Présidentielles, entretien avec Ferhat Mhenni, leader du MAK

Redaction

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Pour Ferhat Mehenni, le rendez-vous électoral du 9 avril est une mascarade. Dans l’entretien qui suit, il explique le point de vue du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie ( le MAK), dont il est le fondateur, et défend son idée d’une Algérie fédérale. Une idée qui ne fait pas l’unanimité…

Rappel : Chers lecteurs vous pouvez poser vos questions et apporter la contradiction à notre invité en bas de cette page, dans le respect et la bienséance. Les commentaires irrespectueux et diffamatoires sont proscrits de cet espace.

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Chers lectrices, chers lecteurs,

la rédaction de algerie-focus.com vous prie de bien vouloir l’excuser du fait que notre invité Ferhat Mhenni ne pourra pas pas répondre aux questions des lecteurs, car la rédaction n’arrive plus à le joindre.

Merci pour votre compréhension

La rédaction

Questions :


1-Que pensez-vous de la campagne électorale en Algérie, et qu’elle est, dans ce cadre, la position du MAK? Que pensez-vous des réactions de l’opposition à ce propos ?

5f9-ferhat-mehenniFerhat : Ce semblant de campagne électorale pour des présidentielles jouées d’avance est une mascarade. Les candidats contre Bouteflika sont sans envergure, triés sur le volet par la hiérarchie militaire pour servir de décor pluraliste à une élection à la « soviétique ». C’est une tartufferie de plus que le régime a commencé à mettre en œuvre le 12 novembre 2008 avec la révision constitutionnelle déplafonnant le nombre de mandat successifs pour Bouteflika. Personne n’en est dupe et la communauté internationale, aux prises avec des conflits sanglants ailleurs, sait qu’elle a affaire à un Etat voyou mais préfère fermer les yeux sur les pratiques anti-démocratiques et liberticides de nos gouvernants.

La position du MAK vis-à-vis de cette échéance est rendue publique le 29 novembre 2008 lors d’une conférence animée dans les locaux de l’association « Tamazgha » à Paris, où j’ai personnellement annoncé la couleur du boycott. Les raisons pour lesquelles ce que vous appelez « opposition » boycotte cette présidentielle sont peut-être différentes d’un acteur politique à un autre ou d’un parti à un autre. Mais vous aurez remarqué qu’elle est globalement kabyle et l’ignorer c’est faire la politique de l’autruche, ou tenter de cacher le soleil derrière un tamis.

2- Le passage de Bouteflika en Kabylie s’est déroulé dans le calme et avec un relatif succès, selon l’entourage du président. En tant que leader d’un mouvement Kabyle, cela vous inspire quoi ?

Ferhat : Ce « passage» comme vous le dites s’est fait plutôt à la sauvette, à la manière d’un voleur, avec :

1) des bus amenant des populations d’ailleurs que de Kabylie pour remplir les rues de Vgayet et de Tizi-Ouzou.

2) des discours bâclés en un quart d’heure chacun. Il était là plus par défiance que par empathie. Il était venu insulter la mémoire de nos enfants assassinés au Printemps noir en couvrant leurs bourreaux. Bouteflika est un provocateur. Il l’a prouvé encore une fois.

La Kabylie le lui rend bien en lui tournant ostensiblement le dos, en l’ignorant. D’ailleurs, il le reconnait lui-même en lâchant à notre endroit « vous nous boudez !». Son déplacement en pays kabyle est un tel fiasco qu’il ne reste à son entourage que la méthode Coué pour s’en consoler.

3- Le MAK prône l’instauration d’un système fédéral en Algérie, avec entre autres une autonomie politique pour la Kabylie. Pouvez-vous nous dire un peu plus sur le programme de votre mouvement et ce qui motive ses choix politiques?

Ferhat : Le MAK prône une autonomie régionale pour la Kabylie. Il n’a pas pour ambition de prendre en charge le combat des autres régions, des autres identités, des autres peuples d’Algérie en dehors de celui du peuple kabyle. Nous avons un programme qui est contenu dans deux documents adoptés lors de notre Congrès Constitutif du 14 août 2007 à Ighil Ali : Le Projet d’Autonomie de la Kabylie (PAK) et la Charte des Droits du peuple kabyle et de la Kabylie.

Il serait bon que chacun aille les découvrir sur notre site officiel www.makabylie.info. Nous militons pour la mise sur pied d’un Etat régional en Kabylie à la manière de celui de la Catalogne en Espagne. Dès lors que le pouvoir algérien ne veut pas de tamazight comme langue nationale et officielle, de la laïcité comme système de valeurs, de l’identité kabyle comme une donnée positive du pays, il ne nous reste qu’à prendre notre destin en main pour bâtir à nos enfants un avenir de paix et de liberté, loin de la répression, des barricades, de l’agitation permanente, de l’insécurité, de l’humiliation et des vexations auxquelles nous sommes soumis depuis l’indépendance de l’Algérie.

4- Pour beaucoup d’algériens, le MAK représente un mouvement régionaliste, marqué par un repli identitaire, voire dans certains cas, qualifié de raciste, si l’on en croit les déclarations et les prises de position de certains sympathisants du MAK qui s’expriment sur internet par exemple. Que répondez-vous à ces critiques ?

