Marseille, je t’aime à l’algérienne…

Redaction

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Odeurs de coriandre, olives en pagaille, et darija des quatre coins d’Algérie. Alger ? Non, nous sommes dans un ersatz de la capitale algérienne d’une Algérie réinventée de l’autre côté de la Méditerranée… Mais si, réfléchissez, celle que l’on nomme la 49e Wilaya… Marseille !

La cité phocéenne sent depuis bien longtemps un parfum algérien, qui flotte surtout dans les quartiers de son centre-ville. L’immigration, puis les enfants de cette immigration ont conservé le charme algérien même dans leur quotidien français. Malgré les générations, l’identité algérienne de la Cité phocéenne n’a pas pris une ride. L’Algérie est dans le cœur des chibanis comme des petits enfants d’immigrés. Pourquoi Marseille est-elle restée si influencée par la communauté algérienne ?

Entre souvenirs et adaptation

Une mer n’aura pas suffi à séparer des Algériens de leur terre natale. Migrants pour mille raisons, ces Algériens, ont laissé leur cœur arrimé au port de Marseille pour surveiller au loin leur chère Algérie. Même si la plupart ne regrette pas d’être parti de leur pays, les « zimmigrés » n’ont pas oublié leur pays et leurs proches restés là-bas. Ils se sentent Français, mais ont fièrement  gardé cette identité algérienne qu’ils tentent tant bien que mal de faire vivre sur une terre française, peut-être pour ne pas l’oublier.

Et c’est réussi, un petit tour dans les quartiers de Noailles ou de Belsunce nous transportent immédiatement vers l’Algérie. Les vendeurs de meubles et de vaisselles vous accueillent à coup de « Sabah el kheir », et vous vendent tout ce que vous trouverez en Algérie : tajine, le « sni », ces plateaux argentés, lampes mauresques, services à thé… vous en avez pour tous les goûts. Les cuisinières tentent de faire revivre les senteurs de notre cuisine. Du traditionnel couscous, à la mahdjeb en passant par les pâtisseries orientales. A quelques mètres, les coiffeuses s’occupent de leurs clientes qui se préparent pour le mariage du soir. Elles laquent et coupent les cheveux au rythme du raï qu’elles mettent à fond dans leurs salons.

La société marseillaise est à l’image de notre chère Algérie, quelques hitistes sont parsemés dans les quartiers nord, sur le cours Belsunce, et au marché des Capucines. Même le marché informel a trouvé sa place à Marseille, quelques cigarettes ramenées d’Algérie sont vendues à prix d’or à Noailles, où les « Marlboro, Marlboro » sont discrètement soufflés aux oreilles des passants. Alors que le marché du soleil s’improvise en brocante sauvage sur le trottoir.

Cela en deviendrait presque cliché, l’Algérie marseillaise est  devenue une image d’Épinal, une Algérie d’antan, basée sur un souvenir. Mais la Marseille algérienne a également emprunté à la France sa culture et les Algériens ne s’en plaignent pas. « Je suis heureux d’avoir élevé mon fils ici, et pas au pays, ils ont eu plus de chance ici. Tous mes enfants adorent l’Algérie et ne se sont pas reniés. Ils sont scolarisés dans un établissement privé et catholique ! Mais ils restent musulmans et algériens », explique Moncef, originaire d’Alger, marchand au marché des Capucines.

La famille avant tout

Ce n’est pas seulement l’ambiance qui est algérienne dans ces quartiers  marseillais, les relations entre les Algériens de Marseille sont primordiales. « Nous sommes une réelle communauté, d’Algériens mais aussi du Maghreb », d’après Moncef. Une communauté mais aussi une famille, même s’ils sont des milliers dans cette ville qui accueille la plus grande population algérienne de France.

Aicha, qui a quitté Oran pour Marseille depuis des années, sait qu’elle peut compter sur ses compatriotes en toutes circonstances. «Ici c’est la famille, vous voyez lui il est comme mon fils. On est solidaires entre nous et c’est important d’avoir ça à Marseille. Peu importe où l’on vit, s’il y a des Algériens, des arabes, des musulmans, nous saurons qu’il y aura de la chaleur humaine et de la solidarité », confie-t-elle. « Un jour l’un des nôtres est décédé à Marseille, sa famille n’avait pas les moyens de rapatrier son corps en Algérie pour l’enterrer dans son pays. On s’est cotisé, pour qu’il ait ses funérailles chez nous… » Les déracinés de Marseille font tout pour recréer leur petit cocon et s’entraider dans les moments difficiles.

