Lu sur Le Quotidien d’Oran
La «rébellion» des télévisions nationales, algérienne et égyptienne, au sujet des droits de diffusion des matchs de leurs équipes nationales a beau avoir l’approbation du public, elle n’en est pas moins un combat d’arrière-garde.
Ce n’est pas la chaîne Al-Jazeera qui a inventé le système de cession par les fédérations sportives internationales des droits de diffusion des compétitions internationales.
Que ce soit la FIFA, l’UEFA ou la CAF, la règle du mieux disant est de mise. On cède les droits globaux pour des zones géographiques aux opérateurs qui postulent à temps et font la meilleure offre. Ces droits sont ensuite revendus au «détail» par celui qui les a achetés.
Ce système, les «cheikhs» d’Al- Jazeera-Sport ne l’ont pas inventé. Mais disposant d’une formidable tirelire, ils ont les moyens d’en profiter au maximum.
Des chaînes de télévision européennes qui ont fait du football un argument majeur – à l’image de Canal + – ont cédé du terrain face au bulldozer financier d’Al-Jazeera. Mais comme dans ces contrées-là, les règles du marché ne sont pas contestées, on compose avec le détenteur des droits, on négocie. On ne pirate pas. Les droits de diffusion, c’est comme le droit de propriété, c’est sacré.
C’est le coeur même du marché libéral. Et tout manquement aboutira devant les tribunaux d’arbitrage qui, sans le moindre doute, réaffirmeront la doxa : pas touche aux droits de diffusion -donc de propriété- légalement reconnus. Les arguments nationalistes ou émotifs -genre «comment peuton empêcher les Algériens de voir leur équipe nationale- ne sont d’aucune utilité.
C’est ce qui est fort ennuyeux dans la campagne algérienne -les Egyptiens ont commencé bien avant pour des raisons politiques après le coup d’Etat contre Morsi- contre la chaîne Al-Jazeera. On se trompe d’analyse et de cible. Le problème n’est pas Al-Jazeera !
UNE FACTURE À PAYER
On peut parier que la chaîne qatarie aura gain de cause devant un tribunal d’arbitrage et que celui-ci confirmera que la diffusion des matchs par les télévisions algérienne et égyptienne relève bien du piratage. Et les responsables des télévisions concernés ne l’ignoraient pas.
Ils ont tout simplement accepté les coûts éventuels d’une action en justice du détenteur des droits. Quand les déclamations hypernationalistes retomberont comme la poussière après le passage des éléphants, il faudra comparer entre le coût de la sanction arbitrale inévitable avec le prix proposé par Al-Jazeera.
Et devant le tribunal d’arbitrage, l’assertion que la chaîne Al- Jazeera aurait exigé l’ouverture d’un «bureau à Alger» ne servira pas de circonstance atténuante. La demande, si elle a existé, est absurde, la télévision algérienne n’ayant pas le pouvoir de décider sur ces questions.
Il ne restera au fond que le constat «matériel» d’une diffusion sans droit des matchs. Le discours anti-Jazeera, l’agacement contre la prétention du Qatar à jouer un «rôle plus grand que sa taille» sert en réalité de masque. Le problème aurait été posé également si le détenteur des droits concédés par la CAF ou la Fifa ne s’appelait pas Al-Jazeera…
BUSINESS AS USUAL
Qu’il s’appelle Canal Lune ou Canal Soleil, le détenteur des droits de diffusion ne peut être ignoré ou snobé. On négocie avec lui, on marchande, mais on ne l’ignore pas. Quand on le fait, il faut accepter de payer la facture.
Et tout indique qu’elle sera plus lourde que l’achat «légal ». Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Tahmi, a déploré que le sport «devienne aujourd’hui une affaire commerciale». C’est bien une affaire «commerciale» et le déplorer ne sert à rien.
Il y a très longtemps que le business entourant le sport n’est pas une affaire d’enfants de choeur. Et encore moins d’amateurs. Le «marché» est là et il se moque que nos responsables s’en offusquent. Ils devront s’y faire… ou payer le prix fort des piratages.