De plus en plus d’entreprises israéliennes externalisent leurs activités high-tech en louant les services d’ingénieurs et de programmeurs palestiniens: ils coûtent moins cher et travaillent dur, il n’y a pas de décalage horaire comme avec l’Asie, et leur proximité ne se limite d’ailleurs pas à la géographie.
« Le fossé culturel est beaucoup plus petit que ce que l’on pourrait penser », observe Gai Anbar, directeur général de Comply, une start-up israélienne qui met au point des logiciels pour des groupes pharmaceutiques comme Merck et Teva.
Dans un poste précédent, il travaillait avec des ingénieurs d’Inde et d’Europe de l’Est mais il trouvait la communication difficile. Alors en 2007, lorsqu’il a voulu sous-traiter, il s’est tourné vers des ingénieurs palestiniens. Selon lui, ils parlent comme les Israéliens, de façon franche et directe. Comply emploie actuellement quatre Palestiniens.
« Nous avons l’occasion de prouver nos capacités », souligne Mourad Tahboub, le PDG d’Asal Technologies, société palestinienne qui loue ses services à Comply et à une poignée d’autres entreprises israéliennes. « Plus les gens entendront parler de nous (…) plus ils seront à l’aise pour faire affaire avec nous ».
Plus facile à dire qu’à faire. Les locaux de Comply se trouvent à Hod Hasharon, à seulement une trentaine de kilomètres du siège d’Asal Technologies, à Ramallah, en Cisjordanie. Mais Israéliens et Palestiniens ont besoin de laissez-passer spéciaux pour se rendre sur le territoire de l’autre. Murailles de béton et points de contrôle militaires sont là pour le rappeler.
Etant données ces entraves à la libre circulation, les réunions se déroulent souvent par visioconférence. Pour revoir les mises à jour d’un logiciel Comply, la cheffe de projet israélienne Gali Kahane a discuté sur internet avec le programmeur palestinien Mohammad Radad lors d’un « chat » en anglais – smileys et émoticônes inclus.
« Au début, c’était un peu étrange », concède Gali Kahane. « Nous sommes très curieux de savoir ce qu’ils pensent de nous », confie-t-elle, en remarquant que les Palestiniens ne parlent jamais politique avec leurs collègues israéliens. « La seule chose dont nous parlons, c’est quand les bugs seront résolus et comment nous allons respecter les délais ».
Son patron Gai Anbar explique qu’il délocalise en Cisjordanie parce qu’il ne paie ainsi qu’environ 3.000 euros par mois par ingénieur, soit moitié moins qu’en sous-traitant à une société israélienne.
Certes, les ingénieurs indiens et chinois coûtent encore moins cher, observe le DG de Comply, mais l’éloignement les rend moins loyaux. D’après Mourad Tahboub, de nombreux ingénieurs palestiniens ont acquis de l’expérience à l’étranger et la compétition pour ces emplois très recherchés en Cisjordanie les pousse à se dépasser.
Ces trois dernières années, une dizaine de start-ups israéliennes et de sociétés étrangères opérant en Israël ont délocalisé en Cisjordanie, rapporte Mercy Corps, une association d’aide internationale qui encourage ce genre de coopération. Les visites d’hommes d’affaires israéliens, avec l’autorisation de l’armée israélienne, sont de plus en plus fréquentes à Ramallah, affirme Tova Scherr, de Mercy Corps.
Cisco Systems, le géant des réseaux, se targue d’avoir été la première corporation opérant en Israël à avoir externalisé en Cisjordanie. Les branches israéliennes de Hewlett-Packard, Intel et Microsoft ont suivi son exemple cette année, selon Mercy Corps.
Et d’autres encore sont intéressées. Murad Tahboub, le PDG d’Asal Technologies, dit avoir reçu cette année une vingtaine de demandes de la part de sociétés israéliennes. « Nous faisons du bon boulot pour notre pays », se félicite l’entrepreneur palestinien. Selon lui, la technologie « va devenir l’un des piliers de l’économie palestinienne ».
AP