Algérie : L’avenir de l’énergie est-il hypothéqué ?

Redaction

Sonatrach se débat actuellement dans de sérieuses difficultés, c’est le moins que l’on puisse dire. Elle subit aujourd’hui les pressions des compagnies internationales clientes qui veulent la pousser à baisser les prix du gaz algérien. Parviendra-t-elle à honorer ses contrats commerciaux de livraison de gaz et surtout à gagner de nouvelles parts de marché en Europe, une fois la reprise de la demande gazière dans le monde, prévue dans trois ans ?

Autres préoccupations face à ces enjeux : déclin des gisements, chute des prix du pétrole et perspectives sombres en matière d’équilibre de l’offre et de la demande bouleversé par l’émergence des Etats-Unis en tant que pays exportateur de pétrole à l’horizon 2020, suivant le dernier rapport de l’AIE.

Au chapitre des ressources du pays, les avis divergent. Pour des experts, les réserves d’hydrocarbures de l’Algérie sont en chute libre, résultat d’une exploitation intensive des gisements sous l’ère Chakib Khelil. Le patron de Sonatrach affirme, lui, que les réserves d’hydrocarbures du pays sont en légère hausse. En revanche, les avis convergent sur l’importance du potentiel algérien en hydrocarbures. En un mot, le domaine minier national n’a pas livré tous ses secrets.

C’est l’une des réponses du discours officiel face à l’affirmation par maints experts sur l’épuisement des réserves de gaz et de pétrole à l’horizon 2027-2030. Perspective avancée en raison d’une forte demande domestique en produits énergétiques enregistrée aujourd’hui, appelée à exploser d’ici à cette échéance.

Par ailleurs, l’un des reproches des experts dans le domaine de la politique du secteur face à ces contraintes est la gestion de l’existant, c’est-à-dire des gisements en exploitation ou des gisements découverts et non encore exploités. On peut faire beaucoup mieux, soutient Nazim Zouiouèche, l’ancien P-DG de Sonatrach, qui cumule une longue expérience dans l’amont, c’est-à-dire les activités d’exploration et de production. En d’autres termes, il convient d’optimiser l’exploitation de nos gisements. Réhabiliter Hassi R’mel maltraité, améliorer le taux de récupération du gisement de Hassi Messaoud, reprendre les gisements découverts et non exploités qui, avec les nouvelles technologies pétrolières, vont devenir rentables. Sur ces questions, le flou règne.

Par ailleurs, l’urgence aujourd’hui est de confirmer également le potentiel en gaz compact qui serait très important au niveau notamment des quartzites de Hamra, au sud-est du pays, et d’assurer une veille sur le gaz de schiste dont l’évolution des techniques dans dix ans pourrait lever les appréhensions en matière de coûts, d’environnement et d’usage des ressources hydriques.

En termes de stratégie, l’Algérie a plusieurs options : freiner la demande, diminuer les exportations, tabler sur les énergies renouvelables. Là, régler la question des prix des produits énergétiques devient primordial. Les prix bas actuellement, notamment des carburants et de l’électricité, sont en train de favoriser un grand gaspillage des ressources fossiles non renouvelables au détriment du principe de préservation des réserves au profit des générations futures. Là, on assiste à une position dogmatique : le chef de l’Etat refuse catégoriquement l’idée d’une hausse des prix, même progressive, des carburants et du gaz. Résultat : fuite des carburants vers les frontières, importations de carburants et frein au développement des énergies renouvelables, usage immodéré de la climatisation dans le segment résidentiel. Une situation qui deviendra insoutenable à moyen terme. Quant au rapport de l’AIE, s’agit-il d’un nouveau bluff des Occidentaux pour briser la domination de l’Opep sur les marchés pétroliers ? A première vue, l’évolution du coût du brut non conventionnel semble déterminer l’avenir pétrolier de l’Algérie et de l’Opep.

Face à ces enjeux qui engagent l’avenir gazier et pétrolier de l’Algérie, le Parlement est aux abonnés absents. Ni interpellation sur l’état des réserves et la couverture à moyen et long termes des besoins énergétiques du pays, l’avenir des contrats take or pay, la gestion du secteur. Le haut conseil de l’énergie, gelé, ne joue plus depuis longtemps son rôle d’orientation en matière de politique énergétique du pays. Un paradoxe : dans un pays où quasiment les recettes en devises proviennent du secteur des hydrocarbures, on assiste à l’absence de débat sur les questions énergétiques, à une “incommunication” sur les menaces auxquelles fait face le secteur, alors que le pétrole et le gaz appartiennent à toute la collectivité nationale. On a tendance à l’oublier.

Lu sur Liberté