Suède. Champions pour la liberté des mœurs… et les viols

Redaction

viol Une étude place la Suède en tête des pays d’Europe pour le nombre de viols. Une éditorialiste de Fokus s’interroge sur ce phénomène.

Pourquoi le nombre de viols enregistre-t-il une telle augmentation en Suède ? Nul ne le sait. Pourquoi est-ce que personne ne cherche les causes de cette augmentation ? Et pourquoi l’indifférence prédomine-t-elle ?

Voilà quelque temps, Bruxelles a financé une étude sur le viol en Europe. Pour la Suède, les résultats étaient alarmants : nous arrivons en tête de classement avec 46 viols déclarés pour 100 000 habitants, devant l’Angleterre et le pays de Galles, deuxièmes avec un chiffre inférieur de moitié, 23 viols déclarés pour 100 000 habitants. L’étude a été conduite par le Pr Liz Kelly, de la London Metropolitan University. Ses partenaires suédois étaient Eva et Christian Diesen, de la faculté de droit de l’université de Stockholm. La Suède occupe donc la première place de ces sinistres statistiques. Le nombre de viols déclarés a enregistré une nette augmentation dans le pays. L’année dernière, le cap des 5 000 plaintes a été franchi. Entre 2004 et 2007, le nombre de déclarations de viol a bondi de 81 %.

Certes, ces chiffres s’expliquent en partie par la définition légèrement différente que la Suède en donne. Depuis 2005, il n’est plus nécessaire qu’il y ait eu violence ou menace de violence pour engager des poursuites. Il suffit que la victime se soit ­trouvée dans un état d’impuissance – endormie, ivre ou sans connaissance. Mais ni la législation suédoise, ni la multiplication des plaintes, ni la composition démographique du pays, ni le modèle suédois de répartition des rôles sexuels n’expliquent une telle augmentation.

De même, rien n’explique non plus que le taux d’élucidation soit aussi bas. De fait, il est quasiment inutile de déclarer un viol. A peine 10 % des coupables désignés sont condamnés. Et les fausses accusations ne sont pas en cause, puisqu’elles ne s’élèvent qu’à 2 %. Ce ne sont pas les viols brutaux, dans lesquels un inconnu agresse une femme, qui augmentent. Non, c’est le nombre de cas où la victime et l’auteur des faits viennent de faire connaissance. On se rencontre à une fête ou au ­restaurant, et l’on prolonge la soirée ailleurs. Arrivée dans l’appartement de l’homme, la femme refuse d’avoir des rapports sexuels. D’après la loi, ce type de circonstances ne change rien au crime. En réalité, si.

Des comportements qui frôlent l’inconscience

Les jeunes filles sont de plus en plus jeunes à déclarer un viol. L’âge moyen est tombé de 27 à 22 ans. Et l’on retrouve dans les plaintes une triste constante : la fille est ivre, le garçon l’est aussi – mais moins.

Sous sa forme actuelle, constate Eva Diesen, la loi considère que les femmes sont sexuellement disponibles jusqu’à ce qu’elles disent non ou opposent une résistance. Or, selon elle, la loi devrait se fonder sur la “condition du consentement” – le fait que l’homme est tenu de s’enquérir si la femme est réellement disposée à avoir un rapport sexuel. La proposition d’Eva Diesen apporte une contribution intéressante au débat. Si l’on interprète les réactions trouvées sur Internet, on constate que les Suédois jugent l’idée mauvaise. Même s’il existe quelques exceptions, la plupart estiment que les filles doivent assumer les conséquences de leurs choix quand elles décident de s’attarder, et considèrent dévalorisant de demander la permission de les toucher.

Cependant, même les parents les plus “politiquement corrects” ne sont pas ce qu’ils semblent être. J’ai du mal à imaginer un père ou une mère de famille prêcher le respect de la loi auprès de leur fille en lui expliquant qu’elle a le droit de changer d’avis, de dire non et de rentrer chez elle. Je pense plutôt qu’ils lui conseilleraient de ne pas oublier de rentrer avant de se mettre au lit, comme le chantait [le chanteur suédois] Ulf Peder Olrog dans les années 1950, à l’époque des porte-jarretelles et des jupons amidonnés.

Si l’on veut vraiment changer ces statistiques et faire baisser le nombre de viols en Suède, il faut sans doute se battre sur tous les fronts. Au risque de sembler vieux jeu, je propose que les jeunes se raccompagnent chez eux plutôt que d’abandonner une amie ivre dans les bras d’un (quasi)-inconnu. La situation actuelle appelle un retour de la courtoisie. Pendant un demi-siècle, la Suède a été célèbre dans le monde entier pour sa liberté de mœurs et ses filles faciles. Voulons-nous désormais devenir célèbres dans le monde entier pour être le pays des violeurs ?

(Courrier International)

Législation

La Suède a modifié sa législation après une affaire de viol datant de février 2003. A l’époque, les agresseurs d’une femme de 35 ans avaient été acquittés au motif que leur victime, qui leur avait ouvert la porte de son appartement, était dans un état d’ébriété avancée. Un verdict qui avait provoqué l’émoi de l’opinion publique et précipité l’adoption d’un amendement à la loi.

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