Algérie : le salafisme côté pile, côté face !

Redaction

Le salafisme, notamment dans sa variante wahhabiste, représente-t-il toujours une menace pour la cohésion sociale ? La question reste à poser en ces temps de bouleversements sociaux.

Soutenue par les pétrodollars, la propagation du wahhabisme dans les pays arabes s’est accélérée ces dernières années.  Les rois saoudiens, pour des raisons de géostratégie ont préféré propager leur idéologie, plutôt que de s’investir dans la conquête de pays arabes par le biais des armes. Les pétrodollars, conséquence de la réussit économique du royaume, permettent ainsi à une vraie industrie du livre d’exceller. Les livres wahhabistes sont distribués dans tous les pays arabes, et musulmans par la suite. L’Égypte a été le premier pays où des manuscrits rédigés par des cheikhs wahhabistes atterrissaient. Et c’est de là commence la rivalité entre salafisme et Frères musulmans.

L’oppression des Zaouïas a encouragé le salafisme

Les pays maghrébins n’ont pas été indemnes de cette invasion culturelle et cultuelle. Les autorités d’Alger qui ont permis au wahhabisme de se propager à cause du vide spirituel causé par l’oppression des zaouïas, tenantes d’un islam ancestral et tolérant. Et cela durait particulièrement depuis la moitié des années 1970. Le salafisme a comblé le vide. Mais les répercussions ont été désastreuses.

En 1986, le prix du brut chute. Les saoudiens avaient inondé le marché à la demande des américains, qui jugeaient le prix du baril trop cher. Cette décision, prise en dehors de l’OPEP, a été très négative pour l’Algérie. Le pays s’étant lancé depuis le début des années 1980 dans un programme de développement socioéconomique. La baisse des cours du brut, n’a pas permis aux autorités de contrer les pénuries.

Octobre 1988 voit le déferlement de toute une jeunesse qui voulait dénoncer la dictature du parti unique, le paravent civil des militaires, la cherté de la vie, la crise de logement (qui perdure toujours) et la nomenklatura qui a privatisé le pays.

Le Front islamique du salut (FIS) agréé en 1989, est un parti politique, porteur de idéologie wahhabiste. Il a pu regrouper des milliers de jeunes mécontents. En manque de repères, ces derniers voulaient un canal de contestation et la radicalité du discours du FIS était pour eux un refuge, même s’ils n’avaient pas une grande idée de leur programme.

Le HMS fondé par Mahfoud Nahnah est un parti rallié à l’Internationale des Frères musulmans. La différence entre eux est de taille. Les Frères préfèrent prendre le pouvoir sans griller les étapes. Lorsque le FIS remporte les municipales en 1991, ses leaders appelaient déjà à des présidentielles anticipées.

Le FIS récupère la colère populaire

En 1992, le FIS gagne les élections législatives. 3 millions d’algériens avaient officiellement voté pour eux. L’armée et les services de renseignements arrêtent le processus électoral. Les militants du FIS prennent le maquis. L’Algérie plonge dans une guerre civile. Des atrocités sont commises. L’armée accuse l’Armée islamique du salut (AIS), bras armé du FIS, de tuer. L’AIS accuse l’armée de tuer les civils. Les Algériens sont otages. D’autres groupes armées voient le jour, comme le Groupe islamique armée (GIA), le Mia et le FIDA. En 1999, l’AIS descend du maquis suite à la promulgation de la concorde civile, menée par Abdelaziz Bouteflika, précédée par la politique de la rahma de Liamine Zeroual.

Le GIA est carrément décimé, et le peu d’éléments qui lui reste décide vers 2004 de se transformer en Groupe salafiste pour la prédilection et le combat (GSPC), qui se détache de l’ex FIS, dissout en 1993 par le tribunal d’Alger. Le GSPC se rattache à Al Qaida pour devenir Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).

Pourquoi tout cet historique. Il est important de souligner que le wahhabisme est responsable des malheurs que connaît l’Algérie, sans oublier la gestion désastreuse (corruption, détournement, passes droits, absence de démocratie…) qui font la nature du régime algérien.

La salafia djihadia, la doctrine la plus dangereuse

Aujourd’hui, le salafisme se traduit encore dans la société. Mais, être salafiste ne veut plus dire être porteur d’arme. Non, les choses ont changé. Il existe même différents formes de wahhabisme : la salafia ilmia, interdit tout recours aux armes. La salafia ijtihadia, veut un éternel prolongement de la doctrine. Et enfin, la salafia djihadia est dangereuse, car ces leaders prêchent le meurtre pour parvenir au but. C’est semblable au discours des «Croisés» ou des sionistes, qui également pour eux, le meurtre justifie les moyens.

Le wahhabisme sociétal est toujours véhiculé par les chaines satellitaires saoudiennes. Des fatwas incohérents, tantôt inspirées de hadiths non authentifiées, tantôt de versets qui ne sont plus d’actualité.

Dans tout ce cela, le système scolaire algérien reste à innover, puisque le wahhabisme a infiltré le contenu de la matière d’éducation islamique.

Pour essayer de contrer le discours wahhabiste, le gouvernement algérien a trouvé utile de redonner vie aux zaouïas, et dont l’enseignement est tolérant envers l’humanité, puisque porteur de valeurs universelles. Mais le mal est profond. Pour prendre l’exemple de jeunes algériens, les difficultés sociales, le chômage, le manque de repère, la rupture avec les gouvernants, la harga ou l’envie de partir vers l’Eldorado, ne permettent pas cette synergie entre les forces nouvelles de la nation. Les autorités algériennes ne comprennent pas, jusqu’à pousser les plus avertis au soupçon, que le problème à résoudre n’est pas d’ordre religieux, mais il s’articule autour des libertés publiques.

Elles sont brimées. L’absence de cette liberté est un obstacle aux initiatives citoyennes. Lorsque les Algériens seront libres, ils auront la liberté de s’exprimer dans un climat démocratique. Et personne ne pourra les détourner de cet objectif commun : le bien de la communauté.

Haroun Charki

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