Lu sur Le Monde
Voilà Tony Blair prêcheur contre l’islam radical ! C’est la quatrième incarnation de l’ancien premier ministre de Sa Majesté (de 1997 à 2007), qui cumulait déjà trois existences depuis son départ du pouvoir : avocat de l’oecuménisme religieux ; représentant au Proche-Orient du « quartette », regroupant les Nations unies, l’Union européenne, les Etats-Unis et la Russie ; businessman riche et comblé.
« La poussée de l’islam constitue une menace majeure pour la sécurité internationale au XXIe siècle » : en prônant, dans un discours prononcé mercredi 23 avril à Londres, un rapprochement avec la Russie, malgré l’affaire ukrainienne, pour contrer les extrémistes musulmans, l’ex-chef du gouvernement a provoqué une controverse que, n’était le sujet, on pourrait qualifier de tous les diables. L’amalgame fait par l’ancien hôte du 10 Downing Street entre les rebelles syriens, les Frères musulmans en Egypte et les mollahs iraniens a provoqué la consternation du Foreign Office. « Il s’agit de l’une des déclarations les plus embarrassantes, par son côté simplet, que j’aie pu entendre de la part d’un homme politique traditionnel », a par ailleurs jugé Shadi Hamid, spécialiste duProche-Orient à la Brookings Institution, un cercle de réflexion américain.
Au Royaume-Uni, pays multiconfessionnel, on ne s’aventure pas sur le terrain de la religion sans risque. L’actuel premier ministre, David Cameron, l’a appris à sesdépens en réaffirmant récemment le caractère « chrétien » du royaume. Même si, sur le fond, le leader conservateur n’a pas tort – puisque l’anglicanisme, une variante du protestantisme, est religion d’Etat –, sa sortie a provoqué un grand raffut dans les cercles laïques. D’autant que le protestantisme recule actuellement face au catholicisme et à l’islam, en raison de l’afflux d’immigrés d’Europe de l’Est d’une part, du sous-continent indien, du Maghreb et d’Afrique d’autre part.
Si le Royaume-Uni a eu au XIXe siècle un premier ministre d’origine juive (mais converti), Benjamin Disraeli, aucun catholique n’a occupé le 10 Downing Street. Tony Blair s’est d’ailleurs senti obligé d’attendre son départ du poste avant d’annoncer officiellement sa conversion au catholicisme.
ACCUSATIONS D’AFFAIRISME
A écouter Tony Blair, les pays du Golfe symbolisent « les valeurs de la tolérance religieuse et d’économies ouvertes et réglementées ». Cette déclaration a renforcé les accusations d’affairisme que lui adressent ses pires détracteurs.
L’architecte du New Labour est aujourd’hui un homme riche qui « pèse » plus de 100 millions d’euros. En 2009, il a fondé un cabinet de conseil appelé Tony Blair Associates. Installé dans de somptueux bureaux à Grosvenor Square, au coeur de Mayfair, le quartier londonien le plus chic, cette enseigne pour happy few compte parmi ses clients le Qatar, le Koweït, ainsi que Development Company, un fonds souverain d’Abou Dhabi.
La société prête main-forte à des autocrates pas très recommandables ou à de mystérieux négociants en matières premières. En septembre 2012, M. Blair avait facturé plus d’un million d’euros de commissions pour trois heures d’un travail de médiation destiné à débloquer un projet de fusions-acquisitions entre le Qatar et le groupe suisse de matières premières Glencore.
A ces critiques, Tony Blair réplique que l’essentiel des revenus de ses affaires est réinvesti dans ses deux organisations caritatives, la Fondation pour la foi et une association d’aide à l’Afrique
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