Les chiffres des investissements publics sont astronomiques: 386 milliards de dollars cumulés pour les deux plans quinquennaux, 100 milliards pour la période 2005- 2009 et 286 milliards de dollars. L’écart entre les montants alloués et effectivement consommés est tout aussi astronomique: 166 milliards de dollars.
En dix ans, de 2004 à la fin 2013, sur les 386 milliards prévus, le montant des investissements «effectivement décaissés» par le Trésor devrait atteindre la somme de 220 milliards de dollars (15.800 milliards de dinars) dans laquelle il faut probablement inclure les «surcoûts».
L’énorme «reliquat» de 166 milliards de dollars est expliqué par Ferhane Sidi Mohamed de la Direction générale de la prévision et des politiques (DGPP), par la ‘’faiblesse des capacités de réalisation aussi bien internes qu’externes du secteur du BTPH notamment’’.
Une explication sans doute trop courte. Tout est énorme dans ces chiffres que ce soit la partie «décaissée» comme le reliquat… Mais le résultat est mince ! L’impact réel de ces gigantesques investissements publics sur l’économie algérienne avec une croissance qui est restée terne au cours de la dernière décennie devrait normalement relancer les débats et les polémiques.
Qui ne peuvent qu’être utiles sur la pertinence des politiques publiques au cours de la dernière décennie et sur la qualité des «instruments». Les allocations de ressources aux montants faramineux ont été appréhendées au début comme étant un effort de «rattrapage» en matière d’infrastructures après une décennie 90 totalement perdue pour le pays et son économie.
Les critiques de la Cour des comptes Les programmes d’investissement publics ont ainsi touché le rail, les routes, le logement, les infrastructures administratives et l’hydraulique. Les retards de réalisation et des affaires de corruption évoqués dans les médias ont déjà posé la question des conditions de réalisation des projets, leur transparence.
La Cour des comptes, elle-même, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant règlement budgétaire pour 2010, a mis en exergue des «insuffisances en matière de maturation des projets, notamment en matière d’infrastructures d’envergure telles que celles inhérentes aux secteurs des ressources en eau, des transports ou de l’habitat, qui sont pour l’essentiel à l’origine des réévaluations du programme d’équipement en cours de réalisation ».
Bref, ces «insuffisances» se tra duisent par des surcoûts et des retards. Tout est énorme dans ces chiffres. Les résultats réels sur l’économie algérienne avec une croissance qui est restée constamment mitigée malgré ces «injections » devraient relancer les débats et les polémiques -utiles – sur les politiques publiques et les qualités des «instruments » de l’Etat.
Le taux moyen de réalisation des dépenses d’investissement inscrites entre 2005 et 2014 a été jusqu’à présent de 60% seulement, a estimé Ferhane. A comparer avec les dépenses de fonctionnement qui, elles, dépassent largement les 80%.
Les dépenses d’équipements entre 2001- 2012, 15.400 milliards de DA, selon le représentant du ministère des Finances qui parle d’un «impact indéniable» sur l’activité du BTP et des services marchands dont les valeurs ajoutées respectives devraient croître en moyenne de 8% et de 7% entre 2004 et 2013.
Une politique » Keynésienne » sans la gouvernance
La croissance hors hydrocarbures a été en moyenne de 6%. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Le vrai marqueur est celui du PIB global de l’Algérie qui n’a progressé que de 3,5% au cours de la décennie.
C’est une croissance médiocre au regard des montants engagés. L’effet d’entraînement ou «multiplicateur» de ces injections massives n’est pas au rendez-vous d’autant que si les acteurs nationaux du BTP ont trouvé du «travail», le plus important a été réalisé par des entreprises étrangères. D’où la boutade significative d’un économiste : «On n’a pas construit une autoroute, on l’a importée et on importe les voitures qui roulent dessus !».
Officiellement et cela est répété par M. Ferhane, le chômage a reculé de 20 points depuis 1999 ! Mais on parle en général d’emplois précaires qui permettent de donner des «chiffres» apaisants alors que le chômage est le vecteur des contestations les plus vigoureuses en Algérie.
