Mort d’Albert Ebossé : « C’était prévisible », pour les habitants de Tizi Ouzou

Redaction

La rue kabyle est toujours consternée suite au dramatique décès du brillant attaquant camerounais de la JSK, Albert Ebossé. Une atmosphère lourde règne dans la ville des genêts depuis l’annonce de sa mort, samedi soir. Dégoûtés par l’escalade de la violence dans les stades, les habitants de Tizi Ouzou rappellent les dirigeants de club à leur responsabilité. Reportage.

« C’est le joueur le plus adulé à la JSK. En si peu de temps, il a conquis les cœurs de millions de supporter du club. Un vrai supporter de la JSK ne pourrait jamais faire ça. Personne ne peut lui manquer de respect, car c’est quelqu’un de très respectueux. C’est un joueur modeste, très humble », témoigne Fateh, un jeune d’Azazga. Celui-ci se souvient avoir échangé avec Albert Ebossé quelques mots quand ce dernier était venu dans sa ville, sollicité pour assister à la fête de circoncision de quelques enfants à Tirsatine, durant la dernière semaine du mois de Ramadhan. « Il a répondu sans hésiter à notre invitation. Sa présence a rempli de joie les cœurs des bambins qui ont était circoncis, mais aussi de tout les villageois »,  se souvient Fateh.

« C’est vraiment dramatique qu’une telle tragédie puisse se produire à Tizi Ouzou, une région connue, à l’instar de toute la Kabylie, pour son hospitalité exceptionnelle. Et cela frappe le meilleur des joueurs de la JSK, de surcroît un étranger, un Africain à la modestie sans pareille. Inadmissible ! J’admettrais que cela m’arrive à moi ou toute autre personne de la région, mais pas à nos hôtes, ya rreb ! », tempête Dda Salah, un sexagénaire, rencontré dans une cafétéria  dans la ville de Tizi Ouzou.

Pour cet ancien supporteur de la JSK, l’assassin qui a osé jeter des pierres sur la pelouse n’est pas le seul responsable de ce crime. « Il faut dire que depuis des décennies, les terrains de football en Algérie sont devenus des arènes pour se défouler, pour s’extérioriser, avec la complicité des dirigeants qui exploitent ce type de voyous en toutes occasions pour mettre la pression sur des adversaires connus difficiles à vaincre sur le terrain. Ce n’est plus du football dans nos stades. On ne peut plus habiter à proximité d’un stade, tant on entend toutes sortes de crudités agressant les oreilles, même si l’on est seul. Toutes les valeurs de respect et de pudeur ont disparu. En plus il y a de la négligence dans l’air avec des contrôles sécuritaires banaux aux entrées des stades et durant lesquels des énergumènes sans lien avec le football profitent pour passer toutes sortes d’objets pouvant servir d’arme, qu’ils utiliseront dès la moindre irritation ou colère suscitée par l’encaissement d’un but, même si ce n’est pas un but décisif, par l’équipe dont le type se dit fan. Aucune éducation, donc c’est tout à fait logique que ce genre drame se produise un jour ou l’autre sur nos terrains de football », déplore-t-il encore, racontant que durant sa jeunesse, « la moindre insulte, le moindre mot cru ou vulgaire est vite puni, non pas par une seule personne mais par le collectif. Le civisme était à fleur de peau chez tout un chacun. Aujourd’hui, l’impunité a avantagé ce genre de comportement, ce qui décourage même à déposer plainte, même si l’on est soi-même « agressé », sachant d’avance l’aboutissement… « .

« Nos stades sont infréquentables »

Le constat amer que nous dresse Dda Salah est partagé par de nombreux fans du club phare de la Kabyle. L’insécurité dans les stades est une réalité flagrante que personne ne peut ignorer. Les responsables ne sont pas sans le savoir, mais personne ne daigne intervenir.  » Nos stade sont devenus infréquentables. À l’occasion de chaque match, on voit des voyous portant toutes sortes d’armes blanches circuler en tout impunité dans les gradins. Personne ne peut leur parler « , confie Athmane, un inconditionnel supporteurs de la JSK, accompagné de son père, rencontrés à proximité du CHU Nedir-Mohamed. Celui-ci admet que l’acte de supporter son club fétiche au stade est devenu « un risque majeur. C’est vraiment douloureux, on n’a plus de comités de supporters dignes de ce nom, lesquels, jadis, canalisaient toute fougue agressive et intervenaient en toute circonstance, préparaient les matches à l’avance, sensibilisaient, etc. En tout cas, des sanctions doivent tomber contre tous ces dirigeants exploitant la voyouterie et les clubs qui n’ont pas de comités de supporters en mesure d’imposer un civisme autour d’eux. Qu’on ferme les stades concernés jusqu’à nouvel ordre ! Y en a marre de ces dégâts qu’on cause souvent à autrui, aux innocents ! », se désole-t-il.

« Nos responsables n’ont rien fait »

Pour d’autres Tizi Ouzouièns, cet acte était prévisible, vu toutes les conditions qui entourent le déroulement des compétitions sportives, « ça devait arriver ! C’était prévisible. La violence est une chose latente dans nos stades : jets de pierres, fumigènes, insultes, agressions… Ce sont ces actes, devenus anodins aux yeux de nos responsables, qui nous ont menés jusque-là. On aurait pu éviter ce crime, si nos autorités avaient réagi pour mettre fin à cela. Nos responsables n’ont rien fait pour éradiquer la violence dans les stades. Ils ne sont pas sans savoir que des responsables de clubs algériens emploient des voyous, qui font la pluie et le beau temps dans les stades », accuse Aâmi Saïd, un habitant de Tizi Ouzou, consterné lui aussi par la mort d’Albert Ebossé.

Une marche silencieuse sera organisée samedi 30 août à Tizi Ouzou. Cette manifestation pacifique, prévue à 10 H 30, démarrera du stade du 1er-novembre pour rejoindre la place Matoub Lounès, sise face à l’ancienne gare routière.

Arezki IBERSIENE

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