Depuis mardi, les consommateurs algériens peuvent commander la fameuse Renault Symbol, première voiture « made in Algeria », qui sera livrée à partir de janvier 2015. Si le modèle du véhicule, assemblé dans l’usine du constructeur français à Oued Tlélat (wilaya d’Oran), séduit, son coût en freine plus d’un. Alors, trop chère la Renautl Symbol pour les bourses algériennes ? Reportage.
Depuis lundi, l’exposition sur la place de la Grande Poste à Alger de deux modèles de la Renault Symbol, entièrement assemblés par des techniciens algériens, à l’usine Oued Tlélat (wilaya d’Oran), connaît un franc succès. Un succès qui ne désemplit pas. Ils étaient encore des dizaines de curieux postés autour des deux véhicules ce mercredi matin. Plantée devant la première voiture « made in Algeria », cette foule, essentiellement masculine, scrute chaque pièce de l’automobile dans le moindre détails durant de longues minutes. Le regard glisse lentement du moteur à la carrosserie grise métallisée. Certains prennent leur aise, installant leurs bambins à l’arrière ou manipulant le volant.
Dans les yeux de tous se lit beaucoup de fierté. Une fierté nationale, voire patriotique. « Pour un début, c’est encourageant », lance Mohamed, un industriel originaire d’Annaba, en déplacement professionnel à Alger. A ses côtés, un homme d’une trentaine d’années, une sacoche sur l’épaule, admire « l’esthétique » de l’engin. « Et la conduite est plus agréable que d’autres marques, comme Skoda », croit-il savoir. Derrière ses lunettes fumées, Mustapha, un retraité du ministère de l’Economie, se dit « impressionné par le modèle ». « Elle est spacieuse, c’est un moteur Renault, donc un bon moteur », vante-t-il. Mais il nuance : « Dommage qu’il ne s’agisse pas vraiment d’un produit algérien. Elle reste française à 80%, soyons honnêtes ».
« C’est de la folie ! »
Lorsqu’on demande aux passants s’ils envisagent sérieusement d’acheter la Renault Symbol, sortie de l’usine de Oued Tlélat, l’enthousiasme retombe vite. La faute à un prix jugé « trop cher » par la grande majorité des passants. Quelques jours avant l’inauguration de l’usine oranaise, le ministre de l’Industrie et des mines, Abdesselam Bouchouareb, avait pourtant annoncé que le prix de la Symbol, destinée exclusivement au marché national, serait inférieur au modèle importé. Or, le prix de lancement de la Renault Symbol algérienne est finalement quasiment identique au produit assemblé à l’étranger. Soit 1.223.000 DA pour la motorisation 1.2 75ch et 1.287.000 DA pour la 1.6 80ch. De quoi freiner les envies d’achat de certains. « Je pensais en commander une mais vu le prix je ne peux pas me l’offrir », regrette Youssef, un agent de Mobilis âgé de 56 ans, qui avait misé sur un prix de lancement de « 920.000 DA maximum ». « À ce prix là, je préfère encore m’acheter une Ford Fiesta », confie-t-il.
Du côté de l’Association de protection des consommateurs, on se dit « pas du tout satisfait du prix de vente affiché ». « Avec un montage local, on avait espéré que le prix de lancement soit abordable d’autant plus que le coût de fabrication (gaz, électricité, main d’oeuvre etc.) est moindre. Un SMIC en Europe est de plus de 1.200 euros, soit un quart du SMIC algérien. En plus de cela, il n’y a ni taxe sur le véhicule neuf, ni TVA en Algérie », explique Mustapha Zebdi, président de l’Association de protection des consommateurs algériens, qui se dit « choqué » par le prix annoncé.
Le constructeur français justifie ce prix cher en avançant que le modèle algérien est équipé de plusieurs options, notamment un GPS. Un argument qui ne convainc pas vraiment.
« Ce premier modèle est bourré d’options, pour la plupart non nécessaires. L’Algérien n’a pas besoin d’un GPS », affirme Mustapha Zebdi, qui révèle vouloir entreprendre prochainement des démarches auprès du fabricant français afin qu’il propose un deuxième modèle, doté de moins d’options dans le but de diminuer le coût de la Symbol. « On espère que sans toutes ces options, le coût sera baissé à moins d’un million de dinars », avance Mustapha Zebdi.
Pour beaucoup, la valeur de la Symbol, assemblée près d’Oran, est aujourd’hui surévaluée par rapport au marché de l’automobile en Algérie. « Plus d’un million de dinars, c’est de la folie ! Presqu’au même prix, on peut s’offrir une Ibiza, le confort et le prestige en plus ! », lance Hacène, un père de famille d’une soixantaine d’années, encore abasourdi par le prix annoncé. « Les Algériens l’ont attendue longtemps et finalement elle est hors de prix pour la grande majorité d’entre nous », soupire Mustapha.
Sur la toile aussi, les Algériens ont exprimé leur regret quant au prix de lancement de la Renault Symbol algérienne. A l’instar du journaliste Amir Jalal, qui déplore sur Twitter que le coût de la Symbol « made in Algeria » équivaut à plus de 10 fois celui d’un fonctionnaire algérien :
La Renault Symbol, voiture du peuple fêtée par les officiels comme la 1ère « made in #Algérie« , coûtera 12 fois le salaire d’un prof de fac.
— Amir Jalal (@AmirJalalZ) November 11, 2014
« Booster la concurrence »
En attendant que le prix de la Renault Symbol algérienne diminue, l’Association de protection des consommateurs algériens espère que l’introduction de ce nouveau véhicule dans le marché national aura pour effet de « booster la concurrence ». « Cela va inciter les autres marques à réduire leur coût ou à faciliter les modes de paiements. Déjà un concessionnaire a annoncé cette semaine que la vente par crédit est désormais possible dans ses magasins », conclut Mustapha Zebdi.