Lu sur Jeune Afrique
Laurent Touchard travaille depuis de nombreuses années sur le terrorisme et l’histoire militaire. Il a collaboré à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis. Il revient cette semaine sur la très forte hausse du budget de la défense algérienne.
Intervention occidentale contre Kaddafi, instabilité dangereuse en Libye, menace terroriste en Tunisie, guerre civile en Syrie, guerre au Mali, prise d’otages massive d’In Amenas, résilience des groupes jihadistes dans le Sahara, prise d’otage massive de Nairobi, « terrobanditisme » aux frontières… La litanie des crises ne cesse de s’allonger sur le pourtour méditerranéen et dans de nombreux pays en Afrique. L’Algérie, qui s’affirme chaque année davantage en puissance régionale, observe attentivement ces événements. Elle jauge les menaces potentielles (ou fantasmées) afin de les anticiper plutôt que de les subir. La mesure la plus emblématique de cette logique porte sur un budget de défense, une fois encore, en augmentation. Le projet de loi de finance 2014 présenté le 28 octobre 2013 et adopté le 12 novembre, mentionne 12,45 milliards de dollars de crédits pour le ministère de la Défense soit plus d’un milliard de plus qu’en 2013.
Si un gel des dépenses militaires à partir de 2017 est parfois évoqué, pour l’heure il n’en est rien : l’acquisition de nouveaux matériels et la modernisation des forces se poursuit. Et sur ce marché toujours florissant, les industries d’armement russes ont le vent en poupe : la résolution de Moscou dans la crise syrienne, démontrant par les faits que les Russes ne lâchent pas (plus) leurs alliés, n’y est pas pour rien…
Une flotte à prendre au sérieux
Les forces navales sont les premières bénéficiaires de ces dépenses : le contrat ferme pour deux Kilo 636M est sur le point d’être signé. Sitôt opérationnels, ces sous-marins s’ajouteront alors aux quatre autres Kilo (dont deux modernisés récemment). Rappelons qu’un autre gros contrat, d’une valeur de 2,86 milliards de dollars a été signé en 2012 avec le groupe Thyssen Krupp Marine System (TKMS) pour la construction de quatre frégates Meko A200. Contrat qui inclut également l’assemblage de deux des frégates dans un chantier naval national, six hélicoptères Super Lynx et la formation des équipages.
Le déséquilibre entre les navires de combat et les navires de soutien nuira aux capacités océaniques de l’Algérie.
En Chine ont été commandées trois corvettes C28A. Des radars et équipements électroniques de chez Thales seront montés en Algérie. Par ailleurs, en 2015, entrera également en service un bâtiment de projection de type San Giorgio. En cours de construction en Italie, celui-ci pourrait mener des opérations amphibies, de soutien logistique, voire servir de plate-forme anti-sous-marins avec des hélicoptères dédiés. Enfin, Alger réfléchit à l’achat de quatre dragueurs de mines, qui sortiraient eux aussi des chantiers italiens. À l’horizon 2017, plus que jamais, la flotte algérienne devra être prise au sérieux en Méditerranée : dotée de moyens modernes pour des missions diversifiées, avec les moyens financiers pour s’entraîner. À noter cependant un déséquilibre entre les navires de combat et les navires de soutien. Déséquilibre qui nuira à ses capacités océaniques.
Montée en puissance régulière des forces aériennes
L’aviation et la défense aérienne profiteront également des investissements en hausse : hélicoptères Mi-28NE, hélicoptères de transport lourd Mi-26. Par ailleurs, le pays envisage de remplacer ses gros porteurs Il-76 par 4 ou 6 appareils de capacité équivalente ou supérieure, ainsi que l’acquisition d’avitailleurs. L’un et l’autre représentent des moyens stratégiques indispensables pour des déploiements et des interventions en-dehors du pays (l’Algérie ayant exprimé son intérêt pour la brigade d’intervention rapide voulue par l’Afrique du Sud).
L’achat de nouveaux appareils offensifs est également au programme : le Su-34 est fréquemment cité en remplacement des Su-24 Fencer. Un problème se poserait alors : la cadence de fabrication de ces bombardiers au profit de l’aviation russe est des plus lentes. La Russie serait-elle en mesure de satisfaire ses exigences en matière de défense tout en honorant d’éventuelles commandes étrangères de Su-34 ? Côté chasseurs-bombardiers, l’hypothèse d’une acquisition de Rafale est désormais invalidée.
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