Créée en janvier 2012, Jil FM (génération FM), une radio jeune, publique et libre qui émet sur la fréquence 94.7 à Alger, a révolutionné le paysage radiophonique algérien grâce à son ton décalé. Suivez-nous dans le studio de la « matinale », Jil morning, l’émission sans doute la plus populaire de cette jeune radio.
06 H 50. Dans le studio d’enregistrement de la radio Jil FM, une équipe de lèves-tôt prépare « la matinale », le Jil Morning. Amine, le technico-réalisateur, s’apprête à faire retentir l’hymne nationale algérien. De l’autre côté de la vitre, après quelques salutations à son équipe, l’animatrice, Farida Ait-Kaci, prend place face au micro tandis que son acolyte, Younes Sabeur Chérif, finalise l’écriture de sa chronique. Flash d’actualité, respirations musicales, sport, chroniques légères ou sérieuses, pendant presque trois heures, Farida et Younes vont mouiller la chemise pour animer la matinale de la radio la plus écoutée par les jeunes algériens. Cinq minutes avant le début de l’émission, aucun signe de stress. Mais contrairement aux apparences, la préparation de l’émission « nécessite beaucoup de travail. Ce n’est pas de l’improvisation contrairement à ce que l’on peut penser », explique Farida. Sur la table du studio, peu de notes circulent. Le duo, formé il y a six mois est rodé à l’exercice. « Younes et moi travaillons ensemble depuis le mois de novembre. On se connaît par cœur maintenant, on réfléchit moins à nos transitons qu’au début, des réflexes se sont créés. On est dans la spontanéité et je pense que cela s’entend à l’antenne », confie-t-elle.
« Notre objectif est de mettre les gens de bonne humeur au saut du lit »
07 H 00, l’animatrice dégaine son plus large sourire et lance son leitmotiv en arabe : « Bonjour chers auditeurs. Bienvenus sur Jil Morning, la matinale de Jil Fm ». Au même moment, Ryma Hadjouti, la journaliste qui présente le flash d’informations, fait son entrée dans le studio, enfile son casque et balaie l’actualité du jour d’un ton sec. A la Une : « le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mohamed Benmeradi appelle à soutenir les artisans locaux, à l’étranger, l’Union Européenne suit avec une grande inquiétude la situation autour de la Syrie ». La journaliste retrouve sa joie de vivre, égarée pendant le flash, et clôture son journal par un point météo ensoleillé.
Farida reprend l’antenne et annonce la première chronique sur la bande sonore de Superman : « la chronique qui ne sert à rien ». Un billet « insolite » qui reste informatif. Ce matin, Younes parle du bâillement : « Savez-vous que nous baillons en moyenne 240 000 fois au cours de notre vie ? ». C’est cette humeur décalée qui fait le succès de Jil Fm, auprès des jeunes. « Nous sommes une alternative à la Chaine 3 car on adopte un ton léger. Et grâce à ce second degré, nos auditeurs retiennent plus facilement l’information », considère Farida. « Notre objectif est de mettre les gens de bonne humeur au saut du lit », poursuit-elle. Contrôlée par l’Etat, Jil FM reste une radio qui se veut impertinente. Mais ses « matinaliers » grandes gueules connaissent leurs limites. « Il faut se mettre à la place des auditeurs. La vulgarité, le respect de la dignité des gens, c’est la ligne rouge à ne pas franchir ». C’est pourquoi l’équipe de Jil Morning s’astreint à ne pas relayer des rumeurs mais des informations vérifiées au préalable par l’APS.
Déclarations d’amour et canular téléphonique. Avant de reprendre l’antenne, l’animatrice consulte la page Facebook du Jil Morning, salue ses « amis » et répond à quelques commentaires. « J’utilise les réseaux sociaux pour trouver mes invités. Des entrepreneurs, des artistes, me contactent par ce biais. Les auditeurs nous laissent des mots d’encouragement et je reçois même des déclarations d’amour et Younes, des demandes en mariage», raconte-t-elle. La pose de publicité se termine, l’antenne reprend avec le canular téléphonique du Jean-Yves Lafesse algérien, Brahim H’mida, alias Irban Irban. Une pastille humoristique qui fait plus sourire que rire en ce mardi 7 mai. A l’antenne comme en « off », l’ambiance est détendue, les animateurs se taquinent, Farida qui est également productrice et présentatrice dans une télévision privée en cours de lancement se prépare à la longue journée de travail qui l’attend et se pomponne en vue de ses rendez-vous professionnels pendant que Younes grignote des viennoiseries et relit ses fiches écrites à la main.
Il est un peu moins de huit heures. Farida introduit Younes et sa chronique de 24 H. Au menu: « le ministre du Tourisme et de l’Artisanat annonce la création de vingt hôtels d’ici 2013, l’Union Européenne va participer à la restauration de la Casbah et le coût d’un pèlerinage à la Mecque : 35 millions de centimes ». Farida donne la réplique à Younes. Elle relance, commente : « heureusement que le pèlerinage n’est pas une obligation », plaisante-t-elle. La chronique s’achève, Islam entre en piste pour « tahricha sport ». Détaché de ses feuilles, le chroniqueur regarde ses collègues et débite avec aisance l’actualité sportive. Pause musicale. Le programmateur diffuse la chanson « Hands up » d’Ottawan pour le plus grand bonheur de Farida qui augmente le son au studio, sautille sur sa chaise et reproduit la chorégraphie. « Cette chanson est un flash back pour moi. Elle me ramène à mes jeunes années. C’est sur cet air que j’ai fait mes premiers pas de danse », révèle-t-elle aux auditeurs.
9 H 10. C’est la dernière ligne droite, Younes parle du premier moteur de recherche arabe Yaarabi.com, quitte son micro, surfe sur le net, à la recherche d’informations sur la Journée mondiale de l’asthme. Panique à bord : la connexion est brouillée mais l’animateur de 23 ans qui dit « avoir beaucoup appris de Farida » reste zen. Il sait qu’il s’en sortira. Au pire, il improvisera. Cinq minutes avant la prise d’antenne, la connexion revient, Younes regarde à la dérobée un site de santé. Au micro, aucune hésitation, pas un bégaiement, le jeune homme a « fait le boulot ». Ce petit coup de frayeur passé, Ryma Hadjouti lance son dernier bulletin d’informations de la journée. 10H00, Farida sonne le glas de Jil Morning. Les animateurs s’apprêtent à quitter le studio. Mais patience, avant de s’échapper, le rédacteur en chef convoque l’équipe pour un débriefing.
Djamila Ould Khettab et Ines Kheireddine