Vos enquêtes sur les biens acquis par des dirigeants algériens en France n’ont pas été suivies d’effet, ni par la justice ni par la presse française d’ailleurs. Pourquoi tant d’autocensure ?
Parce que, pour le moment, on n’a trouvé qu’un seul appartement, propriété de la famille Saadani. Et que cet appartement est situé dans un très beau quartier. Il est relativement luxueux mais il n’est pas immense, il fait 600 m2. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut s’offrir ça. Pour revenir à la question, au stade de nos découvertes, nous ne sommes pas à la même échelle que les biens mal acquis par les dirigeants du Gabon ou de la Guinée équatoriale.
Deuxièmement, le dossier Algérie est très peu suivi par l’opinion nationale française. Parce qu’il est très difficile à suivre, ne serait ce que parce qu’il faut des visas pour travailler en Algérie. Je sais que si je demande un visa aujourd’hui, on ne me l’accordera pas.
D’ailleurs, la campagne électorale algérienne était très peu suivie en France avec peu de journalistes assurant les couvertures. Que Saadani ait une carte de résidence en France, les gens n’arrivent pas à saisir l’incongruité de la situation. Posséder une carte de résidence alors qu’il a le passeport diplomatique, qu’il n’a pas de problème de visa, cela voudrait dire qu’il cherche à se préserver au cas où les choses tourneraient mal en Algérie. C’est perçu à peine comme une bizarrerie. Mais la raison principale est qu’un dirigeant d’un pays étranger possédant un bien d’un million d’euros en France est vu tout juste comme un péché véniel.
Qu’est-ce qui serait de l’ordre du scandale ? Pourquoi les dirigeants nord-africains et leurs biens ne font pas scandale ?
Quand on voit ce que possèdent les Omar Bongo, Sassou, Obiang à Paris, c’est multiplié par plusieurs fois 100. Et puis ces dirigeants ont leurs relais dans l’appareil d’Etat français. Saadani en a. Ses papiers, il les a eus en 2011 à l’époque de Claude Guéant, ministre de l’Intérieur. J’ai une idée assez précise de qui était l’intermédiaire entre Saadani et Guéant. En revanche dans les médias français, je ne pense pas qu’il bénéficie d’une indulgence particulière. Car si on découvrait que Saadani possédait une dizaine d’appartements à Paris, l’affaire ferait scandale. Mais c’est vrai, on ne peut pas imaginer une chose pareille.
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