Cette ambiance méditerranéenne a convaincu de nombreux Algériens à venir s’installer sur cette terre si proche de leur berceau. Anis, qui n’a pas vécu en France et en Belgique et a finalement préféré posé ses bagages à Marseille pour cet « esprit méditerranéen, si proche de l’Algérie et parce qu’ici « on est comme chez nous ! »

Héritage religieux et culturel

Plus facile donc de s’intégrer à Marseille où ses milliers d’Algériens tentent de perpétuer leurs traditions. Même si la ville ne ressemble pas parfaitement à l’Algérie, notamment lors des fêtes religieuses, que les expatriés préfèrent passer dans leur pays de naissance. Toutefois la culture algérienne a réussi à se faire une place dans le quotidien de ces néo-français. Moncef explique qu’il a toujours inculqué à ses enfants cette histoire algérienne et musulmane. Selon lui, il s’agit de leur héritage, et il a parfois l’impression qu’il s’en sort mieux à Marseille qu’en Algérie. « Nous avons tellement peur que nos enfants tournent le dos à nos origines que nous tenons à ce qu’ils connaissent notre pays et notre religion, alors nous sommes toujours derrière eux, et ça fonctionne. Et d’ailleurs j’ai remarqué qu’ainsi nous sommes plus pratiquants ici qu’au pays », estime Moncef, pour qui l’identité algérienne passe avant tout par la religion.

Pour son fils Anis, 14 ans à peine, c’est devenu une évidence : il est avant tout Algérien. Lorsque l’on lui demande de nous parler de l’Algérie, il explique « que ce pays je l’aime. Je me suis beaucoup intéressé à l’histoire de l’Algérie et j’ai compris que le pays avait beaucoup souffert ». L’adolescent s’est vite identifié au pays de ses parents même s’il n’y a jamais vécu, car l’histoire lui rappelé l’importance de rester attaché à cette  terre, même depuis la France. Et il faut dire que Marseille l’a bien aidé à conserver ce patrimoine, le jeune homme reconnaît qu’il est plus simple de s’assumer en tant qu’Algérien ici, même dans les milieux 100 % français.

Quand l’histoire vous rattrape

« On ne peut pas lier nos liens avec la France. J’ai beau dire non, l’histoire nous rattrape et rappelle qu’on est lié pour le meilleur comme pour le pire.» Mohamed, originaire de Chlef, et vendeur dans une boutique de vaisselle non loin du quartier de Noailles a résumé ce lien si particulier entre l’Algérie et Marseille. Cette ville est le symbole de cette relation tumultueuse et passionnelle. Les Algériens de Marseille l’ont gardée tatouée dans la peau.  Et inversement, Marseille ne déroge pas à la règle et reconnaît toujours son rapport à El Djazair. Elle a même réservé une place de choix à son statut symbolique de « 49e wilaya » dans sa programmation de  « Marseille Provence 2013 », l’année où elle est capitale de la culture européenne. Une série de concerts, intitulés « Wilaya 49 », mêlant les musiques des deux rives, ont eu lieu en novembre et mars. De la musique pour chanter à l’Europe entière que Marseille est une Algérienne comme les autres…

Marseille restera-t-elle toujours « l’Algérienne » ?

Mais jusqu’à quand cet héritage historique se perpétuera ? Ils sont certes beaucoup comme le jeune Anis à vouloir garder le souvenir algérien de leurs parents, à être attaché au pays, mais ils sont également nombreux, à prendre des distances, voyant l’Algérie comme le pays de leurs aïeux  mais pas le leur. L’immigration ralentit toujours plus avec le temps. La France ne fait plus rêver les Algériens, préférant opter pour l’Amérique du Nord, l’Angleterre ou encore l’Allemagne. Quelques étés passés au « bled » suffiront-ils à conserver la particularité algérienne de Marseille ? Rendez-vous dans un autre siècle…

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