Lu sur Liberté
La candidature de Bouteflika pour un quatrième mandat peut-elle déboucher sur un scénario non déclaré officiellement mais prévu par la loi électorale ?
C’est une possibilité qui explique pourquoi le chef de l’État s’est déclaré candidat en dépit de sa grave maladie. Si aucune disposition constitutionnelle ou légale n’oblige le candidat à faire campagne lui-même pour sa propre candidature à la magistrature suprême, il doit, en revanche, déposer personnellement son dossier de candidature au niveau du Conseil constitutionnel et prêter publiquement serment en cas de victoire.
Ce sont deux étapes pour lesquelles un déplacement est inévitable, si la loi est respectée. Le communiqué du 4 janvier dernier du Conseil constitutionnel est venu rappeler la date limite du dépôt de candidature fixée au 4 mars prochain et l’inconditionnalité de la présence du candidat, après un rendez-vous pris préalablement au niveau du secrétariat de cette institution.
Sauf que la loi organique relative au régime électoral modifiée en 2012, dans le cadre des consultations politiques initiées par le président de la République, a été élaborée de manière à ouvrir une autre brèche. Celle de permettre la constitutionnalité et la légalité de la mise en oeuvre du remplacement de la candidature du Président-candidat Bouteflika, même en pleine campagne électorale. En application de l’article 141 de la loi 12-01, un délai de quinze jours pourrait, en effet, être ouvert pour le dépôt d’une nouvelle candidature, en substitution à la propre candidature du Président-candidat dans le sillage de l’élan électoral pour un quatrième mandat. L’article en question stipule : “Le retrait du candidat n’est ni accepté ni pris en compte après le dépôt des candidatures.
En cas de décès ou d’empêchement, un nouveau délai est ouvert pour le dépôt d’une nouvelle candidature ; ce délai ne peut excéder le mois précédant la date du scrutin ou quinze jours dans le cas visé par l’article 88 de la Constitution. En cas de décès ou d’empêchement légal d’un candidat après la publication de la liste des candidats au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire, la date du scrutin est reportée pour une durée maximale de quinze jours.” L’article 141 parle de cas d’empêchement visé par l’article 88 de la Constitution et donc concerne directement le Président-candidat.
L’article 88 de la loi fondamentale indique que “lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement”. La personnalité de substitution “désignée” par le Président ou par son entourage pourrait, suivant cette logique, utiliser son dossier de candidature, bénéficier de la dispense de la collecte de signatures et surtout hériter des soutiens des partis majoritaires, FLN, RND, MPA et Taj… ainsi que les organisations de la société civile et UGTA.
Car, il s’agira de remplacement d’un candidat à la magistrature, ayant procédé préalablement à la collecte des signatures nécessaires, à la validation de son dossier et son dépôt auprès du Conseil constitutionnel. La date du scrutin sera ainsi reportée au 2 mai 2014 conformément à l’article 141 de la loi 12-01. Dans ce cas de figure, il serait intéressant de savoir comment le Président-candidat va contourner l’obligation de déposer personnellement son dossier au niveau du Conseil constitutionnel, alors que son état de santé ne lui permet vraisemblablement pas cet effort. Cette étape franchie aboutira à l’application de l’article 88 de la Constitution relative à l’état d’empêchement à cause d’une maladie notamment.
Le président du Conseil de la nation assurera l’intérim durant une période de quarante-cinq jours. Une durée qui couvre largement les délais impartis à la tenue du scrutin s’ils devraient être arrêtés, selon les dispositions de la nouvelle loi électorale respectivement pour les 2 et 17 mai. Un tel scénario expliquerait les réticences d’une frange de l’armée qui s’est déclarée dans la presse hostile à un quatrième mandat d’un président fortement fragilisé par la maladie et permettra le lancement du réel candidat du consensus, qui n’aurait pas pu bénéficier des mêmes chances s’il avait eu à présenter sa candidature au départ. C’est le deal, peut-être conclu pour garantir l’immunité aux proches de Bouteflika et son clan.
Car que sait-on réellement des intentions de l’actuel Président ? Depuis son hospitalisation au printemps dernier à l’hôpital du Val-de-Grâce, ses rares interventions se font par déclarations écrites interposées, enracinant chaque jour davantage le doute sur ses capacités à diriger le pays les cinq prochaines années. L’hypothèse d’une candidature de substitution est certes permise par la loi électorale révisée en 2012, mais d’autres ne sont pas à exclure, y compris l’aboutissement de la candidature d’un président malade sans même l’ombre d’une apparition publique, ni discours à la nation.