Fikra : En Algérie, il n’y a pas que du pétrole, il y a aussi des idées

Redaction

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Tombé de rideau sur la deuxième édition de la conférence internationale Fikra, organisée par l’agence de communication Allégorie, les 8 et 9 février. Deux jours durant, les 32 intervenants, des « speakers » de renom, qui se sont succédé sur la scène de Fikra, installée dans la salle de conférence de l’hôtel El Aurassi, à Alger, ont essayé de motiver les troupes et partagé des idées, en adressant un message foncièrement optimiste. Après les paroles, les actes ?

« C’est un pays d’avenir. C’est plus facile d’entreprendre en Algérie qu’en Belgique, par exemple, car, ici, justement tout reste à faire », estime Xavier Van der Stappen, entrepreneur bruxellois, croisé samedi dans le hall de l’hôtel El Aurrassi à Alger. Quelques minutes plus tôt, Xavier Van der Stappen ouvrait le bal, étant le premier « speaker » à se présenter devant le public de la deuxième édition de la conférence internationale Fikra. Mot d’ordre cette année : être optimiste. Et de l’optimisme, l’inventeur venu de Belgique en à revendre, lui qui est parvenu à relier Copenhague au Danemark à Cape Town en Afrique du sud dans une voiture électrique, qu’il a entièrement conçue, et ce « sans consommer une seule goutte d’essence ». 

La définition de l'optimisme pour Issad Rebrab : avoir confiance en soi. Fikra 2014, 9 février 2014. Crédit photo : Ammar Redouane Bougherbal
La définition de l’optimisme pour Issad Rebrab : avoir confiance en soi. Fikra 2014, 9 février 2014. Crédit photo : Ammar Redouane Bougherbal

Tout comme la trentaine d’autres invités, sollicités par l’agence Allégorie. De Issad Rebrab, le PDG de Cevital, premier groupe privé du pays et l’homme le plus riche d’Afrique selon Forbes, à Belgacem Haba, un Algérien classé parmi les 100 meilleurs inventeurs au monde en 2012, tout le gratin algérien, du monde des affaires au milieu artistique en passant la blogosphère et les rangs académiques s’était donné rendez-vous à l’hôtel El Aurassi, les 8 et 9 février. Au total, 32 intervenants studieusement écoutés par quelques 1.200 participants, des entrepreneurs, professeurs et étudiants, triés sur le volet. Les « speakers » ont chacun à sa manière essayé de redynamiser les « forces vives » de l’Algérie. A l’énergie de Noureddine Melikechi, physicien algérien travaillant pour la Nasa, a répondu l’impertinence de Slim Othmani, qualifiant l’entrepreneur de « véritable coureur de 110 mètre haies », qui a laissé place la philosophie et l’expérience de Mohamed Brahimi, pionnier dans l’industrie pétrolière algérienne, et à la jovialité de Belgacem Haba, dont l’histoire personnelle sonne comme une véritable success story. Originaire de la wilaya d’el Oued, diplômé de l’université de Bab Ezzouar, l’homme aux presque 700 brevets électroniques a rejoint récemment les équipes de Google.

American dream à l’algérienne

Une trajectoire impressionnante, qui a ébloui les étudiants, présents dans la salle, qui se sont dirigés d’un pas pressés vers lui, à sa sortie de scène, avec le rêve de collaborer un jour ensemble. Le rêve il en a d’ailleurs beaucoup été question dans le discours de presque chacun des « speakers ». « Pour être chef d’entreprise, il faut commencer par rêver. Il faut ensuite le concrétiser et se battre au quotidien avec les institutions, les fournisseurs, les clients… », a même tonné Slim Othmani.

Et en Algérie, les raison de rêver ne manquent pas. De la richesse de ses ressources naturelles à la renaissance de son activité industrielle, le pays possèdent d’énormes atouts, qui restent encore à être développés. Un message répété à l’envie durant ces deux jours de conférence. « Les ressources présentes du désert du Sahara suffisent largement pour répondre aux besoins en énergie de toute l’Afrique du nord et de l’Europe », a ainsi affirmé Issad Rebrab, invitant les autorités algérienne à miser sur les énergies renouvelables : « Il faut préparer l’après-pétrole. l’Algérie a les moyens de ses ambitions ». Le PDG de Cevital, qui tente de racheter coup sur coup les filiales algériennes de Michelin et Fagor Brandt, estime même que « l’Algérie peut devenir l’atelier du monde », si on délocalise non plus de l’Europe vers la Chine mais « vers chez nous ».

Un constat entendu plusieurs fois en Algérie, sans, encore, de véritables résultats. Si bien qu’on peut légitiment se demander si en Algérie, la foi en l’innovation et le développement ne s’arrête-t-elle qu’aux portes du rêve ? Que reste-t-il de Fikra, une fois le rideau tombé ?

