Pourquoi Abdellatif Benachenhou a-t-il démissionné deux fois du gouvernement?

Redaction

Le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE) a organisé ce lundi à Alger, avec le soutien de la Fondation Frederich Neumann, une journée d’information autour du thème de l’ «évaluation des politiques publiques ». Avec comme invité de marque l’ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou. Il a eu s’exprimer notamment sur les raisons qui l’ont poussées à quitter le gouvernement.

Interpellé par l’assistance composée de chefs d’entreprises, sur le fait de ne pas avoir agi sur certaines décisions du gouvernement, du temps où il était ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou a indiqué que s’il n’a pas pu peser de son poids sur la politique du gouvernement d’alors, c’est parce qu’il n’avait pas les coudées franches. « Je n’ai pas pu faire grand-chose. Il se trouve que ma résistance a été infiniment faible face aux dépenses excessives des décideurs de l’époque ». « D’ailleurs, a-t-il rappelé, j’ai quitté le gouvernement à deux reprises  pour deux raisons : une fois à cause d’une divergence de point de vue avec l’ancien chef du gouvernement Ali Benflis à propos de la Loi sur la Monnaie et le Crédit, et la seconde fois lorsque je me suis opposé aux financements entièrement publics de l’Autoroute Est-ouest », a-t-il révélé. Sur la politique du démantèlement tarifaire, l’ancien ministre des Finances a nié que cette démarche ait affecté le tissu industriel national « lequel n’existe d’ailleurs pas ». « Le secteur industriel a reculé non pas par la faute de la politique de démantèlement tarifaire, mais à cause de la mauvaise gestion », a-t-il plaidé. Il continue à revendiquer que la privatisation du Crédit populaire algérien (CPA) demeure indispensable. De même qu’il regrette que la Loi des hydrocarbures de 2005 n’ait pas fait l’objet de débat à l’Assemblée nationale. Pour lui, l’amendement de ladite loi a été une erreur. Selon lui, « la loi sur les hydrocarbures de 2005 était motivée par un seul objectif : celui de développer l’attractivité du secteur ». Il en appelle en outre à « une discussion sérieuse » sur le gaz de schiste. Des acteurs de la société civile sont montés au créneau pour dénoncer le choix d’exploiter ce gaz on conventionnel, un choix entériné par la loi sur les hydrocarbures 2012.

Instaurer des systèmes d’évaluation des politiques publiques

Par ailleurs, M. Benachenhou a souligné  que l’évaluation en Algérie « n’est pas un sport national », précisant que la scène (de l’évaluation) demeure « vide ». Selon lui, en dehors de certaines institutions (Office national de statistiques, Banque d’Algérie) qui font « un peu d’évaluation », à l’occasion de leurs activités internes, le reste des institutions en sont dépourvues. Les acteurs administratifs de l’évaluation sont « évanescents », estime l’orateur, tandis que les politiques sont tout simplement absents. L’exemple le plus édifiant que l’intervenant a mis en avant pour expliquer cette absence d’évaluation est le cas du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dont le budget représente 2,5% du PIB (Produit intérieur brut) national. Pour l’ancien ministre des Finances, les sphères d’évaluation sont de deux sortes : l’une publique et la seconde liée au secteur privé. Dans le secteur public, le cas de Sonelgaz est assez parlant. La compagnie nationale d’électricité et de gaz n’est pas organisée de  sorte à être évaluée, estime M. Benachenhou, dans la mesure où son directoire à sa tête Noureddine Bouterfa « possède la maitrise de la gestion mais pas la politique de la compagnie ». Celle-ci suppose, a-t-il indiqué, des prérequis qui ne sont pas à priori disponibles. En ce qui concerne le secteur économique privé, Abdellatif Benachenhou a relevé que celui-ci enregistre, certes, des bénéfices conséquents mais qui demeurent insuffisants pour juger de l’action des opérateurs privés. Et pour cause : le taux de marge reflète, selon lui, une situation « oligo-monopolistique » du secteur privé. A côté, le secteur public est mis en situation de « sparring-partner». L’ancien ministre observe que les deux secteurs public et privé enregistrent des taux de marge différents, l’un en baisse et l’autre en croissance.

Les secteurs prioritaires à l’évaluation : l’éducation et les hôpitaux.

Pour remédier, au mieux, à cette situation de quasi inexistence de systèmes d’évaluation, notamment dans le secteur public, Abdellatif Benachenhou a énuméré trois secteurs prioritaires à ses yeux. En premier lieu : l’Education notamment dans son aspect financement. Selon lui, sur les 10 dernières années l’Enseignement supérieur « a pris plus que sa part » du budget de l’Etat, au détriment du secteur de l’Education nationale. D’abord du fait que la taille du secteur de l’Enseignement supérieur (en termes d’effectifs) a explosé, mais aussi par le fait de la présence politique de l’étudiant (recours aux grèves), sans commune mesure avec celle du simple élève. L’autre priorité : le financement des hôpitaux. Lequel représente, selon l’économiste, 82% du financement global du pays. En d’autres termes, l’Etat paie pour ceux qui ne cotisent pas. « Si le chômage a baissé et que les salaires ont été augmentés, pourquoi les cotisations ne suivent pas ? » s’interroge Benachenhou. Troisième priorité : revoir à la baisse les taux des subventions de l’Etat. « Environ 5 à 6% des subventions provenant du budget de l’Etat vont au soutien des prix », relève l’orateur. Il évalue à 13% le taux des subventions explicites et implicites, en dehors du financement des hôpitaux et les budgets alloués à la catégorie des anciens moudjahidine, mais incluant le financement du logement. « On se retrouve, dès lors, dans une situation où seulement 10% de la population bénéficie de 40% des subventions ».

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