La polémique enfle après que la télévision nationale algérienne a décidé de pirater la retransmission d’Al-Jazira Sport du match aller Burkina-Algérie comptant pour les qualifications au Mondial 2014 (3-2). « Jeune Afrique » revient sur le déroulé des événements qui ont conduit à cette situation et a interrogé les deux parties.
La diffusion du match Burkina-Algérie, comptant pour les qualifications au Mondial 2014, n’en finit pas de faire parler de lui. Samedi, la télévision nationale algérienne a décidé, faute d’accord avec Al-Jazira, de pirater la retransmission.
La chaîne Al-Jazira Sport a annoncé lundi 14 octobre avoir déposé une plainte au tribunal international de commerce contre la télévision algérienne l’accusant d’avoir illégalement retransmis samedi dernier la rencontre opposant le Burkina Faso à l’Algérie ( 3-2) en barrage aller des qualifications au Mondial 2014. Suite à l’échec des négociations avec la chaîne qatarie, le directeur de l’ENTV avait décidé de pirater la diffusion du match en dénonçant le chantage exercé par Al-Jazira pour l’ouverture d’un bureau à Alger.
Acte de bravoure et geste patriotique pour certains, attitude honteuse et scandale qui fait fi des règles commerciales pour d’autres, le piratage de ce match déchaine les passions en Algérie où Al-Jazira est décriée pour son rôle controversé lors des soulèvements dans le monde arabe. Et la polémique est loin de se dégonfler d’autant que le match retour, prévu le 19 novembre prochain à Blida, sera retransmis encore une fois par Al-Jazira Sport.
Piratage assumé
Retour sur le déroulé des événements. Au lendemain du tirage au sort, samedi 16 septembre, des matchs de barrages pour la qualification à la Coupe du Monde 2014 du Brésil, la direction commerciale de l’ENTV prend attache avec Sportsfive (propriété du groupe Lagardère et spécialisée dans la gestion des droits marketing et audiovisuels) pour acquérir les droits de retransmission du match Burkina Faso-Algérie à Ouagadougou. « Alors que les négociations s’éternisaient, nous étions surpris d’apprendre que Sportsfive a vendu les droits des 10 matchs à Al-Jazira pour 5,6 millions de dollars, déclare à Jeune Afrique Toufik Khelladi, directeur de l’entreprise nationale de la télévision algérienne (ENTV). Quand une chaîne cryptée acquiert les droits TV de rencontres sportives, elle est tenue de proposer les droits terrestres aux autres chaînes. Cela n’a pas été le cas pour la rencontre Burkina-Faso-Algérie. »
J’ai pris cette décision légitime pour protéger le droit des Algériens au spectacle.
Une semaine avant la rencontre, la télé algérienne fait une offre de 500 000 dollars à Al-Jazira Sport pour obtenir les droits terrestres. « Ils ont refusé en affirmant vouloir garder l’exclusivité des droits, affirme Khelladi. Deux ou trois jours avant le match, Al-Jazira revient à la charge en exigeant 1,5 million de dollars ainsi que, selon les Algériens, l’ouverture d’un bureau à Alger. Ce sont là des conditions inacceptables. Le prix est excessivement élevé et ne répond pas aux normes du marché. Quant à l’ouverture d’une représentation en Algérie, elle est du ressort des autorités politiques et non de la direction de la télévision publique. »
Un bureau d’Al-Jazira en Algérie ? Autant demander la lune. Présente à Alger depuis 1997, la chaîne qatarie a été sommée de fermer sa représentation en juin 2004 suite à un débat sur les élections présidentielles qui n’a pas été du goût des officiels. Comme pour aggraver son cas, Al-Jazira publiera sur son site web, peu de temps après les attaques kamikazes de décembre 2007 à Alger, un sondage dans lequel elle posait la question suivante : « Êtes-vous-favorables aux attentats d’Al-Qaïda en Algérie ? » Depuis, la chaîne y est bannie bien qu’elle jouisse d’une grande audience dans ce pays.
Alors que les négociations sont rompues ce samedi 12 octobre à quelques heures du début de la rencontre, la télévision algérienne décide de diffuser le match en piratant le signal émis par la chaîne burkinabé. Explications de Toufik Khelladi : « J’ai pris cette décision légitime pour protéger le droit des Algériens au spectacle. »
Le patron de l’ENTV dit ne pas craindre les poursuites judiciaires engagées par Al-Jazira s’appuyant notamment sur la jurisprudence de la Cour européenne de justice qui, en date du 18 juillet 2013, avait débouté la Fifa, l’UEFA et la chaîne BeIn en donnant la possibilité aux États de réserver la diffusion en clair des matchs de l’Euro et de la Coupe du monde.
Quid du match retour à Blida ? « Étant le producteur (la télévision algérienne, NDLR) du signal, nous disposons du droit pour la diffusion terrestre, indique M. Khelladi. Nous sommes disposés à négocier avec Al-Jazira Sports la cession des droits pour le satellite. Nous souhaitons avoir des relations commerciales justes et nous voulons que le droit du téléspectateur algérien soit protégé et respecté. »
La version d’Al-Jazira Sport
Une source autorisée proche de Nasser Al-Khelaifi, le directeur général d’Al-Jazira Sport, explique à Jeune Afrique que la télévision algérienne est effectivement entrée en contact avec la régie commerciale de la chaîne qatarie en proposant 500 000 dollars pour acquérir les droits de diffusion. « Al-Jazira Sport qui a investi 6 millions de dollars pour l’ensemble des 10 matchs, notamment ceux de l’Algérie, de la Tunisie et de l’Égypte, juge cette somme peu suffisante, soutient cette source qui n’a pas souhaitée être identifiée. Al-Jazira réclamera alors 1,5 million de dollars en demandant au passage un coup de main pour l’ouverture à partir de janvier 2014 d’une représentation à Alger pour Al-Jazira Sport qui changera de dénomination pour devenir BeIn Sport. La télévision algérienne refuse les deux offres en arguant que non seulement le montant est excessif mais que l’ouverture d’une antenne ne relève pas de ses compétences plutôt de la sphère politique. »
Les échanges par mails interposés se poursuivent jusqu’à la veille du match. « Cette fois-ci Al-Jazira propose 1,5 million de dollars sans évoquer l’aide pour l’ouverture d’une représentation de la future BeIn Sport, ajoute notre interlocuteur. La réponse des responsables de l’ENTV a été négative arguant l’impossibilité de s’acquitter d’une telle somme. «