Sexualité en Algérie : des non-dits à la maladie

Redaction

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Que savent les Algériens de la sexualité et surtout de la prévention ? Encore trop peu de choses. Si la sexualité évolue, les maladies aussi, les connaissances des Algériens en la matière restent encore trop figées, et accentuent les risques de transmission de MST.

Mieux vaut prévenir que guérir, ce fameux adage n’est pas le plus appliqué en Algérie. La sexualité, qui a une place importante dans cette société, reste éternellement un tabou. On fait, mais on n’en parle pas en Algérie, malgré les risques que la méconnaissance et le silence induisent. Ils sont pourtant nombreux à avoir des relations sexuelles hors mariage, mais la gêne et la religion empêchent d’évoquer ce sujet en public, même si l’enjeu est sanitaire.

En 2011, une enquête réalisée en milieu universitaire par des médecins chercheurs et appuyée par Aids Algérie, avait prouvé que les Algériens en dépit de leur niveau d’instruction, avaient peu ou prou de connaissances en termes de prévention sexuelle. En effet, cette étude révélait alors qu’à peine 42,8% des étudiants déclaraient avoir utilisé des préservatifs lors de leurs dernières relations sexuelles. Et pourtant, au moment de l’étude, ils étaient nombreux à confier prendre des risques dans leur sexualité, au moins « 50,5% de jeunes universitaires ont des relations sexuelles à risque, c’est-à-dire qu’ils pratiquent l’acte sexuel avec différents partenaires ou ne se protègent pas lors de leurs rapports sexuels ».

Et depuis deux ans quel est le constat ? La situation a peu évolué. Certes l’information a tendance à être plus diffusée par le biais de campagnes menées par des associations, les spots de prévention sur les chaînes de télévision étrangères ou encore les journées mondiales contre le SIDA. Toutefois, rien n’assure que les Algériens appliquent les conseils pour se prémunir de risques dans leurs pratiques. C’est ce que regrette Aids Algerie, qui est la principale association qui milite pour informer les personnes les plus exposées au risque de contamination par le VIH. Les membres de cette structure travaillent sur tout le territoire algérien, à travers plusieurs antennes relais. Ses bureaux principaux se trouvent à Alger, Oran et Tamanrasset, où les cas d’infection au virus du Sida sont les plus courants. Les acteurs d’Aids Algérie interviennent au moins une fois par mois dans une ville algérienne pour diffuser les consignes à appliquer lorsque l’on a une sexualité active. Leur expérience dans tout le pays leur permet d’avoir un panorama de la prise de conscience des Algériens. Zahra Benyahia, coordinatrice des programmes chez Aids Algérie, explique que « ça s’améliore, mais il y a encore un défi à relever, nous avons remarqué qu’ils entendent l’information, mais on ne sait pas s’ils l’assimilent. Le problème est encore là ». Savoir, n’est pas faire pour la société algérienne, qui même consciente des risques certains, préfère parfois ignorer les précautions car elle reste prisonnière de la gêne. « On ne sait pas par exemple s’ils vont se faire dépister, et surtout si l’information a bien été comprise », ajoute Zahra Benyahia.

Protection inexistante

En effet, la menace que représente une sexualité à risque est encore trop sous-estimée, notamment chez les plus jeunes et les travailleuses du sexe. La multiplication des partenaires, et surtout le manque de protection sont les principales sources d’infection. Une grande partie de la population rencontrée par Aids ne connaît même pas les modes de transmission du VIH. « Beaucoup pensent encore que le sida est contagieux », nous affirme Zahra Benyahia. Toutefois de nombreuses personnes informées persistent à ne pas recourir à l’utilisation de préservatifs, pour de multiples raisons. Tout d’abord parce qu’il est difficile de s’en procurer dans certaines régions, où seules les associations luttant contre les MST fournissent régulièrement des préservatifs. Seules les grandes villes disposent de nombreux espaces où les acheter, comme les pharmacies. Mais là encore, la gêne l’emporte. «Ils ont honte de rentrer dans une pharmacie pour acheter des préservatifs. Même à l’association ils viennent et osent à peine en demander. Nous comprenons vite en les voyant », raconte la coordinatrice d’Aids.

Malheureusement, parfois d’autres critères sociaux entrent en jeu. Chez les jeunes, sous la pression, les filles acceptent les relations sexuelles sans protection. Dans le milieu de la prostitution, l’argument monétaire peut les dissuader. « Les travailleuses du sexe ont tendance à se protéger de plus en plus mais parfois elles peuvent accepter d’enlever le préservatifs pour 1000 ou 2000 dinars de plus », déplore Zahia Benyahia.

Parler pour mieux se protéger

Quelques dinars, le jugement, les codes sociaux valent-ils une vie humaine ? Il semblerait que ce soir encore le cas en Algérie. « Le problème résulte des adultes, reconnaît Zahia Benyahia, ce ne sont pas les jeunes qui sont réticents, ils n’ont pas de tabous, ils ont une sexualité active et s’assument.» Alors que faut-il changer pour espérer une prise de conscience générale ? « Il faudra appuyer des associations, et mettre en place des partenariats multi-sectoriels, une association ne peut pas tout faire ! La mobilisation de ressources est indispensable. Si on investit beaucoup dans l’accès au soin, l’Etat ne pense par au côté préventif, il n’y pas de réel appui sur la prévention. »