Alger : du Premier Novembre de la révolution au Premier Novembre de la répression

Redaction

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Plusieurs organisations avaient appelé à des rassemblements pacifiques Place de la Grande Poste ce  samedi matin à 10 H et Place de la Liberté de la Presse à 11 H, en vue de réclamer leur droit de manifester. Elles en ont été empêchées par un important dispositif policier déployé dans les points névralgiques de la capitale. Récit d’un 1er novembre sécuritaire.

L’ambiance est étrange ce samedi matin Place de la Grande Poste. Un dispositif policier impressionnant y est déployé : au milieu des badauds qui déambulent, des policiers patrouillent deux par deux tous les 10 mètres environ, comme inquiets de l’émergence d’une quelconque manifestation. Et pour cause : plusieurs organisations ont appelé à se rassembler ce 1er novembre pour réclamer leurs droits en ce jour de célébration nationale. La Coordination de la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et la Coordination nationale des familles de disparus s’étaient ainsi donné rendez-vous devant la Grande Poste à 10h ce matin. Peine perdue : les quelques manifestants qui se sont risqués à brandir une pancarte ou crier un slogan n’ont pas fait long feu.

Un dispositif sécuritaire impressionnant

Le calme est précaire à Alger Centre, un vent de révolte flotte dans l’air ce samedi matin ensoleillé. Plusieurs vieilles femmes appartenant au collectif des familles de disparus errent devant l’imposant bâtiment blanc, ne sachant trop que faire, ahuries par le dispositif policier déployé. L’esplanade est pleine de gens qui semblent attendre on ne sait quoi. Une exclamation crève enfin le silence.  « Barakat ! Dawla irhabya ! » [Batrakat ! Etat terroriste !] lance un homme monté sur le muret qui entoure le petit parc en face des escaliers de la Grande Poste. Deux autres hommes tentent de le rejoindre, criant avec lui. Des curieux et des journalistes s’attroupent, filment, prennent des photos. Mais en un clin d’œil, les récalcitrants sont ceinturés et embarqués sans ménagement par des policiers visiblement rageurs de ne pouvoir maintenir cette paix urbaine factice malgré un déploiement sécuritaire important.

Rassemblement de petits groupuscules, cris de colère sporadiques, intervention musclée puis dispersion: cette scène du chat et de la souris, digne d’un film burlesque, s’est répétée plusieurs fois ce samedi 1er Novembre, Place de la Grande Poste. Près d’une quinzaine de manifestants ont ainsi été embarqués par les forces de l’ordre.

Une censure évidente : nos photos supprimées

Non contents d’empêcher la formation du moindre groupuscule de manifestants, les policiers surveillaient les curieux s’attardant près du petit jardin en face de la Grande Poste, où plusieurs hommes ont tenté de faire entendre leur voix.

Fait important : les policiers présents ont montré un zèle impressionnant pour nous empêcher, nous journalistes d’Algérie Focus, de travailler correctement. Après nous avoir contrôlé trois fois et alors que nous disposions de tous les documents légaux, ces derniers ont saisi notre téléphone et ont effacé une à une nos photos de ce matin, ainsi que des images d’événements ultérieurs (notamment les manifestations des policiers devant la Présidence). « Pourquoi supprimer nos photos alors même que nous travaillons légalement ? » leur a-t-on demandé. Pour seule réponse, un regard cynique et la menace de nous embarquer.

11 H, place de la Liberté de la presse. Doit y démarrer une marche pour le droit à manifester : l’événement Facebook enregistrait hier près de 300 participants. Mais quartier Belouizdad règne le même calme inquiétant qu’à Alger-Centre. Outre un dispositif sécuritaire disproportionné, c’est une banderole qui attire l’attention. Non pas une banderole militante mais celle de l’Union nationale des commerçants et artisans algériens qui organise un marché Place de la Liberté ce samedi matin. Devant les stands de bijoux, de miel, et de robes kabyles, plusieurs policiers en uniforme et en civil veillent au calme du marché. Non loin de là, des mégaphones déversent sur la voix publique des chants patriotiques. Mais aucune trace du rassemblement prévu.

Nous apprendrons par la suite que les initiateurs de cette marche, le militant du MDS Fares Kader Affak et le journaliste et chroniqueur Amari Chawki, ainsi que plusieurs autres manifestants, ont été embarqués avant même le début du rassemblement. Ils sont encore détenus dans différents commissariats d’Alger dont El Biar et Bouzaréah.

C’est un 1er novembre sécuritaire qu’ont vécu démocrates et militants des droits de l’homme ce matin à Alger.

Ndrl : la rédaction a fait le choix de mettre en photo de Une cet écran noir pour témoigner de la censure que nos journalistes ont subi ce samedi matin sur le terrain. 

Arezki IBERSIENE et Agnès NABAT