Après le violent séisme qui a secoué la région d’Alger vendredi 1er août, les autorités ont décrété plusieurs évacuations d’urgence pour des bâtiments qui menaçaient depuis longtemps de s’effondrer. Reportage à Bologhine, à une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Alger.
Des meubles, des casseroles, des jouets, des vêtements, des appareils électroménagers… Pour beaucoup c’est toute une vie qui défile pour aller s’entasser dans les bennes des camions de déménagement qui bouchent leur rue. Et pourtant, ils ne la quittent pas dans les larmes mais sous les youyous des femmes et les hourras des hommes.
Ces habitants du quartier populaire de Bologhine attendaient depuis parfois plus d’un an d’être relogés dans des habitations moins dangereuses et plus décentes. Les nouvelles fissures causées par le puissant séisme de vendredi matin n’ont fait qu’accélérer la procédure. Craignant des effondrements qui auraient à coup sûr fait scandale, le wali d’Alger et des représentants du Centre technique de la construction (CTC) et de la Protection civile se sont réunis en urgence vendredi matin pour parapher plusieurs actes d’évacuation immédiate, et se sont rendus directement sur place aux côtés du Ministre de l’Intérieur.
Aucun blessé, 60 familles à reloger
“Nous sommes satisfaits de cette décision,” déclare le président de l’Assemblée populaire communale (APC) de Bologhine, Nacer Zetar. “Je tiens à préciser qu’il n’y a eu aucun blessé dans notre ville, ainsi qu’à remercier tous les volontaires qui sont venus aider pour le déménagement,” ajoute-t-il au milieu d’une foule de voisins, de familles et de curieux, mais aussi de nombreux agents municipaux, membres de la Protection civile, policiers et gendarmes. En tout, ce sont quatre immeubles qui doivent être vidés au plus vite. Les 60 familles occupantes devraient se voir offrir un nouveau logement dans la localité de Birtouta, située à 30 Km d’Alger.
Entre prière et résignation
A Bologhine, les habitants ont vécu le séisme du 1er août comme “un avertissement de Dieu pour nous punir de nos pêchés”. La plupart n’ont pas respecté les règles élémentaires à suivre en cas de tremblement de terre et se sont précipités dans la rue. “C’est un réflexe qu’on ne contrôle pas, si on doit mourir à ce moment-là c’est simplement notre destin,” explique Karim, qui assure avoir eu moins peur qu’en 2003 lorsqu’un séisme de magnitude 7,1 [contre 5,6 vendredi] avait frappé Alger et ses environs, causant plus de 2 200 victimes, 10 000 blessés et 119 000 sinistrés. Après s’être assuré que toute sa famille était saine et sauve, le priorité du jeune homme a été de réciter la shahâda.
“C’était comme si un métro était passé juste en dessous de notre chambre,” racontent Redouane et Farid, deux pères de famille revenus de Suisse passer des vacances au bled. Là aussi leur première réaction après avoir rassuré leurs enfants, violemment tirés de leur sommeil par les premières secousses, a été de se rendre à la mosquée pour prier. “C’est plutôt comme si un gros camion avait démarré juste à côté de la maison,” commente Mohamed, qui revenait quant à lui du lieu de culte voisin après al’ Isha, la prière de la nuit, lorsqu’il a senti les murs de sa maison se fissurer.
Quid des autres logements instables?
La plupart des habitants de Bologhine sont soulagés de voir les habitations les plus instables évacuées, et bientôt démolies. Mais pour certains de leurs occupants, les ennuis ne font que commencer. “J’ai dû déménager toutes mes affaires, mais mon futur logement n’est pas encore disponible et je vais encore devoir habiter là pendant un moment,” s’inquiète une jeune femme.
D’autres prennent carrément à parti le président de l’APC en lui lançant des noms d’oiseaux : “Vous évacuez aujourd’hui quatre immeubles. C’est bien, mais qu’est-ce que vous faîtes pour tous les autres qui menacent depuis longtemps de s’effondrer?”