Revue de presse. 3G : les secrets d’un report

Redaction

Lu sur L’Expression 

La 3G une arme?

Les autorités auraient pu faire de la 3G un instrument très efficace pour mettre en évidence les grandes réalisations du pays.

Nouveau rebondissement dans le feuilleton 3G! Après avoir franchi toutes les étapes pour son lancement, les autorités marquent le pas et trouvent une dernière parade pour la bloquer.

L’excuse officielle? La non- signature du décret exécutif d’octroi des licences définitives aux trois opérateurs! Mais tout le monde a compris que les vraies raisons sont ailleurs. Selon une source gouvernementale proche du dossier, «le lancement risque d’être retardé encore une fois pour ne se faire qu’après la présidentielle de 2014».

La même source ajoute que «le gouvernement fera tout pour que la 3G ne soit pas lancée avant la présidentielle ou alors retarder au maximum ce lancement», affirme, sans ambages, notre source. Notre source est formelle, les autorités avaient une volonté réelle de lancer partiellement cette 3G le 1er décembre 2013. «Ils avaient tout prévu, un lancement qui se fera en douceur la première année avec seulement quatre wilayas couvertes totalement par les trois opérateurs. Des prix qui ne seraient pas à la portée de tous, l’obligation d’acquérir de nouvelles puces…Bref, un lancement en ‘péridurale » qui aurait sauvé les apparences sans être une menace», assure notre interlocuteur. Toutefois, il affirme que deux événements majeurs ont changé la donne! Voici donc le récit de ce qui a fait que cette 3G soit mort-née…

Le premier élément est le fait que la concurrence était tellement rude entre les trois opérateurs qu’ils ont développé leur réseau 3 G à une vitesse grand V. «Il n’était pas attendu qu’ils réussissent autant dans un aussi bref délai», souligne la même source. «En plus, cette concurrence a fait que les opérateurs allaient proposer des offres à tarifs réduits, ce qui aurait mis cette technologie à la portée de tout le monde…Et c’est la dernière chose que souhaitent les responsables», ajoute-t-elle. Néanmoins, malgré la crainte engendrée par cet élément, «il n’a jamais été question d’un report ou d’une annulation», nous révèle la source. Cela c’était avant! Mais à quelques semaines du lancement officiel, il y a eu le fameux épisode «Sellal» et les réseaux sociaux.

Il faut une digue à ce raz-de-marée

Le Premier ministre était devenu la star de la Toile. «La vitesse avec laquelle s’est faite cette campagne et le nombre de postes, de statut et d’internautes qui ont adopté ce qu’ils appellent la fakakir attitude » a renforcé la peur et la répulsion des autorités pour l’Internet en général et pour la 3G, en particulier.» On croit savoir que les autorités ont tenté de répliquer à ce qui se colportait sur le Net par rapport au Premier ministre. Plus encore, les autorités auraient même acheté des spots publicitaires sur Facebook pour retracer le brillant parcours du Premier ministre et surtout mettre en évidence ses grandes réalisation, dont le fait d’avoir étanché la soif des Algériens par les 66 barrages construits alors qu’il était ministre des Ressources en eau. «En vain! Tout ce que dit Abdelmalek Sellal est scruté par les internautes qui le reprennent aussitôt. Ce qui a déplu…», atteste notre source. «Ils ont vu l’incroyable flux avec lequel se propage l’information dans ce monde merveilleux du Net et que la majorité de nos responsables ne maîtrisent pas.» Un véritable raz-de-marée qui nécessite une digue solide. Il fallait fermer la vanne.

«Nos responsables ont tout de suite vu l’impact de ce genre de campagne.» De la nitroglycérine, une véritable arme de guerre entre les mains de Monsieur Tout-le-monde. Après, cet épisode ce sont les mauvais souvenirs du printemps arabe qui sont remontés à la surface. L’utilisation des réseaux sociaux et de la 3G dans ces «révoltes». Il y a également la fraude qui a émaillé les examens du Bac cette année 2013 et la fameuse vidéo montrant en direct le bourrage des urnes aux élections locales de 2012 à Tébessa. Ces pratiques étaient jusque-là une légende urbaine dont tout le monde en parlait, mais personne ne les avait vues. Jusqu’au jour où les téléphones portables ont été équipés de caméras vidéo et que YouTube a fait son apparition.