La croissance par la dépense publique telle que pratiquée en Algérie reste modeste et ne crée par des emplois durables. Abdelhak Lamiri, directeur de l’Insim, l’a illustré par une comparaison avec la Chine. Pour générer un dollar sur le marché algérien, il faut en investir 4 alors qu’en Chine, un dollar investi en génère 3,5.
Le discours d’autosatisfaction officiel est contredit aussi bien par le ressenti populaire – même si le métro et les trams ont amélioré pour certains leur conditions de déplacement-que par la mollesse de la croissance.
Les gigantesques investissements publics sont des dépenses sans effet d’entraînement sur l’économie. Une politique keynésienne ne peut fonctionner sans la gouvernance qui va avec. Et le problème de gouvernance est central en Algérie.
Le déficit du trésor a dépassé 20 % du PIB en 2012
Le Trésor public algérien a enregistré un déficit de 3.281 milliards de dinars (plus de 44 milliards de dollars) en 2012, soit 21% du PIB, un chiffre en hausse par rapport à 2011 mais inférieur au déficit prévisionnel, apprend-on, hier, auprès du ministère des Finances.
La loi de finances complémentaire (lfc) pour 2012 tablait sur un déficit du Trésor à plus de 4.100 milliards (mds) de dinars (DA).
En 2011, ce déficit était de 2.469 mds de DA contre 1.496 mds de DA, en 2010. Le montant du déficit enregistré par le Trésor, à fin 2012, qui représente environ 21% du PIB algérien, reste tout de même provisoire, souligne-t-on. Il était de 2.022 mds de DA, à fin septembre 2012, soit une hausse de près de 1.260 mds de DA, en 3 mois.
Le déficit du Trésor, aggravé par une hausse remarquable des dépenses de fonctionnement, en 2012, destinée à prendre en charge les augmentations salariales, résulte de l’écart entre des recettes budgétaires recouvrées, hors recettes du FRR (Fonds de régulation des recettes), à 3.876,3 mds de DA, en 2012 (+11% par rapport à 2011) et des dépenses «réelles» qui ont avoisiné 7.170 mds de DA (+22,5%), selon les mêmes données provisoires du ministère.
En 2011, les dépenses budgétaires effectives étaient de 5.853,5 mds de DA, alors que les recettes recouvrées étaient de 3.489,8 mds de DA, précise-t-on. Quelque 70% des dépenses sont dédiées au fonctionnement.
La lfc 2012 tablait sur des recettes budgétaires de 3.469 mds de DA et des dépenses de 7.745,52 mds de DA, prévoyant ainsi un déficit qui représente 28% du PIB. La loi de finances initiale pour 2012 prévoyait, quant à elle, des dépenses de 7.428 mds de DA et des recettes de 3.455,6 mds de DA, soit un déficit à 25,4% du PIB.
La loi complémentaire avait ajouté, pour l’exercice écoulé, une rallonge budgétaire de 317 mds de DA pour la prise en charge des différentes augmentations des salaires. Le Trésor public a, ainsi, décaissé 4.936 mds de DA (environ 67 mds de dollars) pour les dépenses de fonctionnement en 2012, soit près de 70% des dépenses globales, selon la même source.
Près de 2.234 mds de Da (environ 30 mds USD) ont été, par ailleurs, dépensés pour l’équipement, ajoute-t-on. Les dépenses de fonctionnement, prévues par la lfc 2012, étaient de 4.925 mds de DA, un montant qui a été ainsi consommé à plus de 100% par le Trésor.
Le solde des comptes d’affectation spéciale (CAS) s’est, de son côté, chiffré à 79 mds de DA, à la fin de 2012, contre 24 mds de DA, à fin 2011, précise la même source. Les ressources ordinaires du Trésor, constituées de toutes les recettes de l’Etat, hors fiscalité pétrolière ont, ainsi, atteint 2.357,3 mds de DA, à fin 2012, contre 1.960 mds de DA, en 2011.
Lu sur : lequotidien-oran.com