Revue de presse. Hommage limité sous fond de polémiques pour les 100 ans d’Albert Camus

Redaction

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Lu sur Huffington Post

Une incompréhension, un malentendu. Les célébrations autour du centenaire de la naissance d’Albert Camus, le 7 novembre 1913 en Algérie, ne seront ni « nationales » ni menées par le Ministère de la culture et de la communication. La faute à une série de mésententes.

Interrogée par l’AFP, Aurélie Filippetti qui se déplacera vendredi 8 novembre à Lourmarin où l’auteur est enterré, qualifie Camus d’humaniste avant tout. « Je crois que ce qui est beau chez lui pour les jeunes générations, c’est quelque chose qui peut être appliqué à soi-même et en même temps donner un élan collectif ». L’élan collectif pour célébrer l’écrivain est lui porté disparu.

Celui qui rend le plus hommage à Albert Camus, c’est finalement… Google qui a créé un de ses célèbres « doodles » pour l’occasion:

camus doodle

Travail de mémoire

Contacté par le HuffPost, Agnès Spiquel, présidente de la société des études camusiennes qui a collaboré à l’édition des œuvres complètes de Camus dans La Pléiade (Gallimard) et codirige avec Raymond Gay-Crosier un Cahier de l’Herneconsacré à l’auteur explique:

« Aujourd’hui, on a pris la mesure de l’impact et de la densité du travail de Camus. L’hommage national, il existe à travers la parution d’ouvrages, les événements qui ont lieu dans de nombreux centres culturels et tous les éléments mis à disposition du public. Cet hommage là me paraît plus correspondre à l’esprit camusien que des commémorations officielles. »

L’auteur de La Peste et de L’Etranger est un des écrivains français les plus importants du XXème siècle, probablement le plus connu, cité et traduit à l’étranger. Il a laissé une œuvre marquée par sa réflexion philosophique et politique. Prix Nobel de littérature 1957, il semblait naturel que ses écrits soient célébrés. Mais ni la Bibliothèque de France ni Beaubourg n’accueillera de rétrospective.

La grande exposition hommage – un temps baptisée Camus, l’homme révolté ou L’étranger qui nous ressemble – qui devait se tenir à Aix-en-Provence dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, a failli ne jamais voir le jour.

Imbroglio

Cette exposition cristallise depuis plusieurs années les tensions autour de la mémoire de l’auteur. Dans un premier temps, c’est Benjamin Stora, historien reconnu et spécialiste de la guerre d’Algérie, qui avait été choisi pour piloter le projet et « scénariser » l’événement.

Stora qui pensait mettre l’accent sur les différents engagements de Camus: résistance, peine de mort et guerre d’Algérie, ne sera pas parvenu à s’entendre avec Catherine Camus, fille d’Albert, qui détient les droits moraux sur le fonds de son père. En cause aussi, Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix (UMP) décrite comme « hostile » au projet initial.

Aix-en-Provence se transforme rapidement en panier de crabes. « Si vous voulez le faire comme cela, pourquoi pas, mais je pense qu’Albert Camus est un écrivain universellement connu, certes nourri par l’Algérie, mais dont la pensée dépasse le cadre régional », confie l’héritière à Mediapart.

En mai 2012, l’exposition est une première fois annulée, avant, rebondissement, d’être confiée à un nouveau commissaire, le philosophe ­Michel Onfray, auteur d’un essai biographique sur Camus. Ce dernier finit lui aussi par abandonner le navire jugeant sur Le Monde « la compagnie décidément trop nauséabonde ».

Pétard mouillé

Difficile de récupérer Albert Camus. Nicolas Sarkozy avait tenté en 2010, de faire transférer sa dépouille du cimetière de Lourmarin, en Provence, au Panthéon à Paris. L’exposition à Aix-en-Provence aura finalement été confiée à un collectif de scientifiques, historiens et philosophes.

Benjamin Stora, auteur de Camus brûlantexpliquait dans les colonnes du Figaro les raisons des divisions qui entourent l’écrivain:

« Si Camus apparaît de prime abord comme si fédérateur, (…) il continue de susciter passion et polémique. Essentiellement quant à son rapport à l’Algérie. Certains ne lui pardonnent pas d’avoir pensé que celle-ci pouvait rester fédérée à la France. (…) Et puis on lui reproche aussi d’avoir été lucide avant tout le monde sur l’échec des grandes idéologies collectives révolutionnaires. »

Agnès Spiquel de conclure: « il faut savoir se détacher de ces querelles. Beaucoup de gens ont essayé de s’approprier la parole de Camus, de la rendre plus consensuelle. Heureusement, il reste encore des zones de sa pensée encore inexplorées. »

Cent ans après sa naissance, Camus reste une figure mythique de la littérature française et mondiale, tant par sa pensée visionnaire, sa soif de justice que son itinéraire exceptionnel. Quant à l’exposition Albert Camus, citoyen du monde, elle est ouverte à Aix jusqu’au 4 janvier 2014.