L’équipe de football d’Algérie a été dignement reçue ce mercredi après-midi à Alger, pour son retour du Brésil. Tout au long de leur défilé à travers la capitale algérienne, les hommes de Vahid Halilhodzic ont été ovationnés par des fans en délire. Reportage à Alger.
Il est environ 14 H lorsque les Verts foulent à nouveau le territoire national. Après une épopée historique en Coupe du Monde, toute l’équipe algérienne est de retour au bercail. A une vingtaine de kilomètres de là, une centaine de badauds regardent leurs héros monter dans le bus aménagé, sur lequel ils vont défiler, ce mercredi après-midi, sur l’écran géant installé à la Grande Poste. Le même écran sur lequel ils avaient vu les exploits de leurs champions. « Je suis venu malgré la fatigue du Ramadhan leur dire merci », dit un homme d’une quarantaine d’années, une boîte de kalbelouze dans les mains.
Deux jours après leur défaite face à l’Allemagne, concédée seulement durant les prolongations, les supporters des Verts ont séché leur lames. C’est un sourire franc et fier, qui se dessine sur leur visage, au moment d’accueillir les Verts.
Comme un jour d’Indépendance
Sur les balcons des immeubles haussmanniens, jouxtant la Grande Poste, les femmes font une halte dans la préparation du ftour de ce soir. Assises sur des chaises en plastiques, elles aussi attendent leur héros. Sur une terrasse à l’embouchure de la rue Didouche Morad, un homme, visage barré par une moustache et une paire de lunettes, brandi l’air joyeux un tableau blanc sur lequel il a annoté : « 1, 2, 3, viva l’Algérie. Merci à tous de nous avoir fait rêver. Vahid reste stp ». Le sélectionneur de l’Algérie est donné partant, mais ici, personne ne souhaite son départ.
Dans la foule, les enfants, qui jouissent de leurs vacances d’été, sont descendus dans la rue en grand nombre. A leur côté, des parents qui, pour la plupart, ont à peine fini leur journée de travail. « Je travaille place Audin, je me suis pressée pour me trouver une bonne place à la Grande Poste pour les voir. Aujourd’hui, c’est comme un second jour d’Indépendance », estime Zohra, 45 ans, qui a pris quartier sur les marches de la banque CPA.
Ambiance tout aussi électrique place du 1er mai. Une marée humaine a investi le rond-point et les marches de l’entrée de l’hôpital Mustapha Pacha. Ici, la circulation n’est pas interrompue mais le ballet des voitures s’amenuise au fur et à mesure que l’heure véridique approche.
« Du fond du cœur »
« J »ai fait le tour du monde pour les voir », raconte Malika, debout devant le portail du centre hospitalier, où elle travaille. « Je suis allée jusqu’à la Grande Poste mais là-bas on m’a dit que je les verrai mieux ici alors je suis revenue », continue, tout en jetant un coup d’oeil à sa montre. « Ils ont fait un peu de retard », s’inquiète-t-elle. Pour cette infirmière, il était hors de question de manquer de remercier la bande de Sofiane Feghouli. « Ils ont lavé notre honneur. C’est comme si on avait pris notre revanche par rapport à 1982. On les a quand même tenu en échec pendant plus d’une heure et demie et on a marqué un but », se réjouit Malika, derrière ses lunettes de soleil. Elle poursuit : « Je n’ai jamais attendu des joueurs. Mais eux c’est différent. J’ai souffert avec eux, joué avec eux, je les ai soutenus du fond de mon cœur ».
Si les groupes de jeunes, qui peuplent cette après-midi la place du 1er, sont des habitués de ce genre de fêtes collectives, ils ont toutefois le sentiment de vivre un moment historique, qui restera gravé dans leur mémoire à jamais. « On a vécu ce que nos parents n’ont jamais vu avant : une qualification en huitième de finale », rappelle Chafik, sorti un peu plus tôt du travail pour « dire merci aux Fennecs ». « Même si mon patron n’avait pas voulu, j’aurais pris une heure sans solde maalich », dit-il.
Et soudain un homme du haut des marches de la place croit les apercevoir : « Ils arrivent ! Ils arrivent ! » Dans le ciel l’hélicoptère confirme l’arrivée imminente des 23 joueurs et du staff technique algérien. Le grondement de l’engin sème alors la zizanie au sein de la foule présente sur la place du 1er mai. Les supporters, notamment les enfants, se mettent à courir dans tous les sens à la recherche du meilleur emplacement pour immortaliser ce défilé. « C’est eux ! C’est eux sur le toit », lance un viel homme à une dame, trop petite pour admirer le spectacle.
« Allah Akbar Halilhodzic ! »
Au loin, sur le toit du bus, ils surgissent enfin entre les barres d’immeubles obstruant la place du 1er mai. Le bus fend une haie d’honneur. Des côtés de la route, les supporters agitent des fumigènes pour déclarer leur flamme aux Verts. Des « on vous aime à mourir » fuse d’un peu de partout. Et puis le bus s’arrête à nos pieds. On les aperçoit alors tous distinctement : le regard angélique de Yacine Brahimi, le sourire éclatant de Islam Slimani, les tatouages de Abdeloumène Djabou. Ensemble, joueurs et supportent chantent comme un seul homme pour leur pays : « One, two, three, viva l’Algérie ! » Un moment furtif de communion, un bonheur pour une éternité.
Certains auront le courage, malgré la chaleur et la journée de jeûne, de rallier la place de la Grande Poste en courant afin de savourer un peu plus longtemps leurs retrouvailles avec les Verts. Ceux-là auront même le privilège de voir le Bosnien, costume sobre et chevelure grisonnante, à la tête de la sélection nationale depuis 2011, faire voler au vent le drapeau algérien. Et la foule s’exclame alors : « Allah Akbar Halilhodzic ! », « Raïs nmout aalik ! », « On vous aime ! ».