Election présidentielle 2014 : Le boycott rassemble laïcs, islamistes et démocrates à Alger

Redaction

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Son objectif numéro un était de rassembler. Contrat rempli. La coalition des partis appelant au boycott de l’élection présidentielle du 17 avril a rassemblé ce vendredi plus de 8.000 manifestants à la salle Harcha à Alger. Ils appellent à « l’union nationale pour faire tomber le système ».

Debout sur les gradins de la salle Harcha, main dans la main, ils crient « Boycott ! Boycott ! », d’une seule voix. L’un se revendique du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), l’autre se dit islamiste. « Il faut mettre de côté nos querelles et s’unir contre le système, contre ceux qui divisent le peuple algérien », lance le militant du RCD venu de Tizi-Ouzou.

A l’image de ce duo d’opposants, c’est une démonstration d’union nationale qu’a voulu afficher ce vendredi la coalition des partis réclamant le boycott du scrutin du 17 avril. Chassés comme de vulgaires agitateurs du Monument du martyr, le 12 mars dernier, les partis boycotteurs, à savoir le MSP, le RCD, Jil Jadid, FDJ, Ennahda et Ahmed Benbitour, ont été cette fois autorisés à tenir un meeting à la salle Harcha-Houcène, dans le quartier populaire de Belcourt à Alger.

« Entre temps le pouvoir s’est fait taper sur les doigts par les Français et les Américains. C’est triste que nos dirigeants se soucient plus de l’opinion internationale que ce que pensent le peuple algérien », déplore Réda Boudraa, membre du conseil national du RCD.

Intimidations

 

Mais les boycotteurs de l’élection présidentielle ont beau avoir reçu l’aval des autorités, sur le terrain ils ont été confrontés à différentes tentatives d’intimidation. Venus de Kabylie, de la région des Hauts plateaux et des environs de la wilaya d’Alger, plusieurs participants de ce meeting, qui ont réussi à rejoindre la salle Harcha ce vendredi après-midi, nous ont ainsi affirmé que le voyage n’a pas été de tout repos. « Les barrages ont été plus nombreux, notamment au niveau de Palestro dans la wilaya de Bouira », raconte Réda Boudraa, convaincu que les autorités ont multiplié les obstacles sur la route pour réduire de facto le nombre de militants assistant au meeting. « A Béjaïa, la direction des transports à demander des listes nominatives de tous ceux qui montaient dans les bus en direction d’Alger », ajoute-t-il, précisant que les boycotteurs ont refusé de se plier à cette requête. « Ca me rappelle les intimidations qu’on subissait en 1991 », glisse un homme d’une cinquantaine d’années, assis sur les gradins, qui se dit militant du FIS.

Malgré les difficultés, plus de 8.000 personnes, des laïcs, des démocrates et des islamistes, se sont réunis ce vendredi à la salle Harcha pour appeler au boycott de l’élection. Des Kabyles, drapés de l’emblème amazigh, ont ainsi côtoyés dans les rangées bondées de la salle Harcha des femmes voilées.

Les habitants de Kabylie étaient nombreux au premier meeting des boycotteurs de l'élection 2014, vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab
Les habitants de Kabylie étaient nombreux au premier meeting des boycotteurs de l’élection 2014, vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab

La salle est en ébullition au moment où les représentants des partis, Ahmed Benbitour, Soufiane Djilali, Mohcine Belabbas, Mohamed Douibi, Abdallah Djaballah et Abderazak Mokri, qui appellent au boycott, font leur entrée. Les es uns après les autres, ils s’offrent un bain de foule.

Lorsqu’on leur demande pourquoi ils sèchent le rendez-vous électoral du 17 avril, sur les lèvres de tous, la même réponse : ne pas donner du crédit à scrutin joué d’avance. « Il n’y a rien à attendre de cette élection. Il ne faut pas donner de crédibilité à une élection fermée », insiste Fatima, membre du conseil national d’Alger du MSP. « La fraude a déjà commencé. L’Assemblée nationale populaire est à la botte du Président-candidat Abdelaziz Bouteflika, quand on voit des députés brandir des portraits de lui en pleine assemblée », s’offusque de son côté Réda Boudraa.

Ils réclament le départ d'Abdelaziz Bouteflika, mais pas seulement. Meeting des boycotteurs, vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab
Ils réclament le départ d’Abdelaziz Bouteflika, mais pas seulement. Meeting des boycotteurs, vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab

Mais Abdelaziz Bouteflika n’est pas le seul dans le collimateur des boycotteurs de l’élection. « C’est tout le système, le pouvoir, ceux qui tirent les ficelles, de l’armée au clan de Oujda », s’emporte Rachid, un autre membre du RCD arrivé de Tizi Ouzou, avant de s’adresser aux militants pro-Bouteflika : « Si vous l’aimez vraiment, libérez le des mains de ceux qui le forcent à se présenter et à maintenir un statu quo ».

« Tôt ou tard le régime s’effondrera »

La salle Harcha a hué le directeur de campagne d'Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal, pour son insulte aux Chaouis, lors du premier meeting des partis boycotteurs. Photo : Djamila Ould Khettab
La salle Harcha a hué le directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal, pour son insulte aux Chaouis, lors du premier meeting des partis boycotteurs. Photo : Djamila Ould Khettab

Le boycott est-il seulement efficace ? Depuis longtemps les Algériens ont déserté les urnes sans que cela ait eu un impact sur la vie politique du pays. « Cette fois, la déliquescence, avec un Président en fauteuil roulant, est telle que le régime est voué à sa perte », défend Réda Boudraa. A quelques sièges de lui, Farouk Athemna, lui aussi membre du conseil national du RCD, venu de Jijel, insiste : « Tôt ou tard le régime s’effondrera », avant de scander avec la foule « Dégage Bouteflika ! Dégage ! » « Les sorties médiatiques du ministre d’Etat chargé de la Présidence, Abdelaziz Belkhadem, sont juste faites pour « sauver les meubles », renchérit Réda Boudraa. Invité de Dzaïr TV, Belkhadem a effectivement fait comprendre cette semaine que le Président-candidat est cloué à son fauteuil, incapable de « bouger ses membres inférieurs ».

Les militants islamistes ont massivement répondu présent ce vendredi 21 mars à la salle Harcha d'Alger. Photo : Djamila Ould Khettab
Les militants islamistes ont massivement répondu présent ce vendredi 21 mars à la salle Harcha d’Alger. Photo : Djamila Ould Khettab

Les boycotteurs du 4è mandat ne veulent pas en rester là. Il promettent de nouvelles actions et d’animer à leur façon la campagne présidentielle. « Nous allons mener des meetings jusqu’au 17 avril et même après », indique Farouk Athemna. « Le 17 avril n’est pas une fin en soi », assure  Réda Boudraa.

Presque 8.000 personnes réunies à l'appel de la coalition du boycott ce vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab
Presque 8.000 personnes réunies à l’appel de la coalition du boycott ce vendredi 21 mars. Photo : Djamila Ould Khettab

Son parti se projette d’ailleurs au-delà de l’échéance électorale, appelant à l’instauration d’un gouvernement d’union nationale, allant des laïcs aux islamistes, une fois le « régime mafieux » tombé. « Nous avons déjà rédigé un modèle de Constitution pour remplacer celle en vigueur que les autorités bafouent ouvertement. Nous allons distribués des exemplaires et discuter avec les autres partis sur ce texte », explique  Réda Boudraa, qui espère que le mouvement du boycott aboutisse à la rédaction d’une nouvelle Constitution pour l’Algérie, qui sera approuvée par un référendum populaire. Mais d’ici là, le chemin est encore long.