Entre deux cultures, souvent élevés à l’algérienne, ils évoluent dans un milieu français, diversifié. Les Algériens de France vivent cette dualité dans toutes les étapes importantes de leur vie, notamment le mariage. Quels choix font-ils lors de ce moment crucial de leur vie et comment le vivent-ils ?
Algériens de sang et de cœur, ils restent français de nationalité. Ce statut peut aider et desservir à la fois, notamment pour la question du mariage. Si les Algériens de France se sont beaucoup ouverts aux évolutions sociales auxquelles ils sont confrontés au quotidien, pour beaucoup, le poids de la communauté algérienne reste très important. Se marier avec un compatriote est une évidence, parce qu’ils ont été élevés avec cette idée, ils s’y sont faits ou parce qu’ils ne souhaitent tout simplement ne pas décevoir leurs parents, qui malgré eux instaurent une certaine pression.
Pressions familiales
Beaucoup d’immigrés algériens en France ont conservé les us et coutumes d’une Algérie d’antan. Repliés sur leur communauté, il n’est pas envisageable que leurs enfants sortent de ce cercle algérien pour le choix de leur époux ou de leur épouse. Pour préserver leur culture algérienne, sauvegarder leur religion musulmane, et transmettre à leurs petits-enfants la même éducation algéro-musulmane, qu’à leurs filles et fils… Ce sont autant de raisons valables qui poussent les immigrés algériens à restreindre les choix matrimoniaux de leur progéniture.
Il y a les extrêmes : « Mes parents me disent que j’ai le choix, mais je sais au fond de moi que c’est un faux choix, il devra se faire entre un Algérien et de préférence… un Algérien. Ne parlons pas des autres nationalités, un jour elles sont envisageables, le lendemain elles sont tout simplement exclues. C’est déjà compliqué de rencontrer l’âme sœur, mais avec ces contraintes ça rend les choses plus difficiles », raconte Sonia.
Mais il y a des familles plus conciliantes : « Pour moi mes parents toléreraient seulement un Français ou un arabe. Mais pas un noir. Mais ce n’est pas pareil pour toute ma famille, j’ai une cousine pour qui c’est plus stricte, il faut que ce soit un Algérien, Kabyle, limite du même village», raconte Mounia. De même pour Samia et sa famille : « Un français oui, un noir non, un algérien oui, un chinois, elle n’y croit pas, un mec du Moyen Orient, elle ne dira rien mais elle n’y croit pas ».
Ne pas choquer
Les enfants d’immigrés sont donc partagés entre suivre le choix de leurs parents et se faire à l’idée qu’ils ne pourront pas épouser n’importe qui. Certains le vivent comme une contrainte. D’autres s’en sont accommodés, parce qu’ils sont d’accord avec ce principe. Mais il arrive que ce choix résulte d’une résignation et de la peur de perdre sa famille. « Pour moi c’est important de pouvoir choisir qui je veux, mais je n’ai pas envie de choquer mes parents » explique Mounia, qui avoue qu’elle finira sûrement par se tourner vers sa culture initiale, parce que ce sera plus simple, notamment pour l’éducation de ses enfants si elle en a plus tard.
Ne pas choquer ses parents, son entourage est la priorité au détriment de la volonté de certains Algériens. Mounia confirme que toutes ses amies algériennes « ne fréquentent que des arabes, elles enlèvent même la possibilité de fréquenter des français ».
« Pour ma part c’est compliqué je me sens autant française qu’algérienne. J’ai baigné dans une culture arabe mais avec des amis français. J’ai besoin des deux, et je me suis même rendue compte que j’étais souvent attirée par des Français. Mais je préfère les repousser à chaque fois en me disant que je vais forcément souffrir si je n’envisage pas un Algérien, ou un arabe de manière générale, parce que mes parents me rejetteraient », explique de son côté, Sonia, qui affirme que même « un Français converti à l’islam ne serait pas envisageable, le critère ethnique est crucial. Mes parents ont peur qu’il redevienne « kouffar », alors que pour un Algérien, être musulman c’est dans son ADN ».
Contrer le choix de ses parents, une situation difficile
Puis il y a ceux qui tentent de choisir un amour sans critère ethnique, au risque de décevoir la famille. « Il y a eu un scandale le jour où ma petite sœur a voulu se marier avec un Marocain. Elle a imposé son choix et ils ont fini par accepter. Mais ça a créé beaucoup de problèmes » raconte Malika, qui elle-même, a épousé un Algérien qui vivait en Algérie à cause des pressions de sa mère.
Pour Soraya, le choix des parents était inévitable, il a influé sur un épisode important de sa vie. Alors qu’elle était fiancée. «Les parents du fiancé ne voulaient pas de moi et ont refusé le mariage (ils étaient turcs), après quoi mes parents se sont vus obligés de refuser le mariage… j’ai suivi le pas de mes parents comme a fait mon fiancé qui a suivi le pas des siens dès le début… », raconte-t-elle.
« On ne peut pas restreindre nos sentiments «
Pour Karima, même si ses parents estiment qu’un arabe musulman serait l’idéal, elle précise que « Ma mère pense que pour notre génération, les enfants d’immigrés qui vivent en France entourés de personnes non musulmanes et non arabes, il est très difficile de nous restreindre à ça. De plus nous sommes confrontés à une génération où les femmes et les hommes d’origine maghrébine ne se comprennent pas ».
C’est justement cette incompréhension entre maghrébins de France dont parle Karima qui poussent certains enfants d’immigrés à s’ouvrir à d’autres nationalités malgré le refus de leurs parents. Parce qu’ils se sentent plus proches socialement des Européens. Beaucoup d’Algériens et d’Algériennes ne parviennent pas à trouver leur moitié, parce qu’ils ont des critères d’éducation ou professionnels plus restreints, notamment chez ceux dont le niveau d’instruction et de vie est plus élevé que celui de leurs parents. Mais la communauté algérienne reste une minorité, et trouver des Algériens appartenant aux classes supérieures professionnelles reste difficile. S’ouvrir à des Européens offre plus de choix.
Algérien ou pas, les rencontres, et l’amour ne sont pas contrôlables, selon Karima, qui estime qu’ « On vit dans une société hétérogène, on est amené à rencontrer des personnes avec des confessions et origines différentes, et donc il devient difficile de rester fixer sur des personnes comme nous, et on ne peut pas restreindre nos sentiments « .