Elle est synonyme de relaxation, de détente et d’évasion. Elle évoque aussi le mystère, le charme et la quiétude. La vallée de Hammam Melouane, cette vallée aux sources chaudes, a façonné l’imaginaire de plusieurs générations d’Algériens. Une station thermale fréquentée en été comme en hiver par des familles, des jeunes et des couples en quête d’inspiration et d’harmonie.
Flanqué au Sud-Est et au Nord-Ouest de versants montagneux et longé sur son autre côté par l’Oued Harrach, Hammam Melouane offre à ses visiteurs le décor d’une carte postale. Située à une quarantaine de kilomètres de la capitale Alger, Hammam Melouane jouit de l’immense privilège de ne pas connaître l’humidité de la mer. Entourée de forêts majestueuses et traversée par un oued qui ne tarit jamais, Hammam Melouane enchante ces étrangers qui viennent de loin, quelques fois de très loin, pour découvrir les vertus de ses eaux chaudes. Mais à Hammam Melouane, il n’y a que pas que le dépaysement qui interpelle le visiteur. Il n’y a pas aussi que la station thermale qui revit de ses cendres après une terrible décennie noire au cours de laquelle elle était plongée dans la déchéance. Cédée à un entrepreneur de la wilaya de Blida, Mohamed Zaïm, ex-président de l’USM Blida et industriel privé notoire de la Mitidja, la célèbre station thermale a, certes, connu des travaux de modernisation qui lui ont redonné son aura d’antan. Mais, à elle seule, elle ne peut pas redonner de l’espoir à toute à une région martyrisée par le terrorisme. C’est pour cette raison que les autorités locales travaillent sur l’aménagement d’un site touristique qui comptera un terrain de sport, un parking et des aires de jeux. Le projet traîne puisqu’il devait être lancé depuis 2010, mais l’optimisme reste de mise. En mars dernier, le ministre du Tourisme et de l’artisanat, Mohamed Benmeradi, a promis de transformer Hammam Melouane en un pôle touristique d’excellence. Il s’agit d’un projet qui s’étendra sur une surface de 21.400 m2, comportera plusieurs infrastructures, dont des restaurants, des piscines, des aires de jeux, des espaces verts et un hôtel. Une fois réalisé, ce projet participera à l’amélioration des conditions de vie des populations, par la création notamment de postes de travail susceptibles de résorber le chômage en milieu juvénile, a expliqué Mohamed Benmeradi.
200 DA par jour pour dépasser les drames du passé
Mais ces promesses ne suffisent plus pour remédier au désenchantement de la population locale notamment les jeunes qui en ont ras-le-bol des lenteurs des autorités dans la réalisation des chantiers engagés. A la fin de la décennie noire, ces jeunes qui ont subi les affres du terrorisme, ont tenté de réconcilier leur région avec la vie. Pour ce faire, il fallait oublier les drames du passé et surmonter les tragédies écrites par les hordes terroristes. Mais tous seuls, ces jeunes volontaires qui n’ont pas déserté les montagnes et la vallée où le traitement thermal effectué à une température de 30° comble de ses bienfaits les trois âges de la vie, n’en peuvent plus de supporter l’immobilisme des responsables de la wilaya de Blida. En l’absence d’un soutien matériel concret de la part des élus locaux et des services de la wilaya, les jeunes de Hammam Melouane exploitent leur ingéniosité pour capter ces visiteurs qui affluent chaque été dans cette vallée en quête de fraîcheur et de bien-être. A 200 DA la journée, des familles peuvent se lézarder sous des paillotes rudimentaires mais très efficaces pour les besoins d’une villégiature. Dressées les unes collées aux autres tout le long de la berge de la rivière, ces cabanon d’un autre genre offre des moments sobres voire agrestes, à l’abri des rayons du soleil le temps d’une baignade dans les eaux douces de ce oued où des piscines naturelles se forment entre les rochers majestueusement implantés depuis des millénaires dans le fleuve.
Le dernier champ de l’espérance
La débrouille pour relancer le tourisme dans la région, telle est la devise de ces jeunes qui tentent d’improviser en dépit d’un environnement social hostile. Hostile par la pauvreté qu’il cultive et la misère sociale qu’il impose à ses victimes du terrorisme. Des victimes qui gardent jusqu’au plus profond de leurs âmes les séquelles de ces violences meurtrières. « Nous avons perdu nos mères, nos pères, nos soeurs et nos frères. Et aujourd’hui, nous n’avons même pas de l’électricité. Depuis que les lignes électriques ont été sabotées en 1996, la Sonelgaz ne les a pas rétablies. Par conséquent, on ne peut même pas proposer des auberges à nos visiteurs pour qu’ils y passent la nuit », déplore sur un ton amer Farid, 39 ans, qui ne retient pas ses larmes lorsqu’il se remémore son parcours. L’itinéraire d’un algérien à qui on a volé son enfance par la barbarie terroriste. Après avoir perdu ses parents et ses deux soeurs sous ses yeux, Farid n’arrive toujours pas à sortir de ce deuil qui plombe sa vie.
Chaque jour, sa maisonnette dont une façade est brûlée par une ancienne explosion artisanale datant de 1996, lui rappelle son destin malheureux. Située à Megtaâ Lazreg, une localité montagneuse de Hammam Melouane réputée pour ses sites enchanteurs, la propriété agricole que lui a légué son père juste avant qu’il soit assassiné par un groupe de terroristes, ne lui sert presque à rien en l’absence d’un soutien logistique de la part des services de la subdivision agricole. « Pour travailler la terre, il faut des moyens et des équipements. Or, les autorités nous exigent des documents que nos parents n’ont jamais possédé pour nous fournir de l’assistance. Nous sommes ainsi livrés à nous-mêmes. Pour vivre et se battre contre le chômage, il ne nous reste que le tourisme. Et là encore, rien n’est fait pour nous faciliter la tâche », dénonce notre jeune interlocuteur qui peine à orienter son regard vers l’horizon lointain à défaut d’un sérieux espoir d’une vie meilleure.
Audio : Quel avenir pour Hamman Melouane ?
Au final, pour Farid et à ses autres jeunes de Hammam Melouane, le salut vient de ce fleuve généreux et pur. Un fleuve qui irrigue leur dernier champ de l’espérance. Un fleuve et des sources thermales qui ont résisté à tous les assauts du temps et de la bêtise humaine. Un fleuve et des eaux chaudes qui permettent à ces jeunes sans enfance de tenir encore à la vie du haut de leurs montagnes. Ces dernières surplombent un pays qui gifle chaque jour ses enfants avec de l’indifférence. Heureusement que la résistance ne leur est plus étrangère…