Dans une chronique, l’auteur les a appelé les Bouabdelazizi. Un «mot-valise» pour désigner cette espèce presque anthropologique que les trois mandats de Bouteflika ont inventé : des êtres a-révolutionnaires, obèses, lents, violents mais qui soutiennent le régime par effet d’addiction, plus que par conscience politique.
On croit Bouteflika debout, adossé à Gaïd-Salah, le FLN de Saïdani ou quelques autres appareils et c’est faux. C’est-à-dire, pas complètement vrai. L’homme à la chaise roulante roule parce qu’il a su créer, fabriquer, en quatorze ans de règne, une race in vitro du baril. Alias, in-baril : addict à la rente, peureuse, méfiante, molle, insurgée contre l’effort, plébéienne jusqu’au jacobinisme, en mode junky. Le Bouabdelazizi, ne s’immole pas mais immole le pays. Il est un poids mort, l’équation de l’alliance entre régime dur et Lumpen de base.
La nouvelle armée de cet homme est visible dans les villages, ce vaste réservoir électoral conservateur, réduite à la dépendance au nom de l’Indépendance, nourrie au CCP, invertébrée, terrifié, punie par dix ans de guerre civile, asservie et avilie au nom d’une logique de serf et qui aujourd’hui soutient Bouteflika, contre l’avis des classes moyennes supérieures et des élites urbaines. Le Bouabdelaziz algérien, contrairement à son pendant tunisien, ne mène pas vers la fuite de Benali, mais vers la fuite du temps ; il est cendre, pas feu. Il ne chasse personne. Il n’est pas révolution, mais consommation. Jeune, il est l’enfant unique de l’ANSEJ, de l’argent gratuit, du milliard Hallal, entre la mosquée et le FLN, terre des martyrs et ciel des imams. Plus vieux, il est l’Algérien qui attend que la Poste lui apporte ce que l’indépendance a promis.
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