Lu sur L’expression
L’Algérien déboursera au minimum 35.000 dinars, cette année, pour acheter le mouton de l’Aïd.
Ceux qui avaient misé sur la baisse du prix du mouton se sont complètement plantés. Si en 2012, des Algériens chanceux ont pu se le procurer en ne déboursant que 25.000 DA, en moyenne, pour cette année, en revanche, il n’est pas sûr qu’ils l’achètent à moins de 30.000 DA.
Bien que deux semaines nous séparent encore de la fête de l’Aïd, des points de vente sont organisés un peu partout pour satisfaire la demande estimée à plus de 3 millions de têtes.
Une activité très lucrative qui a aiguisé l’appétit des maquignons et profiteurs de tous bords qui n’ont pas hésité à fouler aux pieds les règlements en vigueur pour s’adonner à ce commerce. Alors que les pouvoirs publics ont dressé une liste des marchés et endroits réquisitionnés pour la vente de moutons, ces débrouillards, comme les affublent certains, ont passé outre la consigne, en se hasardant avec leur troupeau même à l’intérieur des grandes villes.
D’aucuns ont loué pour la circonstance, qui un garage, qui une habitation en construction pour tenter de contourner la loi.
Le comble, des commerces dans la commune d’Alger-Centre avaient été détournés de leur vocation, l’année dernière, en se transformant en locaux à bestiaux. Peu importe si des voisins sont indisposés à cause, notamment, des odeurs qui en sortent. Pour les vendeurs, l’argent n’a pas d’odeur et tous les moyens sont bons pour le gagner.
Rencontré, hier, dans une petite ruelle située dans la localité de Belfort, un vendeur comme on en voit partout, à l’approche de l’Aïd, propose des moutons à différents prix, précisant que le moins cher est à 35.000 DA.
Posté de l’autre côté de la route pour mieux surveiller le troupeau composé d’une quinzaine de bêtes, il attend, désespérément un acheteur pour «inaugurer la journée.»
A l’inverse, au niveau du marché à bestiaux d’El Harrach, l’animation est plus fébrile. Pour attirer les clients, des vendeurs ont squatté le terrain vague alentour où moutons et sachets en plastique usagers, poussés par le vent, se disputent l’espace. Installé juste sous le pont menant vers la ville pour s’abriter du soleil et de la chaleur torride qui sévit en ce début du mois d’octobre, un jeune vendeur attend de nouvelles offres, soulignant que les 58.000 DA que des clients lui avaient proposés pour l’achat d’un mouton étaient insuffisants.
Selon lui, «ces moutons issus de la région pastorale de Mechria valent beaucoup plus.» Lorsque nous lui avons fait remarquer qu’un des moutons exposés à la vente était différent des six autres, il a trouvé, aussitôt, la parade. «C’est vrai qu’il est différent, mais il n’a que quatre ans et sa viande est très tendre.
D’ailleurs, tous pèsent plus de 40 kg», a-t-il confié. A supposer que leur poids atteigne ou dépasse ce seuil, à combien reviendrait, au total, le prix du kg de mouton.
Le calcul est simple. Pour un mouton de 60.000 DA et pesant 40 kg, le prix de revient au kg est de 1500 dinars! Soit un prix nettement supérieur à celui affiché actuellement au niveau de la plupart des boucheries. Installé à quelques mètres de là, un vendeur refuse le prix de 45 000 DA proposé par un client, criant à tue-tête qu’il était perdant s’il le vendait à ce prix. Après quelques minutes de palabres, ils sont parvenus à se mettre d’accord.
En témoignage de sa bonne foi, l’acheteur lui a ajouté 500 dinars en guise de «pourboire.».Qu’à cela ne tienne, les prix affichés ailleurs sont pratiquement les mêmes, sinon supérieurs à l’instar de ce maquignon qui a élu refuge dans un garage dans la commune de Hussein Dey et qui propose des moutons entre 70.000 et 90.000 DA.
Des prix jugés trop excessifs qui découragent même les hauts salaires. «Je l’avoue même, avec les salaires de mon mari qui est cadre dans un ministère et le mien, on ne peut pas se permettre un mouton à 70.000 DA», nous confie cette femme. Que dire alors des smicards, sinon qu’ils sont condamnés et qu’ils ne comptent que sur l’aide des voisins pour goûter au mouton de l’Aïd. Certains ont trouvé un compromis. N’ayant pas les moyens financiers pour s’acheter un mouton, ils se sont rabattus sur le boeuf en s’associant avec d’autres collègues de travail ou des voisins pour passer la fête.