Qui peut soutenir, aujourd’hui, sans sourire, que l’Algérie est un pays démocratique, respectueux de sa dénomination officielle et des dispositions d’une Constitution révisée, une demi-douzaine de fois, en près de 52 ans d’existence indépendante ?
Mis à part les experts en démagogie qui en usent comme d’un juteux fonds de commerce ou ceux qui se sont réfugiés dans une bulle en béton, loin des réalités de la société, ils ne sont pas légion. Et pour cause, parce que, aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de l’Algérie, on ne trouve aucune trace tangible d’une pratique de gouvernance qui rappellerait, de près ou de loin, la démocratie telle qu’elle fut exercée, à sa naissance, à Sparte puis à Raguse et telle qu’elle est, de nos jours, appliquée par les nations modernes. Sauf en deux circonstances uniques, capitales pour le destin national : le 1er juillet 1962 et le 16 novembre 1995, lorsque les Algériens se sont, massivement, prononcés en faveur de l’indépendance, dans le premier cas, et contre l’intégrisme, dans le second, en passant par une urne libre. Quoi que ce furent, là, des actes qui procédaient plus d’une volonté de survie et de refondation que d’un choix de direction politique ou de programmes de gouvernement. La virtualité de la démocratie en Algérie qui s’est illustrée, depuis l’indépendance, partout, dans les textes apologétiques ou dans les lois-alibis ne résulte pas de l’inéluctabilité d’un hasard malencontreux. Elle s’explique historiquement et sociologiquement.
Historiquement, aucun des régimes installés dans une ou des parties de l’Algérie actuelle, de l’Antiquité à nos jours, n’a connu une forme démocratique de gouvernement. Ni les royaumes berbères de Massinissa, de Jugurtha, de Syphax, de Juba I et de Juba II, ni les royaumes arabes consécutifs aux Foutouhate El-Islamia de Okba Ibn Nafaâ et de Amr Ibn El Aas, ni les empires almohade et almoravide d’Ibn Toumert et d’Ibn Tachfine, ni l’Etat de Kheireddine et de Aâroudj Barberousse, ni l’Emirat de Mahieddine et d’Abdelkader n’y émargèrent parce que, objectivement, le type de mode de production, alors, en vigueur et la nature des rapports sociaux qui en découlaient ne l’autorisaient pas.
Sociologiquement, l’organisation communautaire puis féodale qui constitua la base sociale de ces Etats gouvernés par les noblesses d’épée et de foi était d’essence clanique et tribale. Le pouvoir était reconnu à un chef, un monarque ou un empereur, dans la forme d’une allégeance dictée par un corpus de conventions non écrites ou la force militaire et la religion tenaient une place de premier plan.