Lu sur Le Temps d’Algérie
Dans le texte du «projet de rapport d’information» (dont nous disposons d’une copie) sur «les révolutions arabes», la commission des affaires étrangères du Parlement français s’intéresse à l’Algérie et tente d’«expliquer» pourquoi «la révolte» n’a pas gagné ce pays.
C’est sous le titre «Algérie : des troubles violents restés pour l’instant sans lendemain» que ce rapport parlementaire traite de la situation dans notre pays.
«L’augmentation des prix de l’huile et du sucre provoque en janvier 2011 de véritables émeutes, lesquelles s’accompagnent de scènes de pillage et d’immolations par le feu. Une coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) appelle ensuite à organiser des manifestations tous les samedis. Cependant, en dépit de la situation économique et sociale, qui conduit à des jacqueries sporadiques, et malgré la désespérance d’une grande partie de la jeunesse, la contestation sociale ne prend pas une dimension de masse et ne dure pas», note ce rapport.
«Plusieurs raisons ont été évoquées pour expliquer cette relative démobilisation» de la société algérienne, malgré le profond malaise que connaît le pays (l’Algérie a fait l’objet d’une commission d’information spécifique de la Commission des affaires étrangères).
Outre le fait qu’il a pu compter sur l’efficacité de ses forces de sécurité et de renseignement, le pouvoir algérien a annoncé quelques réformes politiques, telles que l’abrogation de l’état d’urgence, lancé quelques rumeurs et ballons d’essai, et surtout adopté des mesures sociales, autorisées par la «cagnotte» des revenus gaziers et si généreuses que le niveau des dépenses publiques a été relevé de 25% dans une loi de finances rectificative pour 2011», écrivent les rédacteurs de ce «projet de rapport d’information» du Parlement français.
«Enfin, les 100 000 morts et les quelque 10 000 ou 15 000 disparus de la longue guerre civile qui a suivi le printemps algérien de 1988 ont laissé un traumatisme profond dans le pays», est-il ajouté dans le texte de ce rapport.
«Paradoxalement, l’ampleur de la désespérance pourrait ‘immuniser’ en partie le régime, la société étant bloquée au point que la jeunesse ne paraît plus faire de projets à l’intérieur du pays, mais plutôt à l’étranger, par la voie de l’émigration», selon toujours ce rapport français.
Un document très conciliant avec certains pays
La commission des affaires étrangères du Parlement français aborde également les déplacements du président de la République française en Algérie.
«Les dernières visites d’Etat du président français en Algérie ont ainsi été marquées par ce slogan révélateur : ‘Des visas !’», écrivent encore les rédacteurs. «Enfin, si le président et le gouvernement ne sont pas visés par le même slogan ‘Dégage’ qu’en Tunisie et en Libye, c’est probablement aussi parce que la population est bien consciente que la réalité du pouvoir n’est pas entre leurs mains», ont ajouté les auteurs de ce rapport français.
Ce «projet de rapport d’information» qui ne semble douter fort du caractère permanent de la stabilité en Algérie et qui s’interdit d’applaudir les réformes engagées dans ce pays, s’intéresse également aux autres pays arabes, dont la Syrie, l’Egypte, la Tunisie, le Maroc, le Qatar et le Bahreïn. Très «conciliant» avec certains pays, ce document critique d’autres, l’Algérie en particulier.
Cependant, il faut le reconnaître, ce rapport «a abordé la question du Bahreïn au moment où de nombreux médias évitent de parler de la situation dans ce pays. Il évoque, d’ailleurs, une «indifférence générale». «Bahreïn : un soulèvement maté dans le sang».
«Dans ce petit archipel traversé depuis longtemps par des clivages politiques et sociaux, qui suivent en grande partie une ligne de fracture entre la majorité chiite (70% des nationaux), laquelle s’estime gravement marginalisée, et la minorité sunnite, une grave crise politique s’est durablement installée depuis le 14 février 2011, après une importante mobilisation qui aurait réuni jusqu’à 150 000 manifestants, place de la Perle, sur une population nationale de 600 000 personnes.
Le 14 février était le jour anniversaire du référendum de 2001 sur une charte d’action nationale qui avait conduit à une frustration d’autant plus grande que les espoirs initiaux, suscités par l’abrogation de la loi sur la sécurité de l’Etat et par la reconstitution d’un Parlement suspendu en 1975, avaient finalement été déçus», est-il écrit dans ce texte.
«Les autorités ont réagi à la contestation en demandant l’intervention de militaires saoudiens et de policiers émiriens, le 14 mars, et en rejetant la responsabilité des troubles sur l’Iran, accusé de manipuler les clivages confessionnels pour déstabiliser le pays.
La commission d’enquête internationale sur les événements du début de l’année 2011 et sur leurs conséquences, mandatée par le roi et présidée par l’éminent juriste américano-égyptien Mahmoud Chérif Bassiouni, a par la suite récusé toute ingérence directe de l’Iran, mais confirmé un usage excessif de la force», est-il ajouté dans ce document.
«Le rapport Bassiouni recense 35 morts, essentiellement des civils, entre le 14 février et le 15 avril 2011, 2300 arrestations sur le fondement de la déclaration de l’état d’urgence, en particulier des leaders des manifestations et des responsables politiques, de nombreuses perquisitions nocturnes et des traitements inhumains et dégradants manifestement destinés à faire régner la terreur, au moins 30 lieux de culte chiites détruits, environ 2300 personnes licenciées dans le secteur public et près de 2500 dans le secteur privé pour avoir participé aux grèves ou pour les avoir soutenues, ainsi que 500 étudiants ayant fait l’objet de procédures disciplinaires», selon les rédacteurs document en question.