Si les grèves sont devenues courantes en Tunisie depuis la « révolution du jasmin », le mouvement social que connaît Teleperformance, le leader mondial des centres d’appel, qui emploie 6 000 salariés dans le pays, a pris une forme extrême.
Pour protester contre des licenciements jugés abusifs, le 26 février, six syndicalistes se sont enfermés dans une salle de réunion du siège tunisois de Teleperformance, et quatre s’y trouvent toujours. Puis, le 5 mars, trois ont entamé une grève de la faim.
Lundi 11 mars, cette action s’est étendue : dans chacun des centres d’appel de l’entreprise, à Tunis, à Ben Arous, dans la banlieue de la capitale, et à Sousse, sur la côte est, au moins cinq salariés ont observé, à tour de rôle, une journée de grève de la faim. En France, les syndicats Sud et CGT des centres d’appel soutiennent ce mouvement.
L’élément déclencheur a été, selon Slim Ben Romdhane, secrétaire général adjoint du syndicat Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) de Teleperformance à Ben Arous, « le conseil de discipline du 26 février, qui a débouché sur des licenciements et des sanctions abusifs », dit-il.
Selon M. Ben Romdhane, de telles réunions ont lieu tous les quinze jours, pour vingt personnes, pour des « motifs divers – retard, absence injustifiée d’une journée, traitement non conforme d’un appel téléphonique, etc. En général, ces personnes sont licenciées ou mises à pied, pour des raisons non valables. Certaines ont huit ou dix ans d’ancienneté. » Les syndicalistes demandent« l’annulation de toutes les décisions du conseil de discipline du 26 février ». Mais pour la direction du groupe, « il ne peut y avoir de dialogue raisonnable tant que les personnes ne cessent pas l’occupation illégale des locaux ». Les occupants attendent, eux, qu’un accord soit signé pour quitter les lieux.
Teleperformance précise que la direction locale a eu trois réunions avec l’UGTT depuis le 26 février, qu’un accord a été trouvé avec « un des principaux dirigeants de l’UGTT », et qu’il doit être, selon elle, présenté aux représentants syndicaux. Mais le 11 mars, aucune solution ne semblait en vue.
CONFLIT SUR L’ANCIENNETÉ
Autre élément du conflit : selon le syndicat, un accord a été signé, en décembre 2010, prévoyant des augmentations salariales sur trois ans, et la mise en place d’une grille de classification qui devait faire l’objet de négociations pour être applicable au 1er janvier 2012. Elles ont abouti à un projet de grille, mais direction et syndicat n’ont pas pu se mettre d’accord sur les augmentations liées à l’ancienneté.
Teleperformance a proposé « que les négociations se poursuivent au niveau du secteur des centres d’appel, dans le cadre de la mise en place d’une convention »collective. Et décidé unilatéralement d’appliquer des augmentations salariales supérieures à celles qui avaient été négociées en 2010 afin, explique-t-elle, « decompenser le retard de la mise en place de la grille de classification », soit 11 % sur 2012-2013, au lieu de 8 %. Mais l’UGTT refuse que la négociation des classifications chez Teleperformance, qui dessinent des évolutions de carrière, soit abandonnée.
Mardi, une réunion devait avoir lieu au ministère tunisien des affaires sociales avec la direction de Teleperformance et l’UGTT.
Ce conflit survient à un mauvais moment pour la société. Le 21 mars se tiendra àParis une réunion du comité pour l’attribution du label de responsabilité sociale, auquel le groupe postule et qui fait la part belle à la gestion des ressources humaines et au dialogue social… Son obtention est une exigence inscrite dans le cahier des charges de certains donneurs d’ordre.