Ferhat : Le MAK défend la Kabylie et le peuple kabyle. Il en assume avec fierté l’identité et le projet politique d’autonomie régionale. Si, pour d’aucuns, le fait de défendre son peuple et son territoire, son identité et sa langue, est un crime en soi, qu’ils prennent alors pour des « racistes » tous les peuples de par le monde qui luttent pour leurs droits. Le raciste n’est pas celui qui revendique son identité kabyle mais celui qui refuse aux Kabyles d’être ce qu’ils sont, des Kabyles.
Quant aux forums sur le net, s’il se trouve des excès condamnables, on ne peut imputer au MAK que ses actes et ses positions officielles et non celles de « sympathisants » parmi lesquels interviennent des non Kabyles pour leur faire endosser des propos qui ne sont pas ceux de la majorité d’entre eux. Mais avez-vous été sur d’autres forums antikabyles et qui sont mille fois plus nombreux que ceux fréquentés par les nôtres ? Vous verrez-là, ce qu’est le vrai racisme. Si vous voulez que nous osions une réflexion concernant le net, disons qu’il est tout simplement le lieu où sont visibles, en grandeur nature, les véritables clivages, quand ce ne sont pas les fractures réelles, qui traversent l’Algérie. Le MAK arrive à point pour prévenir le pire et non pour le précipiter.

5- Pourquoi l’action du MAK se limite-t-elle uniquement à la seule composante kabyle de la société algérienne. Ne risquez-vous pas d’être ostracisé par le gouvernement- ce qui peut se comprendre. Mais surtout par la majorité des algériens qui se sent exclue de votre action ?

at : L’action du MAK se limite à la composante kabyle de l’Algérie car cette dernière n’est prise en charge par personne. Elle est diabolisée par l’ensemble des institutions de l’Etat. Elle n’existe officiellement ni en tant qu’identité, ni en tant que région.

Elle n’existe que comme une « menace » sur le régime despotique qui est en place et que l’on assimile à tort à la « nation ». Elle est enfoncée par tout le système de valeurs auquel adhère la majorité des Algériens et qui fait du Kabyle l’abcès de fixation et le bouc-émissaire de tous les malheurs du pays.

D’ailleurs, il n’est point besoin d’être le MAK pour être ostracisé. Le fait d’être kabyle suffit. Je n’en veux pour preuve que l’isolement du FFS et du RCD qu’on ne peut accuser de s’occuper uniquement de la composante kabyle de l’Algérie.

Pourquoi sont-ils désertés par les non Kabyles ?

Le problème fondamental de l’Algérie est moins celui de sa bonne gouvernance, de son projet de société au sens occidental du terme que celui de son pluralisme identitaire. Celui-ci fait du pouvoir le moyen par excellence d’une domination des identités par l’une d’entre elles. Que pour en camoufler la réalité on recourt à des hommes-lige jouant les potiches nationales, rien d’étonnant. Tant que l’accession au pouvoir se fait pour les hommes politiques sur cette base, comme on vient de le constater avec cette mascarade des présidentielles, on continuera de désigner le Kabyle du doigt par diversion machiavélique.

6- Pensez-vous que l’Algérie est un pays adapté aux idées avancées par le MAK, particulièrement l’idée de créer un système fédéral, basé sur des critères identitaires ou culturels ? N’y voyez-vous pas par exemple un risque d’atomisation de la société algérienne, déjà bien fragilisée ?

Ferhat : Si l’Algérie n’est pas adaptée aux idées que défend le MAK, notamment celles des autonomies politiques territoriales basées sur des critères identitaires et culturels, c’est qu’elle est déjà condamnée à imploser. Le jacobinisme est déjà mort.

Pourquoi le prôner chez nous alors qu’il a échoué chez lui, en France ? La seule solution à la coexistence des identités au sein d’un même pays est celle des autonomies régionales ou des fédéralismes. Là où même la Chine monolithique trouve des vertus à la gestion des identités par elles-mêmes, l’Algérie y aurait forcément intérêt. Sa stabilité et son avenir en dépendent. Ce qui fragilise l’unité nationale est davantage le déni identitaire que sa valorisation. Cultivez les identités et leur respect et vous aurez la paix et la prospérité. Cultivez le déni et vous aurez, au bout du compte, le chaos et la guerre. Osez la différence et le respect de chaque peuple qui composent l’Algérie et vous aurez le paradis sur terre.

7- Dans un article qu’on peut lire sur le site du MAK, vous annoncez qu’un mandat d’amener, qui serait délivré par un tribunal de Bouira, est lancé contre vous. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette affaire ?

Ferhat : Un collectif d’avocats est en train de se constituer pour en étudier les termes.

8- un mot pour conclure ?

Le MAK est la dernière colombe en Algérie. L’alliance de Bouteflika avec les islamistes nous mènera droit dans le mur. Celui-ci sera fait de dictature théocratique et de guerre civile fanatisée contre la Kabylie, le M’Zab, les Aurès et les Touaregs. Je lance un appel aux consciences éclairées du pays pour éviter le pire. Le MAK reste disponible pour toute solution allant dans le sens du respect des peuples, de leurs identités et de leur droit à s’autogouverner dans un cadre solidaire.

entretien réalisé par Fayçal Anseur

Ferhat Mehenni (bio express)

Chanteur algérien et militant kabyle

Né le 5 mars 1951 à Illoula en Grande Kabylie (Algérie), Ferhat Mehenni perd très jeune son père mort pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie. Il a été admis tardivement à l’école primaire des enfants de Martyrs à Alger où il a recontré un problème linguistique.

Devenu un chanteur kabyle célèbre en Algérie, Ferhat Mehenni a fondé, en août 2001, le MAK (Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie), qui défend une Algérie fédérale