L’image et le son ont fait le reste. Ce qui n’était que des discussions de café, a fini par se confirmer et devenir une réalité filmée en son et en images. Et comme par enchantement, apparue sur nos écrans! Cette situation a fait que pour les autorités, la 3G est une arme de destruction massive entre les mains du peuple. Il faut donc le désarmer, avec ce blocage, pour maintenir l’ «ordre» public!

La 3G est un atout, et non une menace…

Ainsi, la 3G n’est certainement pas pour demain en Algérie, en tout cas pas avant l’élection présidentielle de 2014.

Car, finalement, nos dirigeants ont compris combien ce moyen de communication peut ruiner tous leurs «projets politiques»…Mais en vérité, rien ne sert de bloquer, il faut s’adapter et utiliser cette «menace» en notre faveur.

Le président Obama a été élu en utilisant les nouvelles technologies. Le président américain a gagné la bataille de la Toile pour se retrouver à la Maison- Blanche.

D’ailleurs, une grosse partie de l’argent de sa campagne a été récoltée dans la bataille numérique. On évoque la somme de 35 millions de dollars. Bref, tout cela pour dire que ces réseaux sociaux et cette 3G auraient été un atout majeur pour nos autorités durant la prochaine présidentielle, s’ils étaient utilisés à bon escient. Surtout que malgré lui, le Premier ministre a réussi un terrible pari sur le Net.

Les spécialistes les plus avertis affirment, en effet, que l’objectif de chaque internaute est de savoir créer le «buzz».

En effet, l’épisode de Abdelmalek Sellal avec les réseaux sociaux a fait de lui une véritable star du Net. Il a même eu un langage qui lui est dédié. Aussi banal que cela puisse paraître aux profanes, le challenge est grand. Il n’est pas facile de faire des buzz à chaque intervention. C’est un privilège réservé aux utilisateurs les plus aguerris du Net. Selon des experts américains, cette notoriété acquise sur les réseaux sociaux à cause des «bourdes», peut facilement être utilisée pour des actions sérieuses vu que désormais tout le monde le suit…Il peut par exemple, en quelques minutes, créer des comptes à son nom ou au surnom qu’on lui attribue qui sont devenus des mots-clés pour la recherche. Et hop, il poste des vidéos de ses discours, de ceux de son gouvernement, du Président, de ses réalisations…En quelques minutes, c’est des milliers de personnes qui les regardent. La communication sur les réseaux sociaux est complètement différente de la communication traditionnelle. En fait, sur la Toile, l’objectif est de faire le buzz par tous les moyens. Et quand on n’a pas les moyens financiers nécessaires, il faut penser au système D, qui est un mot ou une phrase qui fera parler de vous. Il faut avouer que Sellal le réussit très bien. C’est son service. Le sillon ainsi tracé, ses conseillers, son équipe de communication se devait d’agir, sauter sur l’occasion, la happer, la retravailler et en faire un bijou de com. Toujours, aux Etats-Unis, lors des dernières élections, Mitt Romney, qui avait vu la bataille du Net lui échapper avait tenté de faire le buzz avec la fameuse «bourde» des hublots de l’avion qui ne s’ouvrent pas. Qui croirait qu’un politicien comme lui qui a pris l’avion dans sa vie plus que la voiture, pose une telle question. Mais sur la Toile, cela avait fait grand bruit et fait beaucoup parler du candidat. On peut aussi citer l’histoire du costume blanc du ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls, pour sa première sortie sur le terrain. Ce costume de cérémonie a fait le buzz pendant des mois. Valls a tout d’un coup volé la vedette à tous ses confrères. Quelques semaines plus tard, l’un de ses proches avoue à la presse que ce costume avait été porté pour faire le buzz et avoir en premier sa marionnette dans les Guignols…

Messieurs, rien ne sert de bloquer. Le monde a changé, adaptez-vous avant que cela ne soit trop tard…Les jeunes vous regardent.