Un reporter de Mediapart est retourné à Gaza, trois semaines après l’accord de cessez-le-feu conclu entre le Hamas et Israël, mettant fin à 51 jours d’une offensive militaire sioniste qui a coûté la vie à quelque 2 147 palestiniens (majoritairement des civils) et 72 israéliens (dont 66 étaient des soldats).
“Un paysage lunaire, où il est souvent difficile de distinguer l’ancien emplacement des rues et celui des habitations rasées”. Voilà comment le journaliste Pierre Puchot décrit le chaos qui règne à Gaza, moins d’un mois après l’intervention “Bordure protectrice” menée cet été par l’armée israélienne. 55 000 bâtiments ont été détruits et, selon la chambre de commerce palestinienne et l’Organisation des Nations Unies (ONU), les coûts de reconstruction sont estimés à plus de 5 milliards de dollars.
Mais le plus saisissant, ce sont les nombreux témoignages de ces habitants revenus habiter dans les décombres de leurs maisons. “À l’entrée de ce qui, fin juin, était encore l’un des souks les plus fréquentés de Beit Hanoun,” décrit l’envoyé spécial de Mediapart, “Assam, 31 ans, discute avec sa mère et sa plus jeune fille, assis sur un matelas au milieu de son salon. Son immeuble n’a plus de façade. Mais il se rend tous les jours sur les lieux, parce que c’est “chez lui”, et qu’il a besoin, comme des milliers d’habitants de Gaza, “de se rendre compte de ce qui est arrivé”. »
L’odeur âcre des cadavres
Le reporter nous plonge dans l’atmosphère du quartier de Chajaya, littéralement dévasté par les frappes aériennes et les bulldozers de l’armée israélienne. Les habitants racontent les bombardements aveugles d’habitations et d’écoles*, l’angoisse d’être en permanence visé.
“Au début, les Israéliens ont prévenu les habitants de notre quartier, mais nous ne voulions pas fuir notre maison,” explique Mohamed Halabi, dont la femme est morte d’une crise cardiaque lors d’une attaque. “Cela nous paraissait impensable de tout laisser, toutes nos affaires, toute notre vie, pour fuir je ne sais où. Et puis, voyant que les gens ne fuyaient pas, ils ont commencé à bombarder. Et nous avons été contraints de partir pour sauver nos vies.”
Parfois quelques enfants jouent dans les décombres, dans ce décor proche du néant. Et parfois, “en passant près d’un amas de gravats, une odeur âcre, à peine perceptible, remonte du béton : ce sont les corps des victimes des bombardements qui n’ont pas pu être dégagés et continuent de pourrir sous les décombres.”
“Cette guerre a jeté nos enfants dans les bras des Brigades”
Le journaliste conclut son reportage en évoquant la résignation des gens de Gaza devant un avenir qui semble totalement bouché. 55% de la population active est au chômage. 60% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La plupart des commerces et des entreprises ont été détruits et l’économie est dévastée. Le cas du port est emblématique : par crainte de la contrebande et du trafic d’armes, les pêcheurs ont interdiction de s’aventurer à plus de 3 milles des côtes. Le peu de poissons qu’ils peuvent alors ramener ne suffit même pas à nourrir leur famille.
L’offensive aurait-elle tout détruit? Au milieu des décombres flottent encore quelques étendards du Hamas. “Ce sont nos enfants, ceux du quartier, qui ont disposé ces drapeaux”, explique Mohammed. “Cette guerre les a jetés dans les bras des Brigades, peu importe qu’elles soient du djihad islamique, du Hamas ou du Fatah. Cela n’a rien à voir avec la politique : ce drapeau est là pour que nous n’oublions pas le mal qui nous est fait, parce que nous sommes palestiniens, et que notre devoir est de continuer à résister, avec nos moyens, aussi minimes soient-ils.”
*Selon l’ONG Human Rights Watch, “Israël n’a fourni aucune explication convaincante à ces attaques”, qui pourraient dès lors constituer des crimes de guerre.