Le président algérien, hospitalisé à Paris depuis le 27 avril après un « AVC mineur », est apparu sur des clichés de l’agence algérienne APS mercredi. Notre correspondant revient sur le climat de tension généré en Algérie par les pesanteurs de la communication officielle.
Après 50 jours de rumeurs folles sur son état de santé et sa capacité à gouverner, le président algérien Abdelaziz Bouteflika est apparu mercredi après-midi sur des photos publiées par l’agence officielle Algérie Presse Service puis, dans la soirée, sur des images des JT de 17 heures et de 20 heures de la chaîne de télévision publique. On y voit le chef de l’Etat discuter en « off » avec le Premier ministre Abdelmalek Sellal et le chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah, et siroter un café de sa main droite tandis que la main gauche parait crispée et figée.
La veille, ces images avaient été précédées d’un bulletin de santé où était évoqué un AVC « sans retentissement sur les fonctions vitales » et une « période de soins et de réadaptation fonctionnelle en vue de consolider l’évolution favorable » de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika. Ce diagnostic, établi par ses médecins semble corroborer la gêne de mouvement apparente du président algérien. Il explique sans doute aussi pourquoi les passages diffusés de sa discussion avec son Premier ministre et le général Salah, dans son lieu de convalescence parisien, aux Invalides, étaient muets.
Deux bulletins de santé communiqués en 50 jours
Enfin, il indique surtout que si le chef de l’Etat algérien parait bien affecté par sa maladie, il est aujourd’hui dans une situation beaucoup moins grave que ce que supposaient des rumeurs d’autant plus spectaculaires qu’elles étaient accompagnées, depuis des semaines, d’appels à sa destitution. Le manque d’information pesant – deux bulletins de santé seulement ont été communiqués en cinquante jours- et l’hostilité de certains de ses adversaires politiques, qui craignent une nouvelle candidature de Bouteflika à la présidentielle d’avril 2014 et un quatrième mandat, ont instauré un climat de tension.
Dans un champ politique totalement pétrifié, certaines personnalités ont appelé à l’application de l’article 88 de la Constitution: une disposition selon laquelle le poste de président de la république est déclaré vacant après 45 jours, si le chef de l’Etat se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Le Président du Conseil de la Nation assure dès lors l’intérim, et une élection présidentielle est organisée dans les soixante jours. Sans réaction du Parlement ni du Conseil constitutionnel, des appels à l’armée ont alors été lancés pour concrétiser l’empêchement du président. Le plus direct est venu de Mohamed Mechati, membre du « groupe des 22 », qui a préparé l’insurrection de novembre 1954 contre la France coloniale. Dans un texte publié par la presse, il a demandé aux militaires « d’agir vite« : « Votre courage et votre patriotisme, dont nous ne doutons pas, doit vous faire agir vite; il y va de la survie de notre pays. Les Algériens vous en seront reconnaissants… »
Le Niet de l’armée
A cet appel au putsch, le ministère de la défense algérien a répondu par un niet à la fois cinglant et légaliste: « L’Armée, précise-t-il, dans un communiqué publié mercredi, de manière synchrone avec les premières images du président convalescent, est ‘pleinement dévouée à assumer sa noble mission dans le respect rigoureux de la Constitution et des textes de loi régissant le fonctionnement des institutions de l’Etat algérien sous la conduite de M. le président de la République, chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale' ».
Les groupes hostiles à Abdelaziz Bouteflika qui souhaitaient le voir quitter la présidence du pays immédiatement en sont pour leurs frais. Il n’y aura pas, à l’horizon immédiat, de scénario d’empêchement ni de destitution. Le président algérien a encore la main et il pourrait la garder jusqu’au terme de son mandat au printemps 2014. Sans doute le dernier en raison de la nouvelle donne générée par sa maladie. Au-delà, l’annonce d’une présidentielle plus que jamais ouverte offre le constat d’un système politique en crise et d’un fonctionnement pour le moins anomique et troublant du champ politique et des institutions. A commencer par celui de la communication officielle dont les ratages ont mis l’Algérie entière sous pression.
Lu sur L’Express.fr