A Tindouf, la nuit, on ne dort pas, on fait campagne

Redaction

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Tindouf

A Tindouf, ville saharienne située à presque 1.500 km à l’extrême sud-ouest d’Alger et seulement 50 km des frontières du Sahara occidental et du Maroc, l’élection présidentielle algérienne occupe les nuitées des habitants. Reportage au cœur d’une veillée politique.

Le mercure culmine à 22°. L’aiguille de notre montre s’approche du 12. C’est au bout de la nuit que les habitants de Tindouf se rassemblent dans la rue, les terrasses de café et les cours des maisons pour discuter. Sujet principal de leurs discussions ces derniers jours : l’élection présidentielle. Abdelaziz Bouteflika sera-t-il réélu le 17 avril malgré une santé fragile, qui l’éloigne des meetings populaires ?

Les Algériens feront-ils confiance à un autre candidat pour gérer le pays après les 15 années de pouvoir de Bouteflika ? A presque 1.500 km à l’extrême-sud ouest d’Alger, dans ce carrefour frontalier bordé par le Maroc et la Mauritanie, on se pose aussi ces questions-là. Et surtout au milieu de la nuit. « Nos journées commencent vraiment à partir de 18 H. On a l’habitude de se réunir pendant ou après le dîner pour discuter de la politique », glisse un homme dans l’assistance, habillé de la gandoura, le vêtement traditionnel, la tête couverte par son éternel chèche bleu ciel.

Un meeting politique après minuit

Ce lundi soir, les Tindoufiens reçoivent Ali Benflis dans le vieux quartier de Ramatine. L’ex-chef de gouvernement est le premier candidat à l’élection présidentielle à faire le voyage à l’autre bout du pays. Sur le tarmac de l’aéroport, à son arrivée, un avion militaire donne le ton. Ici, l’armée a « fait » la ville puisque les infrastructures ont d’abord été construites pour les dizaines de milliers de soldats qui y résident en permanence. Ces militaires côtoient les quelques 60.000 civils qui vivent à Tindouf et environ 90.000 exilés du Sahara occidental, qui ont trouvé refuge dans les camps.

Malgré le retard cumulé toute la journée, sur les routes de la wilaya de Mechria puis Béchar, Ali Benflis, qui ne s’était pas rendu sur les lieux lors de sa première campagne présidentielle en 2004, a souhaité tenir l’engagement, qu’il avait pris auprès des habitants de Tindouf, et honorer leur veillée politique de sa présence.

Le meeting a lieu dans la cour de la belle demeure d’un notable de la ville, un peu après minuit. Plusieurs centaines d’hommes, jeunes et moins jeunes, ont passé le début de soirée à siroter des verres de thé et papoter en attendant l’invité de cette veillée. L’assistance masculine s’assoit sur les tapis installés dans la cour lorsqu’Ali Benflis, qui a enfilé entre temps la tenue locale, surgit au pupitre.

Un discours de trois quart-d’heure applaudi par les hommes et salué par les youyou des femmes. Regroupées à l’autre bout de la cour, dans un angle mort qui les empêchent de voir le candidat, elles tendent l’oreille pour saisir des bribes de discours. Dans leurs jupons, leurs enfants turbulents crient des « Ali Benflis Président ». « Irez-vous voter le 17 avril prochain ? », demande-t-on aux dames et aux jeunes filles en âge de voter. Elles pouffent de rire et se couvrent un peu plus le visage, l’air intimidé. C’est que les femmes n’ont pas l’habitude ici qu’on leur demande leur opinion politique.

Le discours terminé, les hommes s’attablent dans la cour. Il est déjà plus d’une 1 H du matin. Le candidat et son équipe sont conviés à l’intérieur de la villa. Les femmes reprennent leur quartier dans la cuisine. Ce soir elles ont préparé de délicieux plats à base de viande de chameau. La viande qu’elles servent à ceux qui viennent leur rendre visite.