est tenu samedi dans le Nord de Paris en dépit de l’interdiction décrétée par les autorités françaises. Pourquoi, comme la semaine dernière, les rues de la capitale française ont-elles été le théâtre d’émeute urbaine ? Explications.
Parce que des casseurs se sont mêlés au rassemblement
Le journaliste du quotidien Libération Willy Le Devin, en première ligne Boulevard Barbès (XVIIIe arrondissement), a identifié trois temps bien distincts pour expliquer comment le rassemblement a peu à peu tourné à l’affrontement.
De 14h à 15h15, l’ambiance est plutôt pacifique avec notamment certains jeunes qui se parent fièrement de plusieurs drapeaux -Palestine, France, Algérie… Une foule assez hétéroclite scande “Enfants palestiniens, enfants de l’humanité”, “Résistance, de Paris à Gaza”, ou encore “Nous sommes tous des palestiniens”.
Et puis, vers 15h15, quelques jeunes grimpent sur un échafaudage et brûlent plusieurs drapeaux israéliens. Un drapeau du djihad est même exhibé. Plusieurs “Israël assassin, Hollande complice” émergent de la foule en contrebas. La tension monte d’un cran, les familles et quelques militants pacifistes scandalisés quittent le Boulevard Barbès par des rues adjacentes.
Bien leur en a pris, puisque quelques minutes plus tard un groupe d’une centaine de jeunes vêtus, casqués et gantés de noir débarque pour en découdre avec les forces de l’ordre. Entonnant une bruyante Marseillaise et des “LDJ, LDJ, LDJ, salope” (en référence à la Ligue de défense juive), arborant pour certains des t-shirts des ultras de la tribune Auteuil du Parc des Princes -où évolue le club de football du Paris-Saint-Germain (PSG)-, leur présence semble bien éloignée de la cause palestinienne.
Le dispositif de sécurité prévu par les organisateurs tente de les retenir, mais l’affrontement avec les forces de l’ordre est inévitable. Ils se saisissent de pétards, de pierres ou de bouteilles, arrachent même des bouts de goudron avant de les jeter sur les nombreuses troupes de CRS présentes, qui répliquent par l’envoi massif de gaz lacrymogènes.
Le face-à-face entre casseurs et policiers dure en tout plus de trois heures. La préfecture de police de la capitale a dénombré plusieurs véhicules et poubelles incendiées, 44 interpellations -dont 19 personnes toujours en garde à vue dimanche matin- et 17 policiers blessés. Les manifestants ont quant à eux compté dans leurs rangs 20 blessés, et exigé la libération des militants arrêtées. A l’arrivée des casseurs, plusieurs groupes de manifestants se sont dispersés pacifiquement vers Châtelet, la Gare du Nord ou Montmartre.
Parce que la manifestation était interdite
Le rassemblement pro-palestinien avait été officiellement interdit ce vendredi par la préfécture de police de Paris, avec le soutien du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et du Premier Ministre Manuel Valls. Raison invoquée : des “risques graves de trouble à l’ordre public”, après les violentes échauffourées qui ont éclaté dimanche dernier entre des manifestants et des membres de la Ligue de défense juive. L’incident s’était produit en marge d’un cortège de soutien à la population de la bande de Gaza, sous le feu de l’opération militaire israélienne “Bordure protectrice” qui a fait plus de 400 morts depuis 13 jours.
“Ceux qui veulent à tout prix manifester aujourd’hui en assumeront le prix,” a mis en garde samedi le Président français François Hollande, en visite officielle au Tchad. Les organisateurs du rassemblement ont alors répliqué dans un communiqué : “Ceux qui veulent à tout prix user d’un droit démocratique fondamental ne céderont pas à vos menaces.” Même condamnation dans les cortèges autorisés qui ont eu lieu un peu partout en France et en Europe ce samedi. “Honte au gouvernement français qui a interdit une manifestation,” scandaient par exemple les manifestants à Londres.
A Paris, plusieurs collectifs de soutien à la cause palestinienne, la Ligue des droits de l’homme, les Indigènes de la République, l’Union des juifs pour la paix ou encore plusieurs partis politiques -Nouveau parti anticapitaliste (NPA), mouvement “Ensemble!” du Front de gauche- avaient appelé à braver l’interdiction. Entre 5 000 et 10 000 personnes sont descendues dans les rues de la capitale française, risquant jusqu’à 6 mois de prison ferme et 7 500€ d’amende.
Et malgré les heurts de samedi, les organisateurs ont appelé à de nouvelles mobilisations la semaine prochaine.