La plage des Sablettes, située sur la route de l’aéroport à quelques kilomètres à l’Est du centre-ville d’Alger, est ouverte au public depuis le début de l’été. Un projet ambitieux visant à redonner vie à cette célèbre plage algéroise, longtemps délaissée à cause de sa proximité avec l’Oued El Harrach, tristement célèbre pour sa pollution. Qu’en est-il aujourd’hui? Les algérois se sont-ils réappropriés cet espace? Reportage.
La nouvelle plage des Sablettes a beau avoir accueilli ses premiers visiteurs au début de l’été, l’impression lorsqu’on arrive en voiture depuis Alger est encore celle de débarquer sur un chantier. Pour parvenir jusqu’au parking, il faut en effet contourner l’entrée d’une usine, avant d’emprunter un petit couloir poussiéreux bordé d’immenses tas de terre ocre. Une fois garé, la promenade qui longe le front de mer est relativement agréable et bien aménagée avec ses hauts palmiers qui, s’ils ne parviennent à couvrir le bourdonnement incessant du trafic autoroutier, en masquent au moins la vue.
En ce milieu d’après-midi caniculaire, la plage des Sablettes est noire, non pas de monde mais à cause du sable sombre et de son eau trouble. Seules quelques dizaines d’enfants se baignent, et pour cause : l’odeur des égouts est forte et la mer polluée par les eaux usées et les détritus charriés par l’Oued El Harrach tout proche. Le consortium algéro-coréen Cosider-Daewoo a entamé l’assainissement du fleuve il y a plus de deux ans, mais il lui reste encore du travail s’il veut mener à bien son projet comme prévu avant fin 2015.
“Là vous sentez déjà une forte odeur, mais moi qui ai connu l’Oued avant les travaux je peux vous dire que ce n’est rien!” assure Ali, chauffeur de taxi installé à Alger depuis plusieurs décennies. “Les produits de nettoyage sont déversés la nuit et ne font effet qu’à partir du matin,” croit savoir ce retraité à la moustache soignée, qui privilégie les endroits plus tranquilles.
Accessibilité et sécurité
Près de la plage, beaucoup préfèrent bronzer ou se reposer plutôt que de s’aventurer dans les flots obscurs. “C’est évidemment pollué par l’Oued qui arrive des quartiers populaires, mais aussi par les pétroliers qui vidangent tranquillement dans la baie,” dénonce Mouloud en pointant du doigt les nombreux cargos qui stationnent au large. L’homme, à l’allure athlétique malgré ses 41 ans, détourne rapidement la conversation pour louer la proximité des Sablettes avec son domicile de la Cité El Mohammadia, ainsi que son accessibilité. En effet, il a pu se rendre de chez lui jusqu’au bout de la jetée sans descendre de son vélo.
Une facilité d’accès également souligné par Belkacem, venu profiter de la promenade avec sa femme et ses deux enfants en bas-âge. “Nous venons ici avant tout parce que c’est sécurisé,” confie ce père de famille originaire de la wilaya de Blida, laissant ses deux bambins gambader en toute tranquillité. Il faut dire que le dispositif policier est particulièrement impressionnant, avec de nombreux agents circulant en vélo ou en quad, ainsi qu’un poste de police mobile appelé en renfort pour l’été.
Alger Médina 2016, si loin si proche
Les commerçants semblent également plutôt satisfaits de l’environnement des Sablettes, même si Amirat Abdel Hamid, qui tient un stand de bijoux en surplomb de la plage, raconte avoir été témoin d’une agression juste devant sa boutique il y a quelques jours. “Les policiers n’ont rien vu, mais vous savez c’est comme partout on ne pourra jamais complètement éradiquer la violence,” relativise le bijoutier. Celui-ci confirme que la fréquentation est nettement plus importante en soirée.
“Les gens arrivent massivement vers 20h,” précise Nacer Eddine, qui s’occupe du manège près du parking. “A partir de 18h, ça devient très difficile de se garer. Mais les gens viennent quand même pour prendre une glace ou se détendre. Plusieurs attractions sont proposées et l’ensemble est assez bien aménagé, surtout pour les fans de sport comme moi!” ajoute le jeune garçon, t-shirt à l’effigie de l’équipe de basket du Orlando Magic sur les épaules. Il regrette simplement qu’il n’y ait pas plus de douches et de toilettes -seuls deux cabanons à ces effets sont installés sur la plage.
Pour le moment les avis sont donc nuancés, mais chacun reconnaît l’énorme potentiel du site et attend avec impatience que le grand projet d’Alger Médina se concrétise. Annoncé pour 2016, il prévoit la construction quelques centaines de mètres plus loin d’un véritable quartier des affaires, avec plusieurs tours de bureaux et d’hôtels, des grands centres commerciaux ainsi qu’une immense marina qui pourrait accueillir jusqu’à 600 bateaux de plaisance. Pas sûr pourtant que le public visé soit le même que celui qui fréquente actuellement les Sablettes…