Le peuple veut des noms et il est en droit de l’exiger quand c’est son argent et ses biens qui sont dilapidés.
Y a -t-il un pays dans le monde qui est épargné par la corruption? La réponse est bien évidemment non. Mais dans les limites du moralement supportable et à des degrés plus au moins décents. Car pour le cas de l’Algérie, on est amené à se demander dans quelle République sommes-nous? Le dernier rapport Transparency International (TI), publié avant-hier a donné le coup de grâce en classant l’Algérie à la 105e place parmi les 107 pays concernés par le sondage. Jamais l’Algérie, en 50 ans d’indépendance, n’a atteint un tel degré d’humiliation et d’ignominie.
La situation est d’autant plus grave et interpelle les patriotes du pays à réagir vite quand Transparency International mentionne un fait d’une extrême gravité dans son rapport: 72% des Algériens considèrent que les instances judiciaires sont corrompues, contre 67% et 62% concernant les partis politiques et le Parlement. Comment espérer asseoir les fondements d’un Etat de droit dans un pays où la justice est décriée? Comment ne pas être atterré par le comportement des députés supposés faire émerger la vérité quand ils se sont opposés à la création d’une commission d’enquête sur la corruption?
Les scandales à répétition depuis l’affaire Khalifa, à Sonatrach en «empruntant» l’autoroute Est-Ouest, étalés sur les manchettes des médias internationaux portent un sérieux coup à l’image du pays.
Une lueur d’espoir est apparue avec l’ouverture de l’enquête judiciaire par le parquet général dans le cadre de l’affaire dite Sonatrach II. D’aucuns y voyaient une occasion pour la justice algérienne de démontrer que l’appartenance à la nomenklatura n’est pas un blanc-seing et de signifier que quelle que soit leur place dans la hiérarchie, les officiels, s’il sont accusés de corruption doivent se soumettre au verdict de cette même justice. Encore faut-il que cette justice soit libre. A l’évidence, la personnalité toute désignée est Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie et des Mines. M.Khelil qui a quitté le gouvernement en mai 2010 après avoir dirigé le département de l’énergie pendant presque 10 ans, n’a jamais été inquiété par la justice pour des affaires de corruption. A ce jour, seuls des lampistes ont été condamnés dans ces affaires qui démobilisent au plus haut point les citoyens. S’exprimant, encore une fois sur ces dossiers, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, a indiqué lundi dernier, à Alger que le juge d’instruction chargé de l’affaire Sonatrach 2 «accomplit pleinement sa mission» et exerce toutes ses prérogatives en prenant plusieurs mesures. Le ministre a ajouté que «l’obligation de confidentialité ne permet pas de divulguer de nouveaux éléments dans cette affaire toutes les 24 heures».
Or, le peuple veut des noms et il est en droit de l’exiger quand c’est son argent et ses biens qui sont dilapidés. C’est avec une vieille recette et sans réelle volonté politique que les autorités algériennes ont fait croire à une lutte contre la corruption. La technique consiste à créer une multitude d’institutions de contrôle, des commissions sans lendemain. Pourtant, les institutions chargées de juguler la corruption existent pour peu que le pouvoir politique les laisse travailler. Que fait l’Inspection générale des Finances? Où sont les commissions parlementaires? Pourquoi la société civile ne s’implique-t-elle pas? Et surtout qu’est devenue la Cour des comptes, une institution dépendant de la présidence de la République, qui ne fonctionne plus depuis des années? Dans les pays où l’Etat de droit n’est pas une simple vue de l’esprit, la Cour des comptes est une institution clé et hautement stratégique. En Algérie, elle a été réduite en mode silencieux Cette institution en hibernation est censée assister le gouvernement et les deux chambres législatives (APN- Sénat) dans l’exécution des lois de finances. Ses procédures de contrôle et d´investigation, sont inspirées des normes internationales. Elle ne fonctionne plus au moment où la République se trouve en danger. Le rapport de Transparency International mentionne que d’autres institutions sont aussi corrompues y compris les médias dont la presse écrite privée.
Le phénomène a atteint non seulement les entrailles du système mais presque tous les ressorts de la société…La République est en danger.