Le Salon international de l’automobile d’Alger ne représente pas uniquement une foire commerciale. Il est, surtout, et avant-tout, un phénomène de société. Chaque année, le succès grandissant de cette foire commerciale démontre que la voiture est devenue un objet incontournable dans la vie des Algériens. Le succès du Salon de l’automobile est tel que chaque année, des milliers d’Algériens y accourent des 4 coins du pays pour visiter les différents stands des représentants des grandes marques automobiles mondiales.
Des carnets de commandes bien remplis
Mais, attention, ces visiteurs ne se contentent pas de reluquer les voitures exposées. Ils cassent, aussi, leurs tirelires et n’hésitent pas à profiter de ce rendez-vous incontournable pour acquérir une voiture neuve. D’ailleurs, vendredi, alors que ce salon s’apprêtait à fermer ses portes, les concessionnaires ont reconnu qu’ils ont rempli leurs carnets de commandes grâce à une grande affluence des « mordus » des 4 roues estimée à plus de 400.000 visiteurs, ont confié également les organisateurs de ce 16ème salon international de l’automobile. Presque un demi-million d’Algériens ont donc défilé dans les allées de la SAFEX pour scruter les moindres aspects des modèles de voitures exposées. Un demi-million de visiteurs, aucun autre évènement n’a pu s’attribuer une telle affluence. Il faudra que la sélection nationale de Football se qualifie brillamment au prochain mondial brésilien pour voir autant de citoyens et de familles dans les rues. Le Salon de l’Automobile a donc attiré, séduit, mais surtout unifié les Algériens autour d’une seule cause. Celle de l’utilité existentielle de la voiture ! Oui, rien ne peut se faire dans une vie algérienne sans un véhicule.
« Pas possible de vivre sans une voiture. Dans notre pays, on ne vaut rien si on n’a pas de voiture. Moi, jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas pu me marier parce que je ne possède pas de véhicule. Il est devenu plus facile de nos jours de trouver une femme que de trouver une voiture ou un logement », confie sur un air très sérieux Hamza, un jeune homme, dans la vingtaine, brun avec une coiffure à la mode. Lui et ses amis sont déterminés à passer des heures à rôder autour des pavillons de la SAFEX pour dénicher la bonne affaire. Quelques fois, ils sont intrigués et séduits davantage par les jolies hôtesses qui travaillent dans les stands que par ces voitures à la mécanique puissante et aux couleurs chatoyantes. Ces hommes à la recherche d’une voiture essaient tout de même de garder leur concentration. Pour ne pas céder aux charmes de ces hôtesses harmonieusement maquillées et habillées en mini-jupe, nos jeunes interlocuteurs se rappellent de leur mission : trouver la bonne affaire et la voiture qui sied à leurs besoins. « Le salon, c’est le moment où tous les concessionnaires offrent des remises. Les voitures sont plus abordables. Il faut être le premier à sauter sur les occasions », s’enthousiasme, pour sa part, Lotfi, grand et mince, coiffé d’une casquette et portant des vêtements branchés. Mais ces occasions dont rêvent nos jeunes à la bourse modeste, où peut-on les trouver ? Difficile de répondre à ces questions tant les prix enflammés des véhicules neufs poussent tout acheteur à une profonde introspection.
L’ opération de séduction des marques chinoises
Une introspection à laquelle est livré Hakim et sa femme ainsi que leurs deux filles. Fonctionnaire, Hakim a fait le tour des stands du salon à la recherche d’une bonne « occasion’’ qui répond à sa modeste bourse. « Le Salon est, pour moi, une opportunité à ne pas manquer et les remises annoncées sur certaines marques de voiture sont une aubaine », confie-t-il d’emblée sans perdre beaucoup de temps pour apporter quelques nuances. « Je ne peux pas dépasser le seuil d’un million DA pour l’achat d’un véhicule, mais le choix de la marque ne me revient pas, à moi seul. Ma petite famille a aussi son mot à dire », glisse-t-il sur le ton de la confidence, avec un léger sourire aux lèvres et les mains chargées de brochures et prospectus des différents constructeurs auto. Face à un pouvoir d’achat en chute libre à cause de la cherté de la vie, les algériens qui rêvent de s’offrir une voiture neuve se tournent facilement vers les marques chinoises. Celles-ci ont été présentes en force pendant tout ce salon. Geely, MG, Haima, Zotye, Cherry QQ, Lifan, etc., on ne compte plus les marques qui ont investi la SAFEX pour grignoter des part de marchés aux traditionnelles marques européennes qui dominaient jusque là le marché automobile algérien.
Des prix accessibles, des remises pouvant aller jusqu’à 200.000 DA, les concessionnaires des marques chinoises ont déployé des trésors d’ingéniosité durant ce Salon pour vanter les mérites des modèles exposés et attirer les clients et réaliser le maximum de ventes. Certains représentants des marques chinoises vont encore plus loin en proposant aux clients de prendre en charge la taxe sur les véhicules neufs qui dépasse 70.000 dinars pour les moins chers. Cette stratégie a-t-elle marché ? A fortiori oui, car les stands des marques de l’Empire du Milieu n’ont pas désempli. Toutefois, aucun chiffre de vente n’a été dévoilé et les concessionnaires du Made in China ne communiquent que rarement la-dessus. Quoi qu’il en soit, cette présence chinoise inquiète, étonne et fascine. Mais les concessionnaires des marques européennes, françaises notamment, Renault, Citroën et Peugeot, ne se sont pas laissés faire.
Qui peut faire mieux ?
Des remises importantes proposées et des délais de livraisons plus courts, voila les nouvelles armes que les marques françaises ont utilisé pour préserver leurs acquis en Algérie. Et ça marche plutôt bien puisque le stand de Renault a été, incontestablement, parmi les plus visités. Fort de son réseau de distribution et de maintenance, présent sur l’ensemble du territoire nationale, Renault a, semble-t-il, bien rempli ses carnets de commandes pendant ce Salon et conserve sa réputation de leader puisqu’il est celui qui vend le plus de véhicules en Algérie.
Une Algérie qui n’a jamais eu autant besoin de voitures qu’en cette année 2013. Avec le développement du réseau routier, les carences des Transports publics et la hausse des salaires des fonctionnaires, la boulimie des voitures n’est pas prête de s’arrêter. En dépit des embouteillages interminables et des prix sans cesse en hausse, la voiture, quand même, a réussi à attirer près d’un demi-million d’algériens vers la SAFEX. Qui peut faire mieux ? Certainement pas le livre, la culture, l’agriculture ou les machines industrielles…