USTHB/Les mille et un calvaires des étudiants

Redaction

Updated on:

Universite de Bab Ezzouar (USTHB), la plus grande du pays. La plupart des étudiants (39,500 au total) prennent le bus pour rejoindre le campus. Certains de ces bus sont pleins à craquer, certains sont en retard, les autres sont annulés. C’est un vaste campus, avec de grands bâtiments austères et de longues allées entre les différentes facultés, qui accueillent chaque jour les étudiants originaires d’Alger et de toutes les autres régions du pays. Reportage.

Ce dimanche d’Octobre, dans les différents chemins menant à leurs salles des cours, on entend les rires, on sent les regards complices, les discussions enjouées, mais le constat est amer. La colère des étudiants ne cesse de croître.

L’organisation de la scolarité fait défaut, même si elle est loin d’être égale entre les différentes facultés de l’Université. En interrogeant des étudiants au hasard, au gré d’une allée, on relève que c’est la faculté de sciences biologiques qui gagne, haut la main, la compétition : « Il n’y a que des filles là-bas », dit Yousef, inscrit en faculté de mécanique, « et ça se sent au niveau de l’organisation ». Pourtant, en discutant avec deux étudiantes de cette faculté, on réalise que le mécontentement est tout aussi présent : professeurs absents, emplois du temps mal gérés, personnel administratif peu préoccupé par le sort des étudiants, etc.

Un personnel administratif démissionnaire, des responsables absents 

Lorsque Yousef cherche à se procurer des renseignements sur les cours à suivre pour son équivalence, personne ne peut lui répondre, et on l’envoie voir le vice-doyen, qui devrait pouvoir lui donner les renseignements souhaités. Seul problème : le vice doyen de la faculté est absent, et aucun message n’est affiché sur la porte de son bureau pour indiqué où il se trouve, ou les jours de présence qu’il est censé honorer à la faculté de génie mécanique. Yousef repart bredouille.

Le manque de maintenance du matériel est, lui aussi, un souci récurrent : « Les infrastructures et le matériel est là, mais personne n’en prend soin », relève Salim, lui aussi en faculté de génie mécanique. Il relève aussi le manque de communication de la part de l’administration, « le site Internet de l’université offre peu d’informations, il n’est pas souvent mis à jour ». Tout n’est pas mis en œuvre pour que l’avenir de la nation algérienne puisse étudier dans des conditions de travail sereines.

La bibliothèque, à l’image des bus transportant les étudiants tel du bétail, est « pleine à ras bord » et « complètement remplie les semaines d’examens ». « Il faut se battre pour avoir un bus », dit Arwa. En plus des problèmes de capacités, les horaires sont, eux aussi, très limités pour des étudiants qui ont souvent besoin de temps, en dehors des heures classiques, pour réviser leurs cours. « Elle ferme à 16h et il y a trop de bruit », explique Abdel, de la faculté de génie civil.

Pourtant, une bibliothèque ouverte dans la soirée, avec des bus capables de ramener les étudiants à des heures tardives, permettrait certainement d’offrir de nouveaux emplois à une population estudiantine souvent en manque de moyen financiers. Les facultés algériennes pourraient en effet s’inspirer de certaines universités étrangères, dont les bibliothèques sont organisées et gérées par ses étudiants. Grâce à ces contrats allant dans les deux sens, on offre alors, simultanément, de l’emploi et de meilleures capacités de travail.

Sur le plan des ressources de la bibliothèque, les étudiants se plaignent aussi : « Elles ne sont pas à la hauteur de ce que devrait être une université comme la notre », dit Abdel. Il n’y a pas assez de livres, et les agents responsables peu concernés par leurs problèmes : « Si l’agent le veut bien, alors il vous ramènera le livre ou l’article que vous avez demandé », continue t-il.

Des transports défaillants obligent les étudiants à sécher les cours 

Les moyens de transports posent aussi des problèmes, notamment pour les étudiants qui vivent loin des facultés de Bab Ezzouar. « Les horaires sont inadaptés. Les derniers bus partent du campus à 16h30, alors les derniers cours se terminent à 18h. Seul un bus part à cette heure là, mais il est impossible de le prendre. Beaucoup d’étudiants sont donc obligés de manquer ces cours-là, s’ils veulent un jour rentrer chez eux » raconte Samia.

D’autres étudiants remettent en cause l’attribution des notes, souvent aléatoires, lors des examens. L’un d’entre eux, Omar, explique que l’administration lui a changé de section par erreur, et que des notes de zéro lui ont été attribuées en conséquence : « J’aurai du avoir sept ou huit de moyenne, et je me suis retrouvé avec un moyenne générale d’un peu plus de zéro », explique t-il. Un autre étudiant évoque le manque de sérieux de certains professeurs qui corrigent « à la va-vite ».

Toutefois, la plupart d’entre eux sont d’accord pour ne pas remettre en cause les professeurs en soi, mais le « système », qui les paie mal et les incite donc peu à faire un travail sérieux de correction des copies. Le manque de transparence est lui aussi souvent souligné. Il n’y a aucun moyen d’avoir accès aux copies notées, et donc de vérifier la qualité des corrections. « J’ai un copain qui a obtenu une note à un examen auquel il ne s’est pas présenté, cela montre bien l’aspect complètement aléatoire de l’attribution des notes dans certaines facultés » ajoute Ahmed.

Des clubs d’étudiants avec une marge de manœuvre très limitée 

Concernant la qualité des cours, les profs sont souvent brillants, ce que relèvent nombre d’étudiants, mais on leur reproche leur peu de pédagogie : « Souvent on sent qu’ils sont bons, mais pour ce qui est de la qualité de transmission du savoir ce n’est pas fameux », dit Salim. Ce dernier est, d’ailleurs, l’un des membres actifs d’un des « clubs » de l’université, et regrette le manque d’autonomie offert à ces clubs, et les difficultés de financement : « Le budget qui nous est offert est annuel, mais on n’a très peu de libertés en ce qui concerne la gestion de ce budget, c’est l’administration qui le gère en réalité ».

Un appel en direction de l’université est donc lancé : comment améliorer les conditions de travail de ces étudiants sérieux et motivés ? Des bus supplémentaires, qui partent du campus à des heures plus tardives ? Une bibliothèque avec de meilleurs horaires ? De meilleurs rapports entre l’administration et ses étudiants ? Plus de transparence ? C’est  l’avenir de l’enseignement supérieur algérien qui est en jeu.

Reportage réalisé par Tahar. S

Quitter la version mobile