Le jackpot ! Le gros lot de fin d’année : 19,9 milliards de dollars en espèces sonnantes et trébuchantes. Fabuleuse cagnotte — équivalent à 9,6% du produit intérieur brut — que devront payer en cette année 2014 les Algériens à leur défense et sécurité. La rançon de la paranoïa d’Etat.
Qu’importe le défi cit «retrouvé», le premier depuis plusieurs années, de la balance des paiements (rapport du gouverneur de la Banque d’Algérie) où les besoins sociaux sont énormes, les départements régaliens de la Défense et de l’Intérieur voient exploser leurs budgets de fonctionnement : 12,7 milliards de dollars pour la Défense nationale, 7,2 milliards de dollars pour l’Intérieur.
A eux seuls, ces deux budgets cumulés captent plus de 36% des fonds alloués au fonctionnement des ministères de la République. Quid du contrôle de cette manne fabuleuse ? Cache-t-elle une course à l’armement ou est-ce le budget extensible de la professionnalisation de l’armée, «rattrapage» pour les années d’«embargo» ? Tentative d’éclairage.
CE QUE L’ARMÉE VEUT…
Bal des offusqués à l’APN. Mercredi, 30 octobre. Débats à quelques annéeslumière des derniers Parlements démocratiques de part le monde, tatillons sur le petit sous dépensé par l’armée. Répliques d’anthologies entendues ce jourlà à l’Assemblée nationale : «Personne n’a le droit d’émettre une quelconque critique sur les dépenses de l’armée.
Car quel que soit le volume de ses dépenses, celles-ci ne seront pas vaines.» «L’armée a le droit de prendre l’argent qu’elle veut (…) parce que l’armée rend d’énormes services à la nation», etc.
La paire Miloud Chorfi- Tahar Khaoua, chefs des groupes parlementaires du Rassemblent national démocratique et du Front de libération nationale, sait d’instinct se mettre au garde-à-vous, sonner la charge violente contre tous ceux qui osent chatouiller la «grande muette» ou évoquer son budget exponentiel. Mercredi 30 octobre.
Crime de lèse-majesté dans l’hémicycle Zighout Younès, siège de l’Assemblée nationale. Dans un silence de cathédrale, de gêne perceptible, le chef du groupe parlementaire du Front des forces socialistes, Chafaâ Bouaïche, égraine son long chapelet de griefs contre le projet de loi de finances 2014 appelé a étre adopté par un «Parlement qui ne dispose pas des moyens pour exécuter sa mission de contrôle de l’Exécutif».
«Que dire d’une loi de finances dont le budget de la Défense a triplé depuis 2009 ? Et sans qu’aucune raison ou justification ne soient avancées.» «Cette course à l’armement prendra-t-elle fin ?» s’interroge Bouaïche. «12,7 milliards de dollars de budget de fonctionnement, qu’en estil du budget d’équipement ?» Malaise dans les travées. Les visages crispent à l’évocation du sujet «tabou».
Car, ici, au temple portant le nom du héros Zighout Youcef, gît le contrôle parlementaire : tout ou presque est sujet à débat sauf les corps constitués et leurs budgets. «20 milliards de dollars pour la Défense et l’Intérieur, c’est le budget de la moitié des Etats du continents africain», observe Abdelghani Boudebouz pour qui la sécurité et stabilité des pays ne se construisent pas avec des «dépenses excessives».