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Rares sont les événements qui déclenchent des passions aussi fortes et aussi folles que le football. On peut le déplorer, on peut trouver cela excessif mais cela n’y changera rien. Dans de nombreux endroits du globe (même des pays comme la Chine ou l’Inde y viennent), le ballon rond possède un puissant pouvoir de séduction et de mobilisation.
Il fait entrer les foules en transes et provoque des communions populaires qui, par leur ampleur, dépassent les antagonismes sociaux et politiques. A l’inverse, en cas de défaite ou de débordements des supporters, il peut aussi engendrer des drames et générer des polémiques nationales presque toujours révélatrices de l’état d’un pays.
Le foot et ses grandes messes sont des marqueurs de mémoire. En Algérie, qui peut avoir oublié les liesses de juin 1982 (victoire contre la RFA au « mundial » espagnol) ou de novembre 2009 (victoire contre l’Egypte en match de barrage pour le mondial sud-africain de 2010) ? En France, le 12 juillet 1998, jour de la victoire des Bleus contre le Brésil en finale de la Coupe du monde, fait partie des ces dates que l’on aime à rappeler ne serait-ce que pour raconter comment elle fut vécue et où l’on était quand Zinedine Zidane a scoré à deux reprises.
Souvent, d’étranges clins d’œil entourent ce sport. Le 18 novembre 2009, l’Algérie et la France se sont qualifiées le même jour pour l’Afrique du sud. Quatre ans après, le mardi 19 novembre, le même scénario s’est répété avec un timing identique. D’abord l’Algérie puis, moins de deux heures plus tard, la France. Dans les deux pays, de la joie, du soulagement, des chants, des hymnes et des drapeaux brandis.
Bien entendu, la récupération politique n’est jamais loin. Quoi de plus tentant que d’essayer de profiter de l’euphorie générale pour redorer son image ou pour faire diversion en reléguant à l’arrière-plan les vrais problèmes du quotidien. De fait, il ne sert à rien de dire que « ce n’est que du foot ». On le sait, et c’est ainsi, le sport-roi n’est pas que cela. Comme l’a dit, non sans exagération, Bill Shankly, l’ancien entraîneur écossais de Liverpool, « le football n’est pas une question de vie ou de mort. C’est bien plus ».
Mardi matin, tout aussi concerné par le match de l’Algérie que celui de la France, j’étais habité par l’inquiétude justement en raison de l’importance extra-sportive de ces rencontres. Je voulais, j’espérais la qualification française même si cela me paraissait impossible. Bien sûr, cela fait plus de six ans que cette équipe me déçoit en raison du mauvais comportement de ses joueurs (je n’oublie pas non plus les dégâts occasionnés par le « management » particulier de l’ex-entraîneur Domenech). Mais, dans le même temps, il était évident que ce pays où je vis avait un besoin urgent d’une bonne nouvelle.
Il fallait aussi une qualification des Bleus pour déjouer, non pas un complot, mais la sinistre machinerie qui commençait déjà à se mettre en place. De l’extrême-droite à la droite dure en passant par quelques chroniqueurs aigris payés pour jeter de l’huile sur le feu, on voulait une élimination de l’équipe de Deschamps pour ressortir le discours, désormais bien rodé, à propos d’une équipe composée de joueurs ne respectant pas le drapeau français.
Plus insidieux encore, ce marigot nauséabond espérait aussi une qualification de l’équipe algérienne. Non pas par algérophilie soudaine mais par calcul politique : on imagine aisément la nature des commentaires et des analyses des experts appointés si jamais seuls des drapeaux algériens avaient été brandis sur l’avenue des Champs-Elysées par de jeunes binationaux… Voilà pourquoi la qualification française a été critiquée par Lionnel Lucas, ce député-dépité (UMP) ne supportant visiblement pas que des joueurs aux origines (et confessions) diverses puissent être enfin soudés et faire chavirer de bonheur un pays tout entier.
Concernant l’Algérie, je ne pouvais, là-aussi, que souhaiter la victoire des Verts (de grâce, cessons de désigner nos joueurs par ce surnom stupide de fennecs). Je fais partie de cette génération qui continue de rêver aux exploits des Belloumi, Madjer, Assad et autres Dahleb, Merzekane ou Fergani mais je ne demande pas mieux que de vibrer encore grâce à du beau jeu à l’algérienne (ce qui, il faut être honnête, est loin d’être le cas depuis le début des années 1990). Et j’espère que l’Equipe nationale (EN) nous transportera de joie en juin 2014 et qu’elle nous fera oublier sa triste et insipide prestation sud-africaine.
Mais ce qui me pose problème, c’est l’inévitable récupération politique de cette qualification. Je vais donc être clair à ce sujet : oui, et mille fois oui, à cette quatrième qualification à une Coupe du monde de football de l’EN. Non, et mille fois non à un quatrième mandat pour le président Abdelaziz Bouteflika. Sur le terrain, c’est la jeunesse algérienne qui a fait la différence. C’est à elle, à son talent, à son engagement (et à son coach Vahid Halilhodzic) que l’on doit la qualification. Et c’est aussi à la jeunesse algérienne de faire enfin entrer notre pays dans le 21ème siècle.
Il y a quelques temps, l’actuel président avait déclaré – à la grande satisfaction de nombre d’Algériens – qu’il était temps que sa génération passe la main. Ce n’est pas parce qu’une cour de flagorneurs (et de calculateurs) est prête à tout avaler – et un quatrième mandat est une plat qui me paraît bien indigeste – qu’il faut remiser la revendication du changement et de la rupture…
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