Lu sur L’Expression
52 ans d’indépendance! Deux tiers de la vie d’un homme. Pour un pays et pour une nation c’est juste le temps d’un clin d’oeil. Le 5 Juillet 1962, c’était hier. C’était hier, 9 millions d’individus ont fêté, à l’époque, comme des fous, la libération du pays arrachée après 8 années de guerre et un million et demi de martyrs. 9 millions d’individus qui, une fois la fête passée, devaient penser aux lendemains. 9 millions d’Algériens colonisés, un siècle et demi, devaient réapprendre à vivre et à exister. Plus facile à dire qu’à faire. Le pays était entièrement paralysé par le départ subit des colons qui étaient seuls aux manettes de son fonctionnement. 9 millions d’Algériens analphabètes. Pas d’instituteurs. Pas de médecins. Pas de fonctionnaires. Rien de rien. La liberté était là mais il fallait affronter l’impossible. Les colons avaient parié que nous les supplierions de revenir. Après la guerre de Libération, se posait le défi de la reconstruction. D’une double reconstruction. La reconstruction physique du pays (écoles, hôpitaux, routes, logements, usines, etc.) et la reconstruction psychique de l’Algérien. Une deuxième reconstruction dont on ne parle guère, mais qui a été entamée depuis une quinzaine d’années. Non, il ne s’agit pas de ce fameux «investissement humain» que tout le monde utilise au chapitre des «ressources humaines». Il ne s’agit ni d’emploi ni de travail. Il s’agit de réémergence de l’être humain à la vie. Tout simplement. Pendant toute la durée de la colonisation, l’Algérien n’avait pas d’existence reconnue dans son propre pays. Il était l’indigène que la colonisation avait réduit à une condition infrahumaine. Il était contenu à l’arrière-pays, loin de la bande côtière, de cette «Algérie utile» que les colons s’étaient exclusivement réservés. 9 millions d’Algériens qui n’avaient pour prénoms que «Moukhamed» pour les hommes, «Fatma» pour les femmes et «Yaouled» pour les enfants. Un siècle et demi de cette vie inhumaine ne pouvait pas être sans laisser des séquelles une fois l’indépendance recouvrée. Il paraissait impossible, cependant, d’affronter un tel problème car il y avait plus urgent et de plus il n’y avait aucun moyen, ni humain ni matériel, pour y faire face. Alors on a paré au plus urgent. A l’instruction. A la santé. Etc. Ce qui n’était pas une mince affaire. Le pari a été relevé puisque les colons attendent toujours «l’appel à l’aide». 52 ans après, les universitaires se comptent en millions en Algérie. Les logements neufs distribués gratuitement aussi. L’Algérien mange à sa faim et vit plus longtemps. Et depuis peu, l’Algérien commence à guérir des séquelles psychologiques infligées par la longue et barbare colonisation. Il ne parle plus la tête baissée. Il a de moins en moins le regard fuyant. Laissé timoré par une atroce domination étrangère, 52 ans après, il est de plus en plus audacieux. Il présente tous les signes d’une reprise de confiance en soi. D’une pleine assurance de ses capacités. Il pousse de plus en plus loin ses performances. Comme il l’a fait au Brésil. En sport comme en culture, l’Algérien s’éclate. Aujourd’hui se produira, à l’occasion de cette célébration, l’orchestre symphonique avec 160 musiciens, tous algériens y compris le chef d’orchestre. Qui l’eut cru, il y a 52 ans?
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