« Ici, on donne du courage aux jeunes et c’est à eux de saisir leur chance. Ils ont la possibilité de croiser dans les couloirs des Rebrab, Nesci, c’est une occasion presque unique pour eux de leur présenter des projets, des idées. On ne peut pas tout faire à leur place. Fikra ne garantit pas l’accès direct à un travail mais il crée des opportunités », assure Toufik Lerari, co-fondateur de l’agence Allégorie, qui dit avoir conçu Fikra sur le modèle des conférences internationales Ted.

Présent dans le public, Amine Rahmouni, responsable Marketing et Communication chez Microsoft Algérie, approuve : « Fikra est un catalyseur de cerveaux de jeunes expériences. C’est ce qu’on appelle une « conférence inspirante » : l’idée est d’inspirer les participants, de faire émerger de nouvelles idées. Mais le post-Fikra ne dépend pas des organisateurs mais de l’audience, à elle de se mobiliser et de se retrousser les manches ».

Une Silicon Valley algérienne ?

Lamine Mansour présente sa start-up "Winkayen" au public de Fikra, le 9 février 2014. Crédit photo : Ammar Redouane Bougherbal
Lamine Mansour présente sa start-up « Winkayen » au public de Fikra, le 9 février 2014. Crédit photo : Ammar Redouane Bougherbal

Et certains saisissent leur chance à l’image des participants du concours « Djezzy start-up challenge », un incubateur d’entreprise organisé, en marge de la conférence, par l’opérateur téléphonique, l’un des sponsors de Fikra. Venu de Ouargla, Abdelhak Benghersallah, a parcouru tout ce chemin pour présenter, dans le cadre du « Challenge », son site internet de vente en ligne, dédié exclusivement à la promotion de produits locaux et artisanaux de sa région. Et ce jeune diplômé de l’université de Ouargla, aujourd’hui fonctionnaire à la Poste, n’a pas fait le voyage pour rien. « J’ai été approché par Sultan al Qassemi », le mécène émirati, qui a fait part sur scène de Fikra de sa fascination pour les artistes algériens, confie Abdelhak Benghersallah, qui compte aussi beaucoup sur le soutien financier, de l’ordre d’un million de dinars, proposé par Djezzy aux dix start-up sélectionnées. « Cette somme me permettra d’acheter des camionnettes pour faire des livraisons à domicile à travers tout le pays », se réjouit le jeune entrepreneur.

A quelques mètres de Abdelhak Benghersallah, l’équipe de Winkayen, un réseau social « utile », à mi-chemin entre un Facebook et un LinkedIn algérien, a également une idée précise de l’utilisation de cette enveloppe financière. « Dès qu’on touche cet argent, on va recruter deux développeurs. On va peut-être d’ailleurs embaucher une personne qu’on a rencontré ici à Fikra », raconte le co-créateur de Winkayen, Lamine Manseur.

Plus de 350 étudiants étaient présentés à la 2ème édition de Fikra. Photo :
Plus de 350 étudiants étaient présentés à la 2ème édition de Fikra. Photo : Ammar Redouane Bougherbal

Mais comment faire pour que le boom des start-up en Algérie ne se transforme en une bulle prête à éclater à tout moment? Si Vincenzo Nesci, le PDG de Djezzy, rêve de faire de Fikra « le Davos de la Méditerranée du Sud », c’est plus les prémisses d’une Silicon Valley à l’algérienne qui sont timidement en train de voir le jour avec la conférence-débat, conçue par Allégorie. Pour Amine Rahmouni, jury lors du « Djezzy start-up challenge », l’Algérie est capable d’adapter le modèle de la Silicon Valley à conditions que les trois piliers, qui ont fondé ce pôle des industries de pointe, soient réunis. « La Silicon Valley a été créée à partir de 3 ingrédients à la fin de la Seconde Guerre mondiale : les cerveaux, les universités et les moyens financiers apportés par l’armée.  On a donc besoin de renforcer nos universités et nos centres de recherches pour produire nos propres brevets. Il est impératif de créer plus de synergie entre le monde de l’entreprise et le milieu universitaire académique. Prenez l’exemple de Hewlett Packard ou Intel, les fondateurs de ces deux boîtes étaient professeur en université, ils ont développé leur entreprise en s’appuyant sur le savoir-faire de leurs étudiants », explique Amine Rahmouni. Pour ce responsable Marketing et Communication chez Microsoft Algérie, l’idée n’est toutefois pas de reproduire à l’exactitude l’exemple américain : « Il faut que l’Algérie ne reproduise pas exactement ce modèle de réussite mais comprenne le schéma de pensée, cette mentalité. A la place de l’armée, on pourrait avoir un Rebrab, un Slim Othamni ou un autre investisseur algérien pour impulser cette dynamique et lever des fonds. Ils n’attendent que ça ». L’appel est lancé !

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