L’Algérie a beau avoir rapidement embrassé les principes de la société de consommation, elle découvre tout juste ceux de la société du spectacle et du divertissement. Mais, pour vaincre l’ennui dans ce pays, certains estiment qu’on a autant besoin d’investir dans des travaux d’équipement, d’aménagement et d’entretien des infrastructures existantes que d’une révolution des mentalités pour enfin arrêter de considérer le loisir comme quelque chose de «hram».
Dans les rues de ce pays, on ne passe pas une journée sans entendre un Algérien pester contre le manque d’équipements de loisir et de tourisme. Des moyens de locomotion aux salles obscures en passant par les terrains de sports, tout manque en Algérie à les écouter.
Faux, rétorque Mohamed Khemici, le directeur général de l’Agence nationale des Loisirs de la jeunesse (ANALJ), placée sous la tutelle du Ministère de la jeunesse et des sports. Certes, l’Algérie ne ressemble ni à la Tunisie, ni au Maroc et certaines activités de plaisance, telles que le surf, le paint-ball ou l’escalade, restent encore à être développées sur le territoire, reconnait ce haut responsable de l’ANALJ. Mais, au lieu de pointer du doigt l’insuffisance d’infrastructures, Mohamed Khemici préfère mettre en avant le manque de respect de certains vis-à-vis des biens publics que nous avons déjà à notre disposition. Il est bien de se lancer dans des projets de construction de nouveaux équipements mais encore faut-il que ceux déjà disponibles soient préservés de l’incivisme et de la dégradation de matériel, considère-t-il. « Ce qui appartient à l’Etat, appartient au peuple. Pourquoi dégrader ce matériel ? », lance Mohamed Khemici.
Pour lui, l’Algérie, débutante dans le domaine du loisir, souffre d’un manque considérable de repères. «Il faut construire des modèles de loisir à l’image de ce qui se fait dans les pays étrangers. A l’avenir, on a besoin de formules à la carte pour contenter tout le monde, jeunes personnes et familles», propose-t-il. Mais la priorité, selon le directeur général de l’ANALJ, est « d’inculquer d’abord la culture du loisir chez les Algériens ». Le loisir, c’est tout le temps libre dont dispose une personne, une fois son activité principale (travail, étude etc.) est terminée. Or, en Algérie, le loisir se limite à quelques rares activités comme un repas aux restaurants et une séance shopping. Mohamed Khemici veut, lui, combattre cette vision trop exiguë du loisir. « En Algérie, certaines personnes ont de l’argent mais ne savent pas quoi en faire, ni comment, ni où le dépenser. On me dit souvent tu sais, j’ai passé un excellent weekend, je suis allé dîner au restaurant. Mais, ce n’est pas ça le loisir !», lance-t-il. «Les Algériens s’organisent rarement des activités, planifient peu souvent à l’avance et dans le détail un projet de vacances ou de weekends, contrairement aux pays étrangers, où le temps de loisir, notamment les vacances, est sacralisé. Il est pensé avec minutie», explique Mohamed Khemici.
Les jeunes algériens préfèrent rester des heures assis à une terrasse de café
Lorsqu’on lui demande pourquoi la société algérienne n’est pas devenue une société de loisir, le directeur de l’ANALJ explique que les Algériens ne se donnent tout simplement pas la peine de se renseigner sur l’offre disponible. «Il y a un manque de motivation mutuelle. Les jeunes algériens préfèrent rester des heures assis à une terrasse de café pour regarder passer du monde plutôt que de se prendre en main et s’informer sur les associations à la recherche de bénévoles, par exemple », estime Mohamed Khemici. «Ceux-là tuent le temps plutôt que de l’apprécier», tranche-t-il. Autre obstacle : la société algérienne continue de se méfier des activités de loisir. Les cinémas, les jardins et autres espaces naturels sont encore perçus comme des «lieux de débauche», des endroits mal-fréquentés par les couples en quête de lits douillets, voire les délinquants. «Les préjugés sur les activités de plaisance préviennent le développement du loisir en Algérie», regrette Mohamed Khemici.
A la tête de l’ANALJ depuis moins de deux mois, il fourmille de nouveaux projets pour développer et promouvoir malgré tout les activités de loisir à travers le pays. « L’ANALJ s’est repliée sur elle-même et a trop longtemps concentré son programme sur la seule saison estivale, négligeant les neuf mois restant », déplore Mohamed Khemici, qui planche actuellement sur un programme d’une année, à compter de juin. Ainsi, il envisage de mettre en place des campings relativement rustiques pour apprendre aux adolescents la vie en communauté. « Ce seront des lieux de rencontres et d’échanges entre les jeunes venant de différentes région de l’Algérie », précise enfin Mohamed Khemici.