« Bouteflika aurait dû renoncer au pouvoir dès 2005 »

Redaction

Professeur en sciences politiques à l’université d’Alger, Mohamed Hennad estime que le pouvoir n’a théoriquement «rien laissé au hasard» en vue de la succession de Bouteflika. Il n’exclut pas cependant que «les vents peuvent ne pas souffler dans la direction souhaitée» et qu’il pourrait y avoir «une dynamique capable de chambouler l’ordre des choses».

– L’hospitalisation du chef de l’Etat, qui est à sa quatrième semaine, fait planer sur le pays un climat d’incertitude politique. En tant que politologue, quelle analyse faites-vous de la situation qui y règne ?

Il faut se rendre compte qu’en fait, ce sentiment d’incertitude plane depuis l’hospitalisation du Président en 2005. Il n’a cessé de croître à cause des apparitions de M. Bouteflika, lesquelles sont devenues de plus en plus rares et brèves ; ce qui a prêté le flanc à toutes sortes de rumeurs. Ce sentiment d’incertitude est né d’une opacité savamment entretenue, sachant que celle-ci est de nature à porter un coup dur au moral de la nation et lui faire craindre le pire.

Décidément, l’évolution de la maladie du Président tourne au feuilleton dont les épisodes se suivent et se ressemblent ! Or, on aurait dû traiter cette affaire le plus simplement du monde étant donné que M. Bouteflika, comme tout le monde, peut à tout moment tomber malade et même mourir. Seul Dieu est éternel ! Malgré les déclarations qui se veulent rassurantes, on sent une atmosphère de fin de règne et une certaine panique dans l’air. Mais où sont nos députés et sénateurs ? L’on finira, peut-être, par se rendre à l’évidence qu’ils ne nous auront été d’aucune utilité dans cette affaire.

– Des acteurs politiques invoquent la nécessité d’appliquer l’article 88 de la Constitution pour engager une procédure d’empêchement. Selon vous, sommes-nous déjà dans une situation de vacance de pouvoir ?

Il faut souligner que cette initiative a été envisagée avant même la dernière hospitalisation du Président et je pense que ceux qui l’avaient envisagée ne l’avaient pas forcément fait pour des raisons politiciennes, mais plutôt sur la base de considérations concrètes. Ils avaient certainement des doutes quant à la capacité réelle du Président de continuer à gouverner et craignaient, de ce fait, de voir passer les leviers de commande dans les mains de clans occultes. Lors de ses dernières apparitions, on pouvait remarquer que l’état de santé de M. Bouteflika ne cessait de se dégrader. Officiellement, tout se faisait au nom du président Bouteflika, mais on ne pouvait pas s’empêcher de penser que, peut-être, rien n’était de son fait finalement. Il faut savoir que ceci est très grave pour la conduite des affaires d’un pays, notamment un pays comme le nôtre où le pouvoir est hyper-personnalisé et où l’on est encore très loin d’être rompu à l’art du gouvernement et respectueux de l’éthique que celui-ci implique.

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