Agriculture/ Ces Algériens qui réhabilitent les produits du terroir

Redaction

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L’association dénommée Collectif Torba est une ode à un hédonisme terrien. Elle ferait pâlir de jalousie le plus pieux des disciples de Pierre Rabhi.

Le 18 septembre, à 15h, au Fayet Club, le Collectif Torba organise sa deuxième assemblée générale depuis sa fondation en 2014, et souhaite rassembler toutes les personnes intéressées par le projet qu’elle propose, basée sur une agro-écologie responsable, et sur un retour aux liens charnels unissant l’homme à la terre. Rencontre avec Karim Rahal, président du Collectif Torba.

Ecologie et agriculture urbaine

Le collectif Torba fait la promotion d’une écologie pragmatique : nos sociétés doivent s’adapter aux processus d’urbanisation massive bouleversant les anciens rapports de l’homme à la terre, et la société civile doit jouer son rôle, peut être plus encore que le politique, pour offrir des solutions concrètes aux problèmes émanant de ces phénomènes.

Parmi ces solutions, Karim Rahal évoque le recours à « l’agriculture urbaine », une agriculture accessible, démocratique, participative : « Nous voulons recréer du lien entre l’homme et la terre, et cela passe par des actions simples, des bacs de terre et de petits potagers dans les villes, sur les balcons, les terrasses, les parkings des cités ».

Le but est de sensibiliser les citoyens, les jeunes notamment, afin qu’ils retrouvent le plaisir, et le goût, des bonnes choses cultivées près de chez soi.

Cette sensibilisation, concrètement, passe par une tournée des écoles et par la redécouverte, pour les plus jeunes, de jardins, des légumes, d’une culture simple et proche des hommes : « Il s’agit pour eux de planter, d’arroser, de retrouver des saveurs qui ont longtemps semblé perdues à jamais ». Le collectif se déplace avec plaisir dans les écoles et est à disposition de toutes celles qui seraient intéressées par cette démarche.

Les « jardins partagés » constituent le deuxième objectif de l’association, qui lance un autre appel en direction des assemblées populaires communales: « nous cherchons à travailler autant que possible avec les APC, afin de promouvoir des lieux publics spécifiques, ouverts à chaque personne qui désirerait cultiver un bout de jardin, mais qui n’en n’ont pas nécessairement les moyens matériels ».

La « perma-culture » et le monde rural

Si le collectif se concentre principalement sur le milieu urbain, notamment en raison des dynamiques démographiques actuelles, son action s’étend aussi aux mondes périurbains et ruraux.

Karim regrette la désertification actuelle, physique et humaine, du monde rural, et l’association travaille actuellement sur plusieurs projets de fermes à aider. Elle finance et cofinance de nombreuses opérations. La dernière en date ? L’achat de 500 arbres fruitiers pour le terrain d’une ferme du parc national de Chrea, avec laquelle le Collectif coopère activement.

D’autres fermes se trouvent dans ce même parc, et à partir de la rentrée, une nouvelle promotion d’arbres fruitiers sera plantée dans une dizaine d’entre elles.  L’appel du Collectif Torba se tourne ici vers les particuliers, hommes et femmes, qui souhaiteraient s’impliquer davantage dans cette lutte pour la préservation d’un monde rural à l’agonie.

L’association insiste sur la dimension systémique de l’agro-écologie, « qui doit être distinguée de l’agriculture biologique ». Avec la perma-culture, expliquent-ils, tous les éléments de la nature sont considérés dans leurs dimensions d’interdépendance, et la production n’est donc jamais centrée sur un seul produit. Ce système de culture permet de moins travailler la terre pour obtenir les mêmes résultats, car il sollicite de manière naturelle les atouts de chacun des éléments présents dans l’écosystème.

La ferme avec laquelle le collectif travaille actuellement est représentative de cette volonté « agro-écologique ». Après avoir planté des arbres fruitiers, le prochain projet consistera à construire un poulailler au sein duquel seront élevés des poulets fermiers ; et un troisième objectif sera de régler les problèmes d’eau, liés aux sécheresses, notamment en améliorant les techniques agricoles afin de « d’être plus efficace tout en utilisant moins d’eau ».

Lien social et culture locale

Tous ces efforts partent d’un constat simple : les manières de produire et de consommer sont intimement liées. Karim Rahal pose un regard sans concessions sur la société actuelle, et sur les modes de consommation des nouvelles générations d’Algériens : « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont attirés que par les grandes marques et les produits importés, ils ont perdu tout rapport aux produits locaux ».

La conscience écologique du collectif Torba se double d’une conscience sociale, en cherchant un retour aux sources, à des repas sains et traditionnels, « au vieux couscous fait à la maison avec de bons produits ». A cette conscience sociale s’ajoute la question sanitaire : les mauvais réflexes nutritifs assimilés par les jeunes générations conduisent directement à des problèmes d’obésité, à des maladies cardiaques, vasculaires, etc.

Le collectif est avant tout une association de consommateurs. Il cherche à bousculer les mentalités en s’impliquant directement au cœur de la société civile, en promulguant une culture du terroir et des bons produits locaux, tout en recréant du lien social entre les différents acteurs impliqués.

Ces initiatives locales sont cohérentes avec le projet d’ensemble, écologique et économique, cultivé par l’association. La promotion d’une culture du « local », impliquant une diminution des moyens de transports nécessaire à la circulation des produits, est en un sens liée à un discours économique favorable à l’autosuffisance alimentaire du pays. On retrouve, dans ces discours, l’influence de Pierre Rabhi, rencontrée par le président du Collectif en 1987, ainsi que celle de Thomas Sankara, qui fut tout proche de faire de Rabhi un de ses ministres, avant d’être tragiquement assassiné.

Le rôle de la société civile

C’est dans toutes ces perspectives que l’association croit profondément au rôle de la société civile, et attend des citoyens une réaction de fierté face à la situation actuelle. Pas seulement pour la planète, mais pour retrouver un rapport concret à la terre, un rapport qui soit de nouveau une source de plaisir pour l’homme. Pour le président du collectif, le changement passera bel et bien par des actions concrètes, par et pour les citoyens, qui elles seules peuvent peser sur les futures directions prises par le pouvoir politique. Un individu responsable est un citoyen libre, autonome, et l’association œuvre pour cette prise de conscience.

Vous pouvez retrouver le Collectif Torba sur facebook et sur leur site internet (http://agroecologie-algerie.org/). Leur 2ème assemblée générale aura lieu le 18 septembre 2015, à 15h, au Fayet Club, à Ouled Fayet (Alger Ouest).

Reportage réalisé par Hussein Abidi