Education, santé et justice. Tel a été le triptyque sacré d’Ali Benflis lors de sa deuxième journée de campagne électorale, lundi 24 mars. Une course à la présidentielle qui s’est poursuivie à Blida et Adrar, où le candidat était très attendu par des comités de soutien déjà acquis à sa cause. « Benflis l’espoir » à Blida, ou « Benflis déjà président » à Adrar. Les électeurs attendent de lui une véritable alternance.
« Il faut changer. L’Algérie en a besoin maintenant et tout de suite ». L’avis de Hamza, un jeune étudiant originaire de Blida, était partagé par de nombreux algériens venus assister au discours d’Ali Benflis ce lundi 24 mars à la salle Baaziz. Dans cette ville qui porte encore les stigmates du terrorisme qui a paralysé la région, l’attente était grande lundi matin, une heure à peine avant que le candidat ne se présente. Dans la salle, un public assez mixte venu de toute la région de Blida demande à entendre du concret et des « promesses qui ne tomberaient dans l’oubli ». Les doléances des citoyens venus dans la salle écouter Ali Benflis étaient nombreuses : logement pour certains, travail pour d’autres ou encore sécurité. Des thèmes prioritaires sur lesquels le candidat devait être testé.
Benflis remonté à bloc était plutôt venu évaluer sa cote de popularité que proposer des mesures révolutionnaires. Certes le discours était à l’image de ce qu’attendaient les auditeurs, mais ils espéraient également des promesses qui seraient respectées. « Nous en avons assez des promesses, de la politique. Soit ils font des réformes soit ils nous disent de partir s’il n’y a rien à espérer. On prend un bateau et on s’en va ! », s’exclame Hamza un jeune étudiant de 21 ans venu évaluer la verve et le programme du candidat Benflis. Les Blidéens veulent bien croire le candidat Benflis mais pour les quelques habitants ayant fait le déplacement, l’heure du choix n’est pas encore arrivée, et ne savent pas encore s’ils doivent encore faire confiance à l’ex-Premier Ministre.
Adrar, « Benflis est déjà notre Président »
A Adrar toute autre ambiance pour le candidat qui prévoit de visiter toutes les grandes villes du sud du pays. Militants, supporters, et grand spectacle attendaient Ali Benflis pour entendre le projet qu’il destine aux gens du sud. L’arrivée du candidat préparée depuis des mois par son comité de soutien était digne de celle d’un Président… déjà élu : « Benflis président », ou pour d’autres « Benflis est déjà notre Président ».
Le candidat, à peine arrivé dans le Sud, a adopté une toute autre attitude, dans un habit local qui laisse apparaître son costume-cravate plus conventionnel. Ali Benflis fait cette fois un discours plus rapide et direct, avec une dialectique teintée de références religieuses, auquel les habitants de la ville n’ont cessé de répondre positivement par des « Amin ».
Le candidat affirme d’entrée de jeu s’être renseigné sur les gens du Sud et leur histoire. Il leur promet de se soucier de leurs problèmes. A l’inverse de son prédécesseur qui boude le Sud, et à qui il a demandé : « qu’avez-vous fait pendant 15 ans ? » ou encore « ils nous ont endormis pendant 15 ans et ils en redemandent 5 ans ? Pourquoi faire ? Je le refuse », s’est-il indigné face à une foule qui a applaudi avec fougue le candidat.
Mais qu’ont-ils compris de cette démonstration politique ? « Nous allons voter, nous allons lui confier notre sort et nous verrons. Nous ne savons pas s’il va respecter cette parole, mais il faut choisir, et nous savons qu’il faut changer de président », explique un jeune homme originaire d’Adrar à l’issue du discours. Dans l’assistance, lors du discours, même constat, les habitants d’Adrar parlent justement de changement et veulent accorder leur confiance à une autre politique dans laquelle ils auront enfin leur place.
Le développement de la région du sud est l’une des priorités que le candidat évoque dans son programme. Argument que le candidat n’a cessé de marteler lors de son discours mais sans pour autant expliquer quelles mesures concrètes seraient entreprises s’il était élu le 17 avril prochain. La seule réforme concrète évoquée par le candidat est « la révision du découpage administratif » pour une gestion des wilayas plus efficace.
Pourtant les chantiers à Adrar et dans toute la wilaya sont nombreux et immenses : pas d’infrastructures, système de santé quasi inexistant, manque d’établissements. Le candidat a l’embarras du choix. Dans son programme le candidat évoque à de nombreuses reprises le Sud. Il souligne sa volonté de miser sur les autres ressources du Sud : l’immensité du territoire et ses ressources naturelles pour renforcer la production agricole, dont les revenus permettront de développer le territoire. De renforcer les transports inter-wilayas du Sud, ainsi que de relier par voie ferroviaire le Nord et le Sud. Sans oublier toutes les mesures appliquées généralement à l’Algérie. Toutefois le Sud attend de lui une attention particulière pour rattraper le retard qu’il a cumulé. Mais sur le terrain Ali Benflis veut séduire plus que convaincre, et un « je vous ai compris » semble plus efficace chez les Adraris qu’un « je vous promets ».
Si vieillesse pouvait, Si jeunesse savait
Autre grand thème de cette deuxième journée de campagne : les jeunes. La jeunesse à qui Ali Benflis accorde une place particulière dans son programme était bel et bien présente à Blida comme à Adrar. Le candidat a dû donc passer le grand oral face à des jeunes électeurs impatients d’entendre les mesures. Toutefois la plupart d’entre eux avaient une exigence : un avenir pas seulement des promesses.
Des promesses justement Ali Benflis en avait pour les jeunes essentiellement à Blida : leur offrir un véritable modèle d’éducation, « car sans l’éducation il n’y a rien ». Autre grande mesure le service militaire réduit à 1 an, une mesure largement applaudie notamment chez les jeunes hommes, les premiers concernés par cette étape.
Toutefois rien n’a été évoqué sur le travail, l’insertion des jeunes diplômés ou le chômage. Et pourtant Ali Benflis, dans son programme électoral, prévoit de prendre en charge ce problème : en encadrant ces jeunes diplômés, en prônant entre autres « une incitation à l’embauche des primo-demandeurs d’emplois ». Un manque souligné par de nombreux auditeurs : « J’ai été un peu déçue de ne pas l’entendre sur la question de l’emploi ou du logement. Quant à l’éducation il s’est contentée de parler du CEM, il n’a rien dit sur l’enseignement supérieur », regrette Asma, une jeune diplômée.
A Adrar l’attente était portée essentiellement sur une denrée rare. « On ne demande pas plus qu’un travail, c’est la seule richesse que l’on veut », estime un jeune diplomate d’Adrar qui reconnait que même « nous les diplomates nous n’avons pas de travail. Même avec un diplôme on ne peut espérer du travail », déplore le jeune homme. Pourtant le candidat encore a peu parlé de ses propositions sur l’emploi, en dépit d’une forte présence des jeunes de la ville d’Adrar, dont quelques uns qui se sont plaints de ne pas pouvoir parler au candidat ou intervenir lors de son meeting pour leur exprimer leurs besoins.
Hogra et maarifa des mots à faire disparaître
Ali Benflis qui n’a cessé de présenter comme « le candidat du peuple algérien », s’est engagé dans les deux wilayas à combattre les injustices et à instaurer une Etat de droit. Moralisateur de la politique, il a affirmé que dans sa gestion de l’Etat il n’y aurait pas de conciliabule « privé dans une chambre » pour décider des affaires de l’Algérie. « Moi mes enfants je les ai fait étudier et désormais ils travaillent pour gagner leur propre pain », a-t-il affirmé pour prouver qu’il n’est pas le promoteur de la maarifa.
L’ancien ministre de la Justice qui veut d’une politique « propre » saura-t-il convaincre les électeurs ? Lui qui a été Premier Ministre lors d’un mandat d’Abdelaziz Bouteflika, et absent depuis 10 ans de la scène politique. Toutefois les militants et citoyens lambda venus assister aux deux rencontres se disent confiants. Il n’est pas du « clan » pour eux et justifie d’une réelle expérience politique. « Ces années d’absence, il les a pris pour réfléchir, pour s’enquérir de la situation », estime Meziane, un retraité originaire de Médéa et venu à Blida découvrir le candidat qu’il espère voir remporter un mandat présidentiel. « Je n’ai pas encore vu tout son programme, mais je le soutiens parce qu’il a été Premier ministre. Et surtout parce qu’il est différent… », conclut notre jeune diplomate d’Adrar.