Revue de presse. Cocktails Molotov, épées, couteaux… Guerre des gangs à Baraki

Redaction

Lu sur Le Soir d’Algérie

Hier, la cité Mihoub, dans la ville de Baraki, respirait le calme, un calme tout ce qu’il y a de précaire tant la tension demeure intacte après une nuit de dimanche à lundi mouvementée, qui a vu, enfin, les éléments de la Gendarmerie nationale intervenir.

Une intervention de la force publique que les habitants de cette cité de 568 logements, du moins ceux rencontrés hier, à la mi-journée, saluent et regrettent en même temps. Regret car elle s’est fait vraiment désirer, comme le souligneront nos nombreux interlocuteurs des deux «camps», mettant le doigt sur la passivité, voire l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard d’une situation qui aurait pu dégénérer.

Ceci quoique le décor qu’offre le bâtiment qui sépare les belligérants renseigne sur la gravité de cette situation qui a trop duré pour avoir commencé trois jours après la fête de l’Aïd el Kébir. Des parties de façades noircies par la fumée des pneus brûlés, des tôles servant de paravents à des chefs de famille, même décor dans d’autres endroits, théâtre des terribles scènes d’horreur que la cité a connues ces derniers jours.

Une véritable guerre de gangs où un arsenal diversifié a été utilisé de part et d’autre, des épées, des couteaux de divers calibres, des cocktails Molotov, des pierres,… Les gendarmes qui ont assiégé la cité, dans la nuit de dimanche à lundi, ont mis la main sur cette armada d’armes et interpellé une vingtaine de jeunes, issus des deux camps.

Des jeunes, apprend-on sur place, dont la plupart traîne des antécédents judiciaires, quoique, comme tiendra à le regretter un sexagénaire, un certain Abdelghani, a été «injustement» embarqué, lui qui ne faisait, selon notre interlocuteur, que «tenter de dissuader des jeunes qui se retrouvent chaque soir dans l’un des nombreux locaux inoccupés de la cité, mitoyen de son domicile familial». Des jeunes qui devaient être traduits hier devant la justice, at- on appris sur place.

Cela dit, la question qui taraude bien des esprits est le pourquoi de cette récurrente vague de violence qui émaille certaines de ces nouvelles cités. Et les réponses n’ont pas tardé à fuser de certains de nos vis-à-vis qui se rejoignent sur un seul constat sur lequel le Premier ministre avait mis le doigt à maintes reprises lors de ses sorties dans les wilayas.

«Que peut-on bien attendre d’un jeune désoeuvré qui habite une assez grande cité comme la nôtre ?» s’interroge un jeune à la barbe quelque peu hirsute pour qui cette oisiveté ne peut que déboucher sur des «vices aussi nombreux que diversifiés», dont la violence verbale et ensuite celle physique à l’encontre du voisinage, poursuit-il, dont le cadre même de la cité incite à cela.

Les locaux, sis au rez-dechaussée des immeubles, au nombre incalculable, non affectés, servent pour certains d’entre eux, de lieux où des jeunes de la cité joints par des amis d’autres quartiers, s’adonnent à toute sorte de vice : vin, drogue et tutti quanti. Et souvent dans une «ambiance électrique à vous obliger de vous renfermer chez vous», témoigne encore notre interlocuteur.

D’ailleurs, renchérit un autre, ce sont les habitants eux-mêmes qui ont procédé à la mise sous scellés de ces locaux, source de tous les maux sociaux. Des locaux dont on regrette la nonaffectation aux jeunes de la cité dont les habitants sont obligés de se déplacer jusqu’en ville pour la moindre baguette de pain ou un sachet de lait.

Et ce quadragénaire, fonctionnaire dans une banque et sportif à ses heures perdues, met le doigt sur deux paramètres ayant, à ses yeux, provoqué et alimenté ces guerres en cité urbaine. Il y a d’abord, dit-il, le manque criant, pour ne pas dire absence totale d’infrastructures d’accompagnement de ces cités dont les structures de loisirs pour les jeunes.

Ensuite, la promiscuité au sein même des familles dont certains chefs dégagent toute responsabilité quant aux actes de leurs enfants souvent dehors. Et à notre banquier d’évoquer, enfin, cette caractéristique des opérations de recasement et de relogement. En effet, les relogés sont compartimentés dans les nouvelles cités selon leur site d’habitation d’origine.

Un phénomène à l’origine de ces conflits à n’en point finir entre ces «communautés » dont certaines se croient plus légitimes que d’autres. Comme c’est le cas dans cette cité de Baraki où «cohabitent» depuis 2010, les habitants de Chaâba, quartier de Sidi M’hamed, en plein coeur d’Alger, ceux de «Kaboul» et de la Carrière de Baraki.

«L’idéal aurait été de mélanger tout ce beau monde, seule manière, préconise notre interlocuteur, de venir à bout de ces réflexes d’un autre âge selon lesquels certains ne peuvent postuler à habiter dans une cité quelconque au motif qu’ils ne sont pas de cette ville